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Festival du film de Tanger 2025 : le palmarès confirme l’essor d’un cinéma marocain riche et affirmé

La 25ᵉ édition du Festival national du film de Tanger s’est refermée sur un palmarès révélateur de la vitalité et de la diversité du cinéma marocain, où exil, mémoire, engagement social et créativité se rencontrent. «La Mer au loin» de Saïd Hamich Benlarbi, «Le Lac bleu» de Daoud Aoulad Syad ou encore «Fiers, suspendus et obstinés» de Mohamed Akram Nemmassi ont confirmé l’excellence de la production nationale, tandis que les courts métrages de fiction et documentaires ont mis en lumière de jeunes auteurs audacieux et engagés.

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Le rideau est tombé sur la 25ᵉ édition du Festival national du film (FNF), tenue à Tanger du 17 au 25 octobre courant, avec un palmarès dominé par «La Mer au loin» de Saïd Hamich Benlarbi, œuvre sensible et dense qui a raflé le Grand Prix, le Prix de la réalisation, ainsi que les Prix du second rôle féminin pour Rym Foglia et du second rôle masculin pour Omar Boularkirba. Ce film a également reçu le Prix de la critique dans sa catégorie.

Dans «La Mer au loin», le cinéaste explore le destin de Nour, interprété par Ayoub Gretaa, jeune homme qui quitte le Maroc au début des années 1990 pour rejoindre clandestinement la France, porté par un rêve d’ailleurs et un désir de vie meilleure, mais confronté à l’errance, à la solitude et à la nostalgie des racines laissées derrière lui. À travers ce parcours d’exil, le film met en lumière cette double absence que connaissent ceux qui partent : absents du pays quitté et jamais totalement présents dans celui d’accueil. Il déploie une mise en scène qui fait de la mer, de la distance et du silence des symboles d’appartenance et de perte.

Pour Saïd Hamich Benlarbi, ce film est avant tout une expérience sensorielle et émotionnelle. Il filme l’exil non pas comme une trajectoire géographique, mais comme une expérience intérieure.



Le critique Abdelkrim Ouakrim parle de «La Mer au loin» comme d’un «mélodrame social plein d’émotions, qui ne laisse aucun spectateur indifférent face aux parcours bouleversants de ses personnages». Soutenu par une photographie sobre, une narration fluide et une bande sonore ponctuée de chansons de Cheb Hasni, le film s’impose comme une œuvre profondément humaine, habitée par la nostalgie d’une génération déracinée, mais toujours reliée à la mémoire sonore et affective du pays.

«Le Lac bleu» : la poésie du désert et la quête de l’invisible

Parmi les œuvres saluées par le jury du FNF 2025, «Le Lac bleu» de Daoud Aoulad Syad a su séduire par sa force visuelle et sa profondeur symbolique. Le film a remporté le Prix de la production, le Prix du scénario signé Abdelmjid Seddati, El Houcine Chani et Aoulad Syad, ainsi que le Prix de la musique originale composée par Mourad Zdaidat.

Fidèle à son univers cinématographique, Aoulad Syad déploie une narration métaphorique où la beauté du désert devient miroir de l’âme.

«Le Lac bleu» raconte l’histoire de Youssef, un enfant de douze ans, non-voyant.

Orphelin depuis l’âge de six mois, il vit avec ses grands-parents, Allal, chauffeur de taxi, et Ouardia. Ils habitent dans un village perdu dans le désert.

Youssef est un jeune garçon intelligent et turbulent. Il n’hésite pas à prendre des risques pour surmonter son handicap. Lorsqu’il le peut, il aime prendre des photos de ses camarades de classe.

Un jour, son grand-père lui fait la surprise de lui acheter un appareil photo. Youssef commence alors à photographier tout ce qui l’entoure, avec passion et curiosité.

Un jour, il entend parler d’un étrange voyage dans le désert, où des aveugles venus de l’étranger veulent se retrouver autour d’un lac bleu miraculeux pour les aveugles.

Accompagné de son grand-père, il part à la recherche de ce lac au milieu des dunes d’Assa. Ce voyage initiatique n’est pas seulement une quête géographique, mais une exploration intérieure où le regard se déplace du visible vers le ressenti. Ce film est surtout sur l’invisible. Avec «Le Lac bleu», Daoud Aoulad Syad poursuit son dialogue entre art, spiritualité et humanité, confirmant sa place singulière dans le paysage cinématographique national.

Un palmarès équilibré et révélateur d’un cinéma marocain en mutation

Le Prix spécial du jury a été attribué ex aequo à «Mauvais Temps» de Madane El Ghazouani et à «Everybody Loves Touda» de Nabil Ayouch, deux films qui, chacun à sa manière, interrogent les fractures sociales et les résistances humaines. Mauvais Temps a également remporté le Prix de la première œuvre, consacrant ainsi un regard neuf et audacieux sur la réalité contemporaine.

Côté interprétation, Nisrine Erradi a été distinguée par le Prix du premier rôle féminin pour sa performance habitée dans «Everybody Loves Touda». Pour sa part, Abdenbi Beniwi a décroché le Prix du premier rôle masculin pour son jeu dans «Mauvais Temps». Son interprétation, saluée par la critique, a été décrite comme «puissante et intérieure, traduisant avec justesse la tension d’un homme pris entre la colère et la dignité». Une performance qui, selon le critique Abdelkrim Ouakrim, «soutient et élève le film tout entier».

