La ministre a au final plaidé pour une approche collaborative, impliquant le secteur privé, le monde académique, les partenaires techniques et la société civile, afin de bâtir une IA de confiance, au service de l’intérêt général. L’IGF, selon elle, est en train de construire un nouvel ADN pour l’audit public, structuré autour de trois piliers : l’anticipation, l’aide à la décision et l’accompagnement de la performance.
Unir science, technologie et marché pour bâtir l’audit de demain
Au cœur de cette mutation, l’audit interne est appelé à se réinventer.
Et la ministre d'appuyer son analyse par des chiffres qui montrent que les impacts sur les métiers de l’audit sont déjà perceptibles : Selon des données de 2024, 41% des équipes de contrôle interne prévoient d’intégrer l’IA dans leurs pratiques, tandis que certaines fonctions traditionnelles pourraient connaître une baisse de 13%. C'est pour cela que Mme El Fallah Seghrouchni a tenu à souligner la nécessité de requalifier les compétences, en orientant les auditeurs vers des rôles d’analyse, de supervision et d’interprétation stratégique.
Une gouvernance augmentée, connectée et solidaire
Pour M. Manchoud donc, l'IA constitue une nouvelle puissance appelée à transformer en profondeur les méthodes, réflexes et responsabilités de l'audit interne public. Il a, dans ce sens, appelé à une gouvernance de l'IA «efficace et juste», fondée sur la coopération internationale.
Présente également au symposium, Anke D’Angelo, vice-présidente et auditrice générale de la Banque mondiale, a mis en avant la relation de confiance historique entre la BM et l'IGF marocaine, entamée en 1984. Cette confiance, a-t-elle soutenu, repose sur la qualité constante du travail de l'IGF, son intégrité et son esprit de coopération, des valeurs jugées fondamentales pour la fiabilité des systèmes de gouvernance financière. La responsable a insisté sur la nécessité de dépasser les clivages entre risques perçus et opportunités réelles de l’IA. Si les craintes liées à la protection de la vie privée et à la dépendance technologique sont légitimes, l’IA offre une chance inédite de renforcer la précision, l’efficacité et l’impact de l’audit interne. La Banque mondiale, a-t-elle précisé, travaille avec l’IGF sur un cadre stratégique d’intégration de l’IA, fondé sur l’investissement technologique, la réforme des cadres juridiques et la formation. Elle a également évoqué l’initiative Assurance for Development (A4DI), lancée en 2023, qui fédère les fonctions d’audit à l’échelle internationale autour des grands enjeux du développement durable et de la transformation numérique.
Le plan de l’IGF pour un «audit augmenté»
Un vaste exercice d’analyse comparative a été mené dans ce cadre pour identifier les meilleures pratiques internationales en matière d’adoption de l’IA et d’analyse des données, aussi bien dans le secteur public que dans les grands cabinets d’audit privés. Cette étude a permis de mettre en lumière plusieurs applications de pointe de l’intelligence artificielle applicables au contexte de l’IGF. Parmi elles figurent notamment l’usage d’algorithmes avancés d’apprentissage automatique pour la détection des fraudes et l’évaluation des risques, le traitement du langage naturel pour analyser de grands volumes de données non structurées, l’analyse prédictive pour anticiper les zones à risque, ou encore le recours à la Robotic Process Automation (RPA) pour automatiser les tâches répétitives.
En comparant ses capacités actuelles à ces standards internationaux, l’IGF a pu identifier plusieurs leviers de progrès technologique. Les travaux conjoints du groupe de travail et des experts de la Banque mondiale ont ainsi abouti à l’élaboration d’une stratégie dédiée à l’intelligence artificielle, accompagnée d’une feuille de route détaillée et de termes de référence pour quatre outils IA appelés à transformer l’audit public. Le déploiement de ces outils nécessite en préalable la mise en place d’une infrastructure robuste capable de supporter les nouveaux systèmes.
Le second outil, Smart Planner, repose sur un système intelligent d’affectation des équipes. Il analysera les profils des inspecteurs (disponibilité, expertise, expérience sectorielle) pour composer des équipes optimisées en fonction des exigences spécifiques de chaque mission. Cette solution vise à accélérer la planification tout en améliorant l’efficience des ressources humaines.
Le troisième projet, Smart Code, est un moteur de recherche intelligent capable d’extraire automatiquement des informations pertinentes à partir d’un vaste corpus documentaire. Il permettra aux inspecteurs de trouver rapidement des réponses à leurs questions sans avoir à parcourir manuellement des volumes importants de documents, grâce à des technologies avancées de lecture, d’analyse et d’indexation multilingue.
Enfin, le quatrième outil, Smart Secretary, vise à automatiser la génération des rapports d’audit. Grâce à des algorithmes d’analyse, il pourra produire des livrables conformes aux standards de l’IGF pour différents types de missions (audits de performance, projets financés par bailleurs de fonds, vérifications comptables, etc.). L’objectif est de réduire significativement le temps de rédaction, de renforcer l’uniformité des rapports et de recentrer les inspecteurs sur l’analyse qualitative des constats.
