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La TPME marocaine peine à se faire une place parmi les «Mammouths» !

La TPME marocaine, même avec un niveau de productivité important, se fait toujours écraser par les grandes structures. Une fois née, ses problèmes émergent et grandissent avec elle. Difficultés d’accéder au financement et aux marchés, concurrence déloyale… Bref, la TPME, qui constitue pourtant l’essentiel du tissu productif, a du mal à se développer à son plein potentiel et à concurrencer les entreprises en place. Une tendance qui constitue une dissuasion à l'investissement dans l'innovation et l’amélioration de la compétitivité. Ce qui pénalise la croissance et l’emploi dans le Royaume.

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Le Maroc n’a d’autres choix que de booster la productivité de son secteur privé. Car à long terme, celle-ci sera le principal déterminant du niveau des revenus des pays. Pour relever ce défi, le Royaume devrait donc mettre en œuvre des politiques et des réglementations favorisant la productivité et partant électriser la croissance économique et la création d'emplois. C’est, en substance, la recommandation de la Banque mondiale et de l’Observatoire marocain de la TPME (OMTPME), dans un rapport conjoint baptisé «Libérer le potentiel du secteur privé marocain». L’analyse, qui tient en une quarantaine de pages, suggère de créer les conditions permettant à toutes les entreprises de se développer et aux plus productives de prospérer.
Pour les auteurs du rapport, les entreprises marocaines productives, dont la plupart sont des TPME, ont du mal à se développer à leur plein potentiel et à concurrencer les entreprises en place. Une tendance qui constitue une dissuasion à l'investissement dans l'innovation et l’amélioration de la compétitivité. Ce qui pourrait pénaliser la croissance sur le plan macroéconomique. Aux yeux des experts de la Banque mondiale et de l’OMTPME, les politiques devraient garantir que les entreprises plus productives, y compris plus petites et plus jeunes, aient accès aux ressources nécessaires pour accroître leur production. De même, elles devraient garantir que la productivité des entreprises soit valorisée par un environnement concurrentiel sain. Le rapport alerte par ailleurs sur l’inefficacité des mesures de soutien fondées sur la taille des entreprises. Son argument : l’expérience internationale montre que les mesures fondées sur la taille des structures peuvent inciter celles-ci à rester petites ou à maintenir une partie de leur activité dans l’informel.
Un examen des incitations basées sur la taille et de leurs impacts pourrait donc éclairer ces effets au Maroc, notamment en ce qui concerne les régimes fiscaux ou les politiques actives de l’emploi et d'appui aux entreprises. Les auteurs de l’analyse appellent, par ailleurs, à faciliter la sortie des entreprises inactives. Le fait est que trop d'entreprises cessent leurs activités sans fermer formellement. Les politiques publiques doivent donc veiller à ce que le taux élevé d'inactivité des entreprises ne crée pas d'inefficacités dans l'environnement économique en assurant l'efficacité des procédures de faillite et que les procédures juridiques et administratives de fermeture des entreprises n'imposent pas une charge excessive pour les entrepreneurs.
Selon le rapport, depuis les années 2000, le Maroc s'est tourné vers un développement tiré par l'industrie manufacturière, avec l'émergence de secteurs tels que l'industrie automobile et l'aéronautique. Or, les données montrent que la croissance de la productivité globale est tirée particulièrement par le secteur des services et que les entreprises de services les plus productives se développent plus rapidement que les entreprises moins productives. Ce qui pourrait indiquer que ce secteur présente moins de distorsions du marché et plus d’efficacité allocative. Parallèlement aux politiques industrielles, le Royaume pourrait mettre davantage à profit le développement du secteur des services pour stimuler la croissance de la productivité et la création d’emplois, en tirant parti de la technologie et de la connectivité. Il serait tout aussi judicieux pour le Maroc d’analyser les distorsions du marché qui sont susceptibles d'avoir réduit l’efficience allocative, profitant aux entreprises plus anciennes et plus grandes au détriment des nouvelles structures plus productives. Il peut s'agir des lacunes du cadre de concurrence, des obstacles à l'entrée et à la sortie des entreprises et d'un accès limité aux intrants clés. Une analyse sectorielle plus granulaire combinée à un examen systématique de la réglementation des marchés de produits pourrait aider à éclairer ces distorsions.
Autre recommandation : l’État gagnerait à évaluer si la structure de l'impôt sur les sociétés, les incitations fiscales et les autres programmes d'aide publique aux entreprises ont contribué positivement à la productivité et à la dynamique des entreprises marocaines ou non. De même, mieux comprendre les caractéristiques des entreprises qui parviennent à se développer, y compris la taille, le secteur d'activité, la dynamique du marché et d’autres, aura la vertu de fournir aux décideurs politiques des idées qui pourraient revitaliser un segment essentiel du tissu productif. Le rapport suggère, en outre, de collecter des informations plus détaillées sur le type et la qualité du capital physique utilisé par les entreprises marocaines, afin de comprendre pourquoi l'augmentation du capital physique par travailleur occupé ne s'est pas traduite par une croissance plus robuste de la productivité. Il pourrait ainsi s'agir d'une analyse comparative de la productivité des entreprises ayant des capitaux nationaux ou étrangers. Les décideurs gagneront aussi à examiner les facteurs qui expliquent l'accès asymétrique au financement pour les entreprises.

