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Financement des TPME au Maroc : entre avancées prometteuses et défis persistants

Les Très Petites, Petites et Moyennes entreprises constituent le moteur de l’économie marocaine, mais leur accès au financement reste un défi majeur. En 2024, le Maroc a lancé plusieurs nouvelles initiatives pour renforcer leur compétitivité. Cependant, des critiques soulignent l’insuffisance de ces mesures face aux besoins croissants des entreprises, notamment celles dirigées par des femmes. Des solutions existent pour diversifier les outils financiers et simplifier les procédures, reste à les introduire dans une chaîne de valeur plus puissante qui porte plus l’accent sur l’accompagnement post-financement.

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Il est indéniable que le Maroc a réalisé des avancées remarquables dans la promotion de l’entrepreneuriat. Entre accompagnement, formation et financement, les programmes se multiplient, chacun avec sa propre approche. De nombreuses initiatives visent désormais à rapprocher les entrepreneurs des opportunités de financement et d’accompagnement, tout en leur offrant des formations adaptées et en mettant en lumière des exemples de réussite inspirants dans le domaine entrepreneurial. La promotion de l’écosystème entrepreneurial est portée au plus haut niveau par S.M. le Roi Mohammed VI.

Cet intérêt se manifeste clairement à travers les Discours du Souverain portants des messages forts dans ce sens. Les forces vives de la Nation et les partenaires économiques, particulièrement le secteur bancaire, sont souvent invités à réfléchir à de nouvelles formules novatrices pour aider les jeunes à réussir leurs projets de création d’entreprises et à participer pleinement à l’essor économique national. Cet effort doit porter spécifiquement sur le financement de l’investissement, l’appui aux activités productives, pourvoyeuses d’emplois et génératrices de revenus. En 2024, plusieurs initiatives et programmes ont été mis en place, ou réactualisés, pour renforcer le soutien financier aux Très Petites, Petites et Moyennes entreprises (TPME) au Maroc.

Initiatives gouvernementales et programmes d’appui

Le gouvernement, en collaboration avec diverses institutions, a lancé une série de programmes visant à faciliter l’accès au financement pour les TPME :

• Fonds de soutien financier aux TPME : mis en place par Bank Al-Maghrib, le Groupement professionnel des banques du Maroc (GPBM) et la Caisse Centrale de Garantie (CCG), ce fonds co-finance, aux côtés des banques, les opérations visant à rétablir et pérenniser l’équilibre financier des TPME viables, mais confrontées à des difficultés passagères. Le crédit conjoint est remboursable sur une durée maximale de 10 ans, avec un taux fixe correspondant au taux moyen pondéré des émissions des bons du Trésor à 5 ans pour la part du Fonds. La part bancaire est négociable, sans excéder ce taux majoré de 150 points de base.

• Programme d’appui à l’innovation industrielle : en 2024, le ministère de l’Industrie et du commerce, en concertation avec le ministère de l’Économie et des finances, Maroc PME et la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM), a lancé la deuxième édition de ce programme. Il vise à identifier et sélectionner les meilleurs projets d’innovation et de Recherche & Développement (R&D) industrielles, éligibles à un appui financier de l’État à travers le Fonds de soutien de l’innovation. Les offres comprennent l’appui à la valorisation de brevets, aux projets de R&D/Innovation industrielles et à l’industrialisation en phase pilote, avec des soutiens financiers pouvant atteindre 80% du montant du projet.

• Programmes d’appui de Maroc PME : Maroc PME propose une nouvelle génération de programmes visant la relance des entreprises industrielles, tels que «Istitmar» pour le soutien de l’investissement de croissance et technologique, et «Mouwakaba» pour l’accompagnement et l’assistance des PME et TPE.

Une approche d’amélioration des offres

L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), dans son Rapport «Examens des politiques de l’investissement : Maroc 2024», recommande au Royaume de renforcer le soutien aux TPME en élargissant les crédits à taux réduit, les garanties de prêts et les fonds d’amorçage. L’OCDE suggère également de simplifier les critères d’éligibilité et d’accélérer les procédures pour faciliter l’accès des TPME aux ressources nécessaires. À noter à cet égard que la loi de Finances 2024 a introduit des mesures fiscales favorables aux PME, telles que la clarification des règles d’assiette, l’exonération de la TVA sur certains produits et services, et la réduction du taux de TVA sur les engins de pêche. Ces dispositions visent à améliorer l’environnement des affaires et à stimuler la croissance des PME marocaines.