Audit à l’ère de l’IA : l’urgence de faire évoluer les normes internationales
Pour M. Osman, les référentiels actuels montrent leurs limites face à la complexité des systèmes automatisés. Si les normes comme l’ISO 240 (lutte contre la fraude), l’ISO 5300 (audit des systèmes informatiques) ou le référentiel COSO restent pertinentes, elles ne suffisent plus. «Les cadres classiques doivent être enrichis pour couvrir des enjeux nouveaux : la gouvernance algorithmique, la transparence des modèles de machine learning, l’intégrité des données d’entraînement», a-t-il souligné. L’auditeur doit pouvoir comprendre, retracer et justifier les décisions générées par une IA , un défi inédit dans l’histoire de la profession.
Un timbre et une médaille pour marquer le 65e anniversaire de l'IGF
L'autre moment fort était le dévoilement d'une médaille commémorative de Bank Al-Maghrib, présentée par le directeur de Dar As-Sikkah, Hassan Regraga. Cette pièce commémorative présente, à l'avers, l'effigie de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, en plus des inscriptions en arabe «Mohammed VI» et «Le Royaume du Maroc», avec en bas les millésimes 2025-1446. Sur le revers, une représentation artistique d'une porte et d’un arabesque marocain ainsi qu’une stylisation des motifs artistiques et le nombre «65» en référence au 65e anniversaire de l'IGF. L’ensemble est surmonté par les Armoiries du Royaume. La médaille est en alliage d’Argent (Argent 925‰-Cuivre 75‰), pèse 28,28 grammes et mesure 38,61 millimètres de diamètre.
Hommage aux bâtisseurs de la gouvernance financière
Les anciens ministres Abdellatif Jouahri (1981-1986) et Mohamed Berrada (1986-1993), bien que n’ayant pu assister à l’événement, ont exprimé leur gratitude pour cette reconnaissance empreinte de respect et de mémoire.
Un second hommage a également été rendu aux anciens inspecteurs généraux des Finances du Maroc, ainsi qu’à une délégation d’inspecteurs généraux africains, mettant en lumière l’engagement et la contribution de ces figures à la structuration et la modernisation de l’audit public sur le continent africain.
Création du Cercle des Inspections générales des finances africaines
C’est dans cet esprit qu’a été annoncée la création du Cercle des Inspections générales des finances africaines (CIGFA), une plateforme panafricaine de réflexion, de coordination et de coopération autour des enjeux du contrôle, de l’audit interne et de l’accompagnement des politiques publiques. L’objectif est clair : renforcer la pertinence, la réactivité et l’impact des IGF africaines, dans un contexte de plus en plus exigeant en matière de gouvernance publique. La présidence de ce nouveau collectif a été confiée à Mohamed Manchoud, inspecteur général des finances du Maroc, tandis que la vice-présidence a été attribuée aux inspecteurs généraux des finances du Cameroun, du Cap-Vert, du Bénin et du Burkina Faso, marquant ainsi la volonté d'une gouvernance collégiale et inclusive pour porter haut les ambitions du continent.
ILS ONT DIT
Mohamed Manchoud, inspecteur général des Finances : «L’Intelligence artificielle constitue une nouvelle puissance appelée à transformer en profondeur les méthodes, réflexes et responsabilités de l’audit interne public.»
Amal El Fallah Seghrouchni, ministre déléguée chargée de la Transition numérique et de la réforme de l’administration : «S.M. le Roi a eu une vision pertinente et futuriste en associant la réforme de l’administration au digital. Ce dernier est un levier pour cette réforme et la réglementation est importante pour développer le digital.»
Loukman Moustapha Hissein, inspecteur général des Finances – Tchad : «L’IGF du Maroc est une référence pour tout le Continent et c’est aussi la plus ancienne. Nous nous sommes beaucoup inspirés de certaines des pratiques de cette institution pour les adapter à nos usages.»
Chehdi Mekki Ouazzani, ancien inspecteur général des Finances : «Je suis très honoré pour ce geste de reconnaissance de la part de l’Inspection générale des Finances. Je leur souhaite encore plein de développement.»
Anke D’Angelo, vice-présidente et auditrice générale de la Banque mondiale : «L’IA doit être pensée comme un outil d’automatisation intelligente, capable d’améliorer l’analyse des données, d’optimiser la couverture des risques et d’offrir des capacités prospectives accrues.»
Paul Duan, Pionnier de la «Tech for good», expert IA : «L’usage de l’IA dans l’audit aura certainement un impact positif sur l’audit à condition de respecter certaines bases de contrôle notamment et se baser sur une approche pragmatique et proactive.»
Kamar Ait Lemqeddem, inspectrice des Finances : «Cet événement, organisé à l’occasion du 65e anniversaire de l’IGF, a connu la participation d’éminentes personnalités du Maroc et d’Afrique, ce qui témoigne de la volonté de renforcer la coopération Sud-Sud.»
Tom Blockmans, Inspection générale des Finances/Audit Flanders, Belgique : «L’impact de l’IA sur les métiers des auditeurs est certain. Pour mieux gérer cette transition, il faut s’appuyer sur des solutions innovantes et sûres en exploitant toutes les ressources de manière efficace.»
