Des objectifs ambitieux requérant une mobilisation concertée de la part de tous
S’exprimant à l’ouverture de ces troisièmes Assises régionales de Tamwilcom, le directeur général adjoint de la Société d’ingénierie énergétique (SIE), Hassan Harrak, affirme que ces objectifs d’atteindre une proportion de 52% d’énergies renouvelables de son mix énergétique et de réduire la consommation d’énergie de 20% à l’horizon 2030 relèvent d’une stratégie nationale et d’une démarche volontariste qu’il convient de mettre en œuvre, au-delà des exigences de plus en plus strictes qui prévalent désormais au niveau international. Cependant, ces objectifs ambitieux ne seront pas aisément atteints, admet M. Harrak. «Ce n’est qu’en combinant les efforts des entreprises, du secteur public, représenté par des sociétés telles que Tamwilcom et la Société d’ingénierie énergétique, une super ESCO détenue par l’État marocain, et du secteur bancaire que nous y arriverons», soutient-il.En ce qui concerne particulièrement la SIE, M. Harrak souligne que, outre sa mission d’exécution du programme d’efficacité énergétique, elle joue le rôle de facilitateur ou de tiers de confiance, en soutenant l’émergence d’un écosystème performant en matière d’efficacité énergétique».
Par ailleurs, et sans nier les limites de l’accès au financement, en particulier pour certains projets complexes dont le coût est inférieur à 50 millions de dirhams (et donc non couverts par les dispositifs de subvention prévus par la Charte de l’investissement), M. Harrak a annoncé que la SIE était en train de concevoir, en collaboration avec les banques et les compagnies d’assurance, un produit d’assurance qui sera lancé dans les mois à venir. «Celui-ci permettra aux banques d’exiger moins de garanties ou de ne pas en exiger du tout», a-t-il assuré.
«Green Invest» : le produit de Tamwilcom pour promouvoir la transition et l’efficacité énergétiques
Le directeur général adjoint en charge du «Pôle opérations» chez Tamwilcom, El Khattab Benzina, insiste, quant à lui, sur la nécessité de renforcer la sensibilisation des entreprises, notamment les TPME, au sujet de l’efficacité énergétique, laquelle implique de nombreux aspects, à commencer par le diagnostic pour repérer là où la consommation d’énergie doit être optimisée, puis les solutions à apporter et l’équipement à acquérir. Et pour financer cet investissement relatif à l’efficacité énergétique, fait savoir M. Benzina, intervient alors Tamwilcom avec ses partenaires du Groupement professionnel des banques du Maroc (GPBM), qui ont mis en place depuis 2019 le produit «Green Invest», qui consiste en un cofinancement réparti comme suit : 40% provenant de Tamwilcom avec un plafond de 10 millions de dirhams à un taux de 2,5% et une maturité pouvant aller jusqu’à 12 ans, jumelé à un financement de 40% provenant de la banque (au taux établi par cette dernière et avec la même maturité) et 20% en fonds propres.Néanmoins, fait remarquer M. Benzina, la demande pour ce produit reste modeste à cause de diverses circonstances, notamment les crises de la Covid et de la vague inflationniste qui a suivi, de sorte que les entreprises qui en subissent encore les contrecoups relèguent les plans d’efficacité et de transition énergétiques au dernier rang de leurs préoccupations. Le responsable de Tamwilcom ajoute qu’il faut également tenir compte du fait que l’écosystème de l’efficacité énergétique n’est, actuellement, pas encore tout à fait au point et qu’il a besoin d’experts labellisés en mesure de réaliser des diagnostics et de bien dimensionner les besoins des entreprises en matière d’efficacité énergétique, ce qui est de nature à rassurer les établissements bancaires sur le financement de projets viables et porteurs de valeurs ajoutées.
S’exprimant au nom du GPBM, la responsable du «Financement de l’investissement et soutien à l’entreprise» à Attijariwafa bank, Souad Fachtal, a affirmé pour sa part que «le défi de la transition énergétique requiert plus que jamais une étroite collaboration entre les secteurs privé et public». Le rôle des banques consiste, dit-elle, à ce qu’elles soient plus proactives pour mener l’économie vers une transition énergétique favorisant sa décarbonation. Le secteur bancaire se doit également de faire preuve de diligence et de veiller à ce que les projets liés à la transition énergétique soient financés de manière responsable, en tenant compte de l’intégration des critères ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance) dans le processus d’octroi de crédit, estime Mme Fachtal, affirmant qu’«il y a une véritable stratégie au niveau de toutes les banques pour créer des produits adaptés à la transition énergétique». Réagissant aux remarques concernant les taux actuellement en vigueur pour les financements verts et la nécessité d’établir des taux préférentiels dans ce domaine, Mme Fachtal a rappelé que les taux sont définis en fonction des ratings, des données bilancielles, etc., et que les banques, qui sont des entreprises citoyennes, consentent un effort supplémentaire pour assurer un financement adéquat des projets d’efficacité et de transition énergétiques.