Le Prix de l’image a été décerné à Virginie Surdej pour «Everybody Loves Touda», le Prix du son à Nassim El Mounabbih et Saïd Radi pour le même film, et le Prix du montage à Ilyas Lakhmas pour «Les Commandements» de Sanaa Akroud, œuvre qui a également reçu une Mention spéciale du jury pour sa rigueur et sa profondeur.

Compétition documentaire

Le Grand Prix de la compétition long métrage documentaire a été attribué à «Fiers, suspendus et obstinés» de Mohamed Akram Nemmassi, un film salué pour sa capacité à capturer, avec ironie et comédie, la vie dans la région de Ketama, stigmatisée à cause de la culture du cannabis.

Le jury a, également, décerné un Prix spécial ex aequo à «I Will Remember You» de Mohamed Rida Gueznai et à «Les Mille et un jours du Hajj Edmon» de Simon Bitton, tandis que le Prix de la création est revenu à «The Departure» de Sidi Mohamed Fadel El Joummani, qui a également reçu le Prix de la critique. Une Mention spéciale a été attribuée au film «Prisonniers de l’attente» de Loubna El Younssi.

Dans «Fiers, suspendus et obstinés», Nemmassi suit une équipe locale de football à Ketama, confrontée à des difficultés financières malgré la richesse que produit la région. Il explore aussi la quête d’un personnage obsédé par des trésors légendaires et ponctue le récit des poèmes d’un poète local, apportant une touche de gravité et de mélancolie. Avec humour et empathie, le film révèle les paradoxes de Ketama et la résilience de ses habitants, offrant un nouveau regard sur une région trop souvent méconnue.

Compétition court métrage de fiction et documentaire

«L’mina» de Randa Maroufi a remporté le Grand Prix de cette catégorie, tout en recevant une mention spéciale de l’Association marocaine des critiques de cinéma. Ce documentaire polyphonique explore la vie et le travail dans les mines de Jerada, sans jamais tomber dans l’ode misérabiliste. Le film repose sur une création collective, où les habitants incarnent pour la plupart leur propre rôle, apportant authenticité et profondeur aux scènes.

Pour filmer le travail des mineurs en toute sécurité, Maroufi a opté pour une scénographie reconstituée, transformant salons et espaces communs en puits et galeries. Cette approche permet de capturer le quotidien des travailleurs tout en donnant une dimension sensorielle et immersive au spectateur.

Le documentaire combine différentes natures d’images – scans 3D, Super 8 et prises plus traditionnelles – pour articuler une narration à la fois collective et intime. Les images technologiques évoquent le contrôle et la surveillance, tandis que les images Super 8 rappellent la mémoire familiale et l’expérience individuelle.

Au-delà de la représentation du travail, «L’mina» questionne la dignité humaine et les injustices sociales.

Le Prix spécial du jury dans la catégorie court métrage de fiction et documentaire est allé à «Miroir à vendre» de Hicham Amal, qui a aussi remporté le Prix de la critique, tandis que le Prix du scénario a été attribué à Ayoub Layoussifi et Zahoua Raji pour le film «Chikha». Le jury a attribué une Mention spéciale au film «Aïcha» de Sanaa El Aloui.

Hommage à Fatima Attif

La 25ᵉ édition du Festival national du film à Tanger s’est clôturée samedi par un hommage émouvant à l’actrice Fatima Attif, saluant une carrière riche et engagée. Visiblement touchée, l’artiste a dédié cette reconnaissance à tous ceux qui ont cru en son talent.

Diplômée de l’Institut supérieur d’art dramatique et d’animation culturelle, Fatima Attif s’est d’abord illustrée sur les planches avant de briller au cinéma.

Festival du film de Tanger 2025 : le palmarès confirme l’essor d’un cinéma marocain riche et affirmé



L'actrice originaire de Mrirt s’est imposée rapidement comme une comédienne d’exception. En 1999, elle décroche son premier prix d’interprétation au Festival national du théâtre de Meknès, avant d'enchaîner les pièces marquantes.

Sa carrière cinématographique confirme sa notoriété. En 2019, elle brille dans La Guérisseuse de Mohamed Zinedine, qui lui vaut le Prix de la meilleure actrice au Festival national du film de Tanger, puis une récompense internationale la même année en Suède. Son rôle dans «Zanka Contact» d’Ismaël El Iraki lui apporte le prix du second rôle féminin, avant de poursuivre sur sa lancée avec le court métrage «Jour de Printemps» de Imad Badi, primé au Brésil en 2023.

Fatima Attif collabore également avec de grands réalisateurs marocains comme Faouzi Bensaïdi (Volubilis, What a Wonderful World), Adil Fadili (Mon Père n’est pas mort), Laila Marrakchi (Mass Dolce, 2025) et bien d’autres.

Au petit écran, elle demeure une figure familière du public marocain grâce à des téléfilms et séries emblématiques telles que «Demm El Maghdour», «Le Congé», «Achahida», «Essasse» ou «Men Dar Ledar».

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