Au Maroc, le taux de chômage est de 13,6%, à son niveau le plus élevé depuis près de deux décennies. Or, en 2021, le gouvernement a annoncé un objectif de 200.000 nouveaux emplois par an. Où en sommes-nous actuellement ? Qu’est-ce qui a été fait ou qui devait être réalisé pour atteindre cet objectif ? S’agit-il tout simplement d’un objectif réaliste et réalisable ? Pour Nabil Adel, enseignant chercheur & directeur du Groupe de Recherche en Géopolitique & géoéconomie à l’ESCA, il s'agit d'une simple annonce, rien de plus!
Lors de son passage à l’émission L’Info en Face du «Groupe Le Matin», l'économiste a rappelé «qu’au cours des 20 dernières années, le Maroc a créé, au maximum, 100.000 emplois par an. Sinon, la moyenne annuelle tourne autour de 50.000 à 60.000 emplois. Et en période de vaches maigres, ce chiffre descend à 30.000. Pourtant, le gouvernement a annoncé qu’il allait créer le double du maximum historique que le Maroc n’a jamais créé. Or, rien n’a été fait en matière de structures économique pour supporter cette création massive d’emplois».
Cette 6e année de sécheresse qui frappe le Maroc, la pénurie d’eau actuelle, la pandémie Covid-19 et l’environnement régional et international compliqué ont été des facteurs qui ont empêché la réalisation de cet objectif, diraient certains. Des arguments que l’invité de l’émission balaie d’un revers de main. «Cette annonce a été faite alors qu’on était en plein Covid. L’Exécutif a dû forcément intégrer cette donnée dans ses prévisions. Ce n’est donc pas une surprise pour l’Exécutif», croit fermement Nabil Adil. Et d’ajouter : «Si on me dit que la surprise vient de la guerre en Ukraine, je peux être légèrement d’accord». En ce qui concerne la sécheresse, notre économiste insiste sur le fait que «quand un gouvernement arrive aux commandes, il doit être prêt à faire face à toutes les situations, aussi désastreuses soient-elles. Gérer les imprévus fait partie du travail du gouvernement. Si ce n’est pas la guerre en Ukraine ou la sécheresse, ça peut être autre chose», affirme notre économiste. Et de rappeler que le Nouveau Modèle de Développement a parlé de 6% de taux de croissance économique. Un objectif dont nous sommes encore très loin !
Cette 6e année de sécheresse qui frappe le Maroc, la pénurie d’eau actuelle, la pandémie Covid-19 et l’environnement régional et international compliqué ont été des facteurs qui ont empêché la réalisation de cet objectif, diraient certains. Des arguments que l’invité de l’émission balaie d’un revers de main. «Cette annonce a été faite alors qu’on était en plein Covid. L’Exécutif a dû forcément intégrer cette donnée dans ses prévisions. Ce n’est donc pas une surprise pour l’Exécutif», croit fermement Nabil Adil. Et d’ajouter : «Si on me dit que la surprise vient de la guerre en Ukraine, je peux être légèrement d’accord». En ce qui concerne la sécheresse, notre économiste insiste sur le fait que «quand un gouvernement arrive aux commandes, il doit être prêt à faire face à toutes les situations, aussi désastreuses soient-elles. Gérer les imprévus fait partie du travail du gouvernement. Si ce n’est pas la guerre en Ukraine ou la sécheresse, ça peut être autre chose», affirme notre économiste. Et de rappeler que le Nouveau Modèle de Développement a parlé de 6% de taux de croissance économique. Un objectif dont nous sommes encore très loin !
Démographie, ressources naturelles, gouvernance et data : les piliers de toute économie
Pour y arriver, notre invité précise que l’économie d’un pays repose sur 4 piliers : la démographie, les ressources naturelles, la gouvernance et la capacité à gérer l’information (capacité de transformer la data en levier de richesse). «Quand un pays veut décoller économiquement, il doit résoudre les problèmes d’au moins trois de ces 4 piliers», souligne-t-il. Et de s’interroger : «Qu’est-ce que nous avons donc fait sur ces 4 piliers pour que le Maroc bénéficie de la reprise mondiale ou, au moins, atténue les effets de la crise ? Le Maroc est aujourd’hui un cimetière des entreprises. Nous venons de voir que 15.000 d’entre elles ont fait faillite. Si l’on compte 4 emplois par entreprise, 60.000 emplois ont été détruits. Et l’on ne parle même pas des entreprises qui ont mis l’activité sous veilleuse et qui ne sont pas déclarées. Donc, nous avons, à côté de chaque création d’emploi, beaucoup de destructions».