Bien que des avancées notables aient été réalisées en 2024 pour améliorer le financement des TPME au Maroc, des efforts continus sont nécessaires pour surmonter les défis persistants. La collaboration entre le gouvernement, les institutions financières et les organisations professionnelles demeure essentielle pour créer un environnement propice au développement et à la croissance des TPME marocaines.

Témoignages d’experts

Meriem Zairi, présidente de la Commission Entrepreneuriat et TPME de la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM), souligne que l’accès au financement reste un défi majeur pour les TPME. Elle met en avant l’importance de l’accompagnement technique, du conseil et de la formation pour renforcer la compétitivité des TPME et leur offrir des solutions adaptées pour surmonter les difficultés conjoncturelles et structurelles.

Abdelmounim Fassi Fihri, économiste et spécialiste en finance d’entreprise, rappelle que «l’enjeu principal pour les TPME au Maroc n’est pas seulement l’accès au crédit, mais également la diversification des outils de financement». Il met en avant la nécessité de développer des mécanismes comme le leasing, le factoring et les solutions de financement participatif (Crowdfunding), afin d’offrir plus de flexibilité aux entrepreneurs.

Kenza El Alami, directrice de l’association «Maroc PME Durable», insiste quant à elle sur l’importance des solutions adaptées aux besoins spécifiques des entreprises dirigées par des femmes. «Les entreprises féminines, qui représentent une part croissante des TPME, rencontrent souvent des obstacles supplémentaires liés aux préjugés ou à un manque de garanties. Le gouvernement et les banques doivent intensifier leurs efforts pour promouvoir des programmes dédiés à ces entrepreneures».

Le Maroc 6e pays de la région MENA en levées de fonds

En septembre dernier, les jeunes entrepreneurs marocains ont levé 2,97 millions de dollars, selon le Rapport «MENA Startup Funding Report», publié par Rasmal, une agence digitale internationale. Avec ce volume, le Royaume se classe sixième dans la région. Il est considéré comme étant «en retard par Rapport aux grands acteurs de la région», selon les auteurs de ce Rapport. Un positionnement défavorable compte tenu du virage vers la transition digitale entamé par le Maroc et de sa détermination à développer une économie numérique robuste. À la première place du podium, l’Arabie saoudite, avec 165,34 millions de dollars. C’est un peu plus de la moitié du financement total levé dans l’ensemble de la région Moyen-Orient/Afrique du Nord (MENA) ! Les Émirats arabes unis suivent de près avec 114,32 millions de dollars. La localisation stratégique, les politiques favorables aux entreprises et les centres dynamiques comme Dubaï et Abou Dhabi permettent à ce pays d’attirer une large gamme de startups.

La recette de Khalil Azzouzi pour booster l’investissement des TPME

L’un des enjeux majeurs du Maroc demeure le soutien aux petites et moyennes entreprises (PME). Un plier important qui pourrait stimuler davantage l’investissement. Or, bien que les réformes récentes, comme la Charte de l’investissement, visent à dynamiser ce secteur, l’exécution reste un défi de taille. Khalil Azzouzi, associé fondateur du Fonds d’investissement en capital risque du Fonds Azur, n’a pas manqué de le rappeler lors de son passage à l’émission «L’Info en Face» de «Groupe Le Matin» : «Il faut que l’exécution suive !» Selon lui, l’État a mis en place de nombreux dispositifs, mais leur mise en œuvre effective tarde encore.

Financement des TPME au Maroc : entre avancées prometteuses et défis persistants



Pour ce spécialiste en fusions-acquisitions, en investissement et en stratégie financière, le cadre juridique pour les PME est également un point sensible. «Le volet mise en place, le cadre juridique qui n’est pas encore, à ma connaissance, sorti de son cadre pour la PME», explique l’expert. Bien que des efforts aient été faits, notamment avec la Charte de l’investissement de mars 2022, il reste encore des obstacles à franchir, en particulier en matière de clarté et de prévisibilité des démarches administratives. Les investisseurs, en particulier étrangers, ont besoin de certitudes : «Les investisseurs, surtout étrangers, n’ont pas besoin de chercher des réponses à des questions simples, comme : comment j’obtiens mes autorisations, comment avoir mes financements ?» partage l’invité de l’émission.