81,6% des entreprises emploient moins de 10 employés

Le tissu productif marocain est dominé par les petites entreprises. En 2021, le Maroc comptait quelque 370.000 entreprises formelles. Les micro-entreprises dont le chiffre d’affaires allant jusqu’à 1 million

de dirhams représentent 78,8% de l’ensemble du tissu productif, suivies de 9,2% des structures dont le chiffre d’affaires se situe entre 1 et 3 millions de dirhams. Les moyennes entreprises (dont le chiffre d’affaires est compris entre 50 millions et 175 millions de dirhams) représentent 0,9% et les grandes entreprises (dont le chiffre d’affaires est supérieur à 175 millions de dirhams) représentent seulement 0,4% de l’ensemble des entreprises. Des résultats similaires sont observés lorsque la taille des entreprises est évaluée en termes d’emplois : 81,6% des entreprises emploient moins de 10 employés, et seulement 4,9% comptent plus de 50 employés. Les entreprises formelles ont tendance à être concentrées à la fois sur le plan sectoriel et géographique. La moitié des entreprises incluses dans la base de données de l’OMTPME se trouvent dans les secteurs du commerce de détail et la construction. Trois agglomérations regroupent plus de 50% du total des entreprises : Casablanca-Settat (35.5%), Rabat-Kénitra (14%) et Tanger-Tétouan (11%).

Densité des entreprises formelles : 29,7 SARL pour 1.000 habitants

La densité d’entreprises formelles par rapport à la population a considérablement augmenté au Maroc et se compare favorablement avec la plupart des entreprises des pays pairs. Depuis 2006, le nombre net de sociétés à responsabilité limitée (SARL) a connu une croissance soutenue, entraînant un quadruplement de la densité des entreprises durant cette période. Avec 29,7 de SARL pour 1.000 habitants, la densité des entreprises observée dans le Royaume dépasse celle de la plupart des pays du groupe de comparaison. Toutefois, cet indicateur de densité d’entreprises est quatre à cinq fois plus élevé dans les économies avancées comme l’Espagne et le Portugal.
En ce qui concerne la densité de nouvelles entreprises, le Maroc surpasse également la plupart de ses pairs à l’exception de l’Espagne et du Portugal. La densité des entreprises formelles a été soutenue par une forte expansion de la création de nouvelles sociétés. Le nombre d’entreprises marocaines opérant dans le secteur privé formel a augmenté de 245.000 en 2017 à 317.000 en 2021, soit une hausse de 30%. Cette dynamique est en grande partie attribuable à l’augmentation des ouvertures de nouvelles entreprises, qui a augmenté depuis 2017, passant de 79.000 à 105.000 en 2021, une tendance qui pourrait refléter les efforts déployés par les autorités pour promouvoir l’entrepreneuriat et les initiatives privées à travers divers programmes d’appui financier et technique pour les porteurs de projets.

Attention aux entreprises «fantômes» !

Un taux de sortie de jure (dissolution administrative) nettement faible est un autre facteur central qui explique la densité accrue récente des entreprises. Toutefois, nuancent les experts de l’Institution de Bretton Woods, de nombreuses entreprises deviennent inactives sans fermer officiellement. Dans une large mesure, l’augmentation de la densité des entreprises s’explique par un faible taux de sortie (administratif). En effet, seulement 1,2% des entreprises enregistrées avaient formellement cessé leurs activités en 2019, même si 7,9% des entreprises personnes morales formelles en 2018 ont cessé leurs activités en 2019, mais sans procéder à une fermeture officielle. De même, près de 80% de ces entreprises étaient encore inactives en 2020. En effet, si l’on tient compte de ces fermetures effectives, le taux de sortie de facto – c’est-à-dire la proportion d’entreprises qui ne sont pas en activité pendant au moins deux années consécutives – était de 7,3%.
La grande différence entre le taux de sortie de jure et