Notre spécialiste va plus loin dans son analyse pour dire que la mission de l’État n’est pas de créer des emplois, mais de créer les conditions nécessaires à cela. C’est au privé de créer ces emplois. Comment créer et maintenir alors ces conditions adéquates à la création d’emplois ? En s’attaquant aux handicaps majeurs de notre économie. Et il y en aurait trois, selon notre expert.
Notre spécialiste va plus loin dans son analyse pour dire que la mission de l’État n’est pas de créer des emplois, mais de créer les conditions nécessaires à cela. C’est au privé de créer ces emplois. Comment créer et maintenir alors ces conditions adéquates à la création d’emplois ? En s’attaquant aux handicaps majeurs de notre économie. Et il y en aurait trois, selon notre expert.
Export, poids du public et environnement des affaires : les 3 chantiers prioritaires
Le premier est celui de l’insuffisante ouverture de notre pays sur l’économie internationale (l’export). «Cela veut dire que la plus grande partie des entreprises qui vont voir le jour viendront opérer sur un marché intérieur déjà limité. C’est cette taille de marché réduite et limitée qui génère autant de faillites d’entreprises. Nous avons des accords de libre-échange qui nous donnent accès à un marché de 2 milliards de consommateurs. Pourtant, nous nous battons entre nous pour un marché intérieur de 30 millions de consommateurs», explique Nabil Adel. Si action doit être entreprise, elle devra encourager, par tous les moyens, la création de plus d’entreprises exportatrices. Le deuxième handicap de l’économie marocaine, selon notre invité, est celui du poids du secteur public. «Dans ce sens, deux éléments sont à prendre en considération : le salaire moyen dans le secteur public qui est presque deux fois supérieur à celui du secteur privé (donc, une stabilité de l’emploi et une meilleure rémunération) et le salaire minimum qui s’approche du revenu moyen par habitant. Cela veut dire que la création de richesse n’est plus économique mais légale (la fixation du SMIG relevant du volet législatif)», explique-t-il.
Au final, conclut notre économiste, ce sont les TPE qui portent sur leurs épaules le poids du public. Et les baisses graduelles de l’IS ne risquent pas d’arranger les choses, d’après l’analyse de notre invité. Par ailleurs, «plus le secteur public est important, plus il aura à justifier son existence à travers la production de plus de lois, de procédures... C’est pourquoi, aujourd’hui, pour exporter (créer une richesse), une entreprise a obligatoirement besoin d’une autorisation du public (qui ne crée aucune richesse)», fait remarquer Nabil Adel. Ainsi, les TPE sont noyées sous une montagne de paperasse administrative. «Dans ces structures, constituées de 3 à 4 personnes maximum, la majeure partie du temps de l’entrepreneur est consacrée aux documents administratifs (constitution de dossiers, légalisations, attestations, demandes, autorisations...). Ces lourdeurs administratives empêchent ces TPE de se développer, d’aller chercher des marchés ou tout simplement d’innover. Ce volet nous renvoie au 3e handicap de notre économie : un environnement des affaires des plus inhospitaliers pour les entreprises. «Et c’est ce qui explique aussi le fort taux de mortalité des entreprises au Maroc», conclut notre expert. Et d’ajouter que «les TPE et PME n’ont pas qu’un problème de financement. Le problème le plus sérieux est celui de l’accès aux marchés. Quand une TPE/PME est créée, elle se retrouve dans un marché soit saturé, soit qui tourne en circuit fermé». En gros, pour notre économiste, pour réussir un décollage économique, la solution n’est pas à chercher du côté des grandes entreprises mais de celui des TPE/PME.