L’accompagnement des PME est donc nécessaire pour répondre à cette demande croissante de clarté et de réactivité. Le manque de réactivité et de coordination peut entraîner une perte de confiance chez les investisseurs. «Aujourd’hui, il y a encore une vraie défaillance au niveau de l’accompagnement et du suivi des projets», constate l’expert. Une plus grande réactivité et un cadre juridique simplifié sont des conditions sine qua non pour favoriser l’investissement privé.

Mais ce n’est pas tout. L’expert appelle également à la création de nouveaux instruments financiers adaptés aux PME, notamment dans les secteurs stratégiques et innovants. «Il faudrait qu’on crée des instruments financiers adaptés, des fonds d’investissement, pour encourager l’investissement dans les secteurs stratégiques et les PME innovantes», précise-t-il. Il s’agit ici de soutenir l’innovation et la compétitivité des PME dans des domaines comme la technologie et les énergies renouvelables, secteurs à fort potentiel.

Ainsi, pour renforcer l’attractivité du Maroc aux yeux des investisseurs, une stratégie ambitieuse d’accompagnement des PME doit être mise en place, axée sur la simplification administrative, la réactivité et l’encouragement de l’innovation. Ce n’est qu’en surmontant ces obstacles que le pays pourra véritablement accélérer son développement économique et renforcer sa compétitivité sur la scène internationale.

Investir dans le monde rural : un enjeu stratégique

Le développement des territoires ruraux est au cœur des débats autour de l’investissement au Maroc. Pourtant, malgré les efforts en matière d’infrastructures, l’attractivité de ces zones reste limitée. L’un des principaux obstacles réside dans la faiblesse des investissements privés dans ces régions. Aujourd’hui, le ratio d’investissement dans le monde rural reste dérisoire. «On n’est même pas loin de zéro», constate l’interviewé, soulignant une concentration excessive de l’investissement sur l’axe Casablanca-Rabat, qui représente près de 60% de l’économie nationale.

Les PME et startups, moteurs de l’économie locale, souffrent particulièrement de cette situation. Pour attirer des investisseurs, il est impératif de répondre aux défis logistiques. «Comment faire acheminer des pommes, par exemple, depuis une montagne à Midelt, au moindre coût, vers un entrepôt ?», s’interroge notre spécialiste. Ces problèmes de logistique affectent directement la rentabilité et la compétitivité des petites entreprises, notamment dans les zones reculées.

En parallèle, l’urbanisation continue d’aggraver l’exode rural. «Il y a une forte mobilité, et nous continuons à vivre cette mobilité, malheureusement», précise l’interviewé. Le manque d’opportunités d’emploi dans les campagnes pousse les jeunes vers les grandes villes, aggravant ainsi la saturation. Un cercle vicieux qui empêche le monde rural de se stabiliser économiquement.

Il devient donc urgent de repenser le modèle économique des zones rurales. Les politiques d’investissement doivent être plus ciblées. La simplification des procédures administratives reste, dans ce cadre, essentielle. «Le sujet de l’exécution, en termes de bureaucratie, de simplification des procédures, de réglementation, de digitalisation... Tout cela doit être mené de front à tous les niveaux», insiste Azzouzi. Les startups et PME devront jouer un rôle clé dans ce processus, mais seulement si les conditions leur sont favorables. Un environnement plus adapté, notamment au niveau des infrastructures logistiques et de la formation, est nécessaire pour faire émerger un véritable écosystème d’investissement productif.

En plus de pointer une infrastructure insuffisante, à améliorer, notre spécialiste rappelle que l’ambition de doter le pays d’un véritable écosystème industriel nécessite des compétences spécialisées. Il en veut pour exemple l’automobile et l’aéronautique : «Pourquoi l’automobile et l’aéronautique ont-ils été boostés en croissance ? Parce qu’il y avait des académies qui ont pris le devant, tout à fait en amont, pour former des compétences pour ces secteurs», rappelle-t-il. Il souligne à ce propos que la population rurale est un capital humain sous-exploité. D’ailleurs, il n’a pas manqué de souligner que la baisse du taux de natalité, accompagnée de l’exode rural, entraîne une diminution du capital humain dans les zones moins développées. Plus inquiétant encore, cette population rurale, qui constitue une large part du secteur informel, semble insuffisamment formée pour répondre aux besoins de l’industrie. «Est-ce que cette population du monde rural est suffisamment outillée pour apporter sa valeur ajoutée, surtout pour tout ce qui est industrie ? Ça, c’est une question à se poser.» Cette absence de compétences et de structuration constitue un frein majeur à l’intégration de ces régions dans des projets d’investissement industriels.