«Il faut penser à tous les maillons actifs de l’écosystème de transition énergétique»
En rapport toujours avec le financement par le secteur bancaire, le directeur général de Green Tech Partners, Reda El Alj, est d’avis que celui-ci «finance bien aisément le client final, mais moins bien celui qui assure les missions de diagnostic, d’ingénierie et d’installation des équipements nécessaires au chantier de la transition énergétique». Le secteur bancaire, insiste M. El Alj, est appelé à porter une attention particulière aux TPE-PME, y compris celles qui s’activent dans les domaines de la réalisation des diagnostic et de l’installation des équipements. «Il faut penser à tous les maillons actifs de cet écosystème de transition énergétique», souligne-t-il. Par ailleurs, M. El Alj se prononce en faveur d’une extension de «Green Invest» au leasing, dans la mesure où, pour certains projets, la formule du leasing s’avère plus adaptée qu’un crédit à moyen terme (CMT), compte tenu des considérations liées à la TVA. «Dans un CMT, il faut financer 20% de TVA, alors que dans le leasing, le financement se fait hors TVA», explique le DG de Green Tech Partners. En termes de retour sur investissement, M. El Alj confirme qu’opter pour l’efficacité énergétique permet de réaliser des économies de 5 à 35% sur les factures d’énergie, avec un amortissement de l’investissement en 1 à 3 ans. «L’efficacité énergétique combinée à une exploitation des énergies renouvelables comme le solaire, à partir d’une installation sur site, apporte une économie globale pouvant aller jusqu’à 50% de la facture énergétique, et l’équipement est amorti en 5 ans, voire 3,5 ans avec une subvention de Maroc PME. Une fois l’équipement amorti, il ne reste plus que la maintenance, et le prix du kilowattheure passe de 0,95 dirham à 0,10 dirham», affirme-t-il, ajoutant que «du côté thermique, la combinaison d’une chaudière à gaz et d’une chaudière à biomasse permet de diviser par deux le coût de la facture énergétique et d’économiser 92% d’émissions de carbone».Envisager une incitation fiscale pour encourager les entreprises à investir dans l’efficacité énergétique
De son côté, la présidente régionale de la CGEM à Rabat-Salé-Kénitra, Bouthayna Iraqui Houssaïni, et tout en rappelant que l’enjeu de l’efficacité et la transition énergétiques relève également d’une obligation morale vis-à-vis des génération futures, a cependant fait observer qu’un entrepreneur qui voit ses marges se resserrer du fait de l’inflation, et qui est confronté à des taux bancaires de plus en plus élevés et extrêmement pénalisants, notamment pour l’investissement et le besoin en fonds de roulement, sera évidemment enclin à repousser à plus tard l’investissement dans la transition énergétique.Mme Iraqui Houssaini, tout en se félicitant que des organismes comme Tamwilcom soient là pour financer 40% du volume total de l’investissement (à hauteur de 10 millions de dirhams) à un taux de 2,5%, a plaidé pour une incitation fiscale afin d’encourager les entreprises à investir dans l’efficacité et la transition énergétiques, lesquelles «demeurent quand même une charge pour l’entreprise dans un premier temps avant de devenir une source d’économie».
Déclarations
El Khattab Benzina, directeur général adjoint en charge du «Pôle opérations» chez Tamwilcom
«La transition énergétique étant devenue un impératif incontournable, les TPME se doivent de se mettre au diapason de tous les aspects relatifs à l’efficacité et à la transition énergétiques. La rencontre, qui s’est tenue aujourd’hui (jeudi dernier Ndlr) à Rabat, a été l’occasion d’évoquer toutes les solutions de financement qui existent, principalement «Green Invest», qui est un mécanisme de cofinancement mis en place par Tamwilcom avec le secteur bancaire pour financer les projets de transition énergétique des PME.»
Souad Fachtal, responsable du «Financement de l’investissement et soutien à l’entreprise» à Attijariwafa bank
«Nous avons la responsabilité d’être proactifs en catalysant la transition vers un système énergétique propre et durable. Pour ce faire, il faut mobiliser des moyens importants, ce qui est déjà le cas pour les grandes entreprises, et nous travaillons actuellement à la massification de ces financements pour tous les projets éco-responsables.»
Bouthayna Iraqui Houssaïni, présidente régionale de la CGEM Rabat-Salé-Kénitra
«À la CGEM, nous sommes très sensibles à la question de la transition énergétique et nous nous y sentons pleinement concernés. Nous organisons des événements tout au long de l’année pour sensibiliser l’ensemble des entrepreneurs à cette question, et surtout pour leur faire découvrir tous les éléments de cet écosystème. La rencontre organisée ce jour par Tamwilcom a été l’occasion de découvrir toutes les solutions de financement et les garanties disponibles, ainsi que les solutions d’ingénierie dans ce domaine et les expertises qui ont été développées, de même que les organismes, notamment étatiques, ayant un rôle de régulateur dans ce domaine.»
Reda El Alj, directeur général de Green Tech Partners
«En tant que Greentech partners, nous sommes un opérateur investi dans la décarbonisation et la transition énergétique. Nous travaillons sur l’ensemble de la chaîne de valeur pour accompagner nos clients industriels et de services. Notre action démarre par le bilan carbone, puis vient l’efficacité énergétique, qui consiste à réduire le nombre de kilowattheures, pour ensuite travailler sur le coût du kilowattheure grâce au solaire pour la partie électrique et la biomasse pour la partie thermique.»
Hassan Harrak, directeur général adjoint de la Société d’ingénierie énergétique
«La décarbonation et l’efficacité énergétique présentent un enjeu majeur, du fait de leur impact considérable sur la balance commerciale du Maroc. Nous devons nous y atteler sans tarder, afin que nos exportations se poursuivent vers l’un de nos marchés les plus importants, le marché européen, qui compte pour 60% de nos exportations.»