Au final, conclut notre économiste, ce sont les TPE qui portent sur leurs épaules le poids du public. Et les baisses graduelles de l’IS ne risquent pas d’arranger les choses, d’après l’analyse de notre invité. Par ailleurs, «plus le secteur public est important, plus il aura à justifier son existence à travers la production de plus de lois, de procédures... C’est pourquoi, aujourd’hui, pour exporter (créer une richesse), une entreprise a obligatoirement besoin d’une autorisation du public (qui ne crée aucune richesse)», fait remarquer Nabil Adel. Ainsi, les TPE sont noyées sous une montagne de paperasse administrative. «Dans ces structures, constituées de 3 à 4 personnes maximum, la majeure partie du temps de l’entrepreneur est consacrée aux documents administratifs (constitution de dossiers, légalisations, attestations, demandes, autorisations...). Ces lourdeurs administratives empêchent ces TPE de se développer, d’aller chercher des marchés ou tout simplement d’innover. Ce volet nous renvoie au 3e handicap de notre économie : un environnement des affaires des plus inhospitaliers pour les entreprises. «Et c’est ce qui explique aussi le fort taux de mortalité des entreprises au Maroc», conclut notre expert. Et d’ajouter que «les TPE et PME n’ont pas qu’un problème de financement. Le problème le plus sérieux est celui de l’accès aux marchés. Quand une TPE/PME est créée, elle se retrouve dans un marché soit saturé, soit qui tourne en circuit fermé». En gros, pour notre économiste, pour réussir un décollage économique, la solution n’est pas à chercher du côté des grandes entreprises mais de celui des TPE/PME.
Le gouvernement s’est-il écarté de sa véritable mission ?
Nos gouvernants font une erreur logique de croire que l’on peut créer de l’emploi par des décisions administratives : Awrach, charte de l’investissement... «Or, c’est l’entrepreneur qui le fait ! C’est aussi l’épicier du coin, le snack, la petite unité de production..., pas uniquement de la haute technologie. Plus on met en place de textes de loi, plus on complique la vie à cette population», explique ce professeur. Notre expert en veut pour exemple la loi sur les délais de paiement : «cette loi part d’un bon sentiment, mais elle rajoute du travail à ces TPE (calcul des délais, génération de factures supplémentaires...) alors que leurs effectifs sont réduits et qu’elles sont déjà noyées sous une tonne de démarches et de documents administratifs. Il y a certes une volonté de simplification des procédures, mais ce n’est pour l’instant pas suffisant», explique Nabil Adel. Quelle démarche doit alors adopter le gouvernement pour réussir ce pari ? «Laisser les entrepreneurs travailler et ne plus essayer de les mettre dans des cases (en référence aux actions menées par le gouvernement : Awrach..., ndlr)», répond notre économiste. Et d’expliquer : «D’un point de vue administratif, il faut le laisser tranquille, arrêter de lui sortir des lois et lui demander de les suivre car ça le coince». Pour notre expert, le rôle de l’État est de protéger l’investissement, pas dire aux entrepreneurs où et comment investir : l’État doit être stratège ! Des exemples ? «Quand Sa Majesté fait une tournée en Afrique pour signer des accords de libre-échange, c’est ça l’État stratège. En faisant ainsi, Il nous ouvre de nouveaux marchés. Autres exemples, la mise en place de la ligne TGV de Tanger à Agadir (décloisonner les villes et régions tout au long du trajet), les barrages, la gestion de l’eau...», explique Nabil Adel.
Relance de l’emploi : Une vingtaine de secteurs au moins à faire décoller
Quoi qu’il en soit, il reste près de deux ans avant la fin de l’actuel mandat du gouvernement. Quelle est donc sa marge de manœuvre pour atteindre son objectif ? Que peut-il faire, en plus des actions menées jusqu’ici (allègement de la pression fiscale, remboursement des arriérés de TVA, fiscalité de la distribution de dividendes...) pour accélérer l’investissement et, par conséquent, créer plus d’emplois ? «Rembourser une dette n’est pas une prouesse qui va relancer l’économie mais un retour à la normale», répond notre invité pour qui le paiement des arriérés TVA ne fait que mettre fin à une longue période d’injustice dont souffraient les entreprises. «Maintenant, si l’on nous dit qu’après deux ans de travail, nous avons aujourd’hui 4.000 entreprises qui exportent sur une base régulière, ou qu’on s’est penché sur les raisons des défaillances d’entreprises et nous avons mis en place des actions qui vont réduire leur nombre de 15.000 à 3.000, je dirai que l’on tient le début de quelque chose». Par ailleurs, pour que notre pays décolle, insiste Nabil Adel, il faudrait que nous ayons 15 à 20 secteurs qui décollent simultanément à la manière de ceux de l’automobile et de l’aéronautique, tous exportateurs, tous créateurs d’emplois et de richesse.