L’exode rural, en particulier, génère un déséquilibre démographique important dans les zones urbaines. Les grandes villes, déjà saturées, peinent à accueillir ce flux de population. L’une des causes de ce phénomène est le manque de perspectives d’emploi dans le monde rural. Et les projets d’investissement destinés à remédier à cette situation se heurtent à de nombreuses difficultés, notamment en matière de logistique et d’accès aux zones les plus reculées. «Le monde rural, c’est un monde qui a été enclavé par son histoire géographique. Maintenant, je pense qu’il y a eu un effort énorme en termes d’infrastructure, d’électrification, de routes, etc. Mais cela reste encore insuffisant», fait remarquer Azzouzi. Une observation qui met en lumière la lenteur du processus de modernisation des régions rurales, encore marginalisées dans les projets d’investissements industriels.

Investissements étrangers : une adaptation rapide s’impose !

Si l’État met en place des dispositifs pour attirer l’investissement national et étranger, comme la Charte d’investissement, des questions persistent quant à leur efficacité sur le terrain. Pour notre invité, il faut des bilans réguliers pour voir ce que cela a généré en termes d’investissement, d’emplois et de croissance. L’inexistence de retours concrets sur les actions entreprises laisse un flou inquiétant sur l’orientation de la politique publique en matière d’investissement.

Par ailleurs, la question de l’anglais comme langue de travail continue de freiner certains investissements. Les investisseurs, eux, sont partout dans le monde. L’interviewé souligne ainsi un point essentiel : la nécessité d’adapter les services, les supports et les interlocuteurs aux attentes des investisseurs internationaux. Car les barrières linguistiques limitent l’investissement ! Les Français et les Espagnols sont géographiquement très proches du Maroc. Pourtant, il y a plus d’investisseurs français qu’espagnols au Maroc. Les choses changent cependant, même si elles font lentement. «Nous voyons, aujourd’hui, dans l’automobile et dans l’aéronautique, des investisseurs américains, des Japonais». Cette diversification des investisseurs est un atout pour le Maroc, mais elle nécessite une adaptation rapide aux standards internationaux, notamment en matière de communication et d’information.

Cette ouverture sur le monde, dans l’automobile notamment, continue de donner des résultats. Des investisseurs japonais auraient récemment effectué un tour complet du Maroc pour évaluer l’opportunité d’y installer une production automobile, révèle notre invité. En rejoignant l’écosystème automobile marocain, ce projet pourrait non seulement renforcer la présence du Japon dans le secteur, mais aussi placer le Maroc au cœur d’un réseau stratégique pour l’accès à d’autres marchés, notamment américains, grâce aux accords de libre-échange. Cette démarche met en lumière le potentiel du pays comme plateforme de production et de distribution pour des équipementiers de haute technologie, offrant ainsi des perspectives d’emplois qualifiés et de développement pour l’industrie locale.

Coupe du monde 2030 : une opportunité pour les investisseurs

Un autre point important abordé par l’interviewé est le potentiel offert par des événements internationaux, en particulier la Coupe du monde 2030. Le Maroc, co-organisateur de cet événement, est à ce titre placé sous les projecteurs du monde entier. «Les échéances aujourd’hui, la Coupe du Monde, déjà, nous a placés dans les radars du monde, dans le radar des investisseurs.» Ce moment unique représente une opportunité de montrer les capacités du pays à recevoir de grands investissements et à attirer des acteurs internationaux. Le développement des infrastructures, la modernisation des villes hôtes, et les retombées liées à l’événement sont autant de leviers qui pourraient être utilisés pour booster l’investissement dans les secteurs clés, à condition de réussir à capter les opportunités offertes par cet événement.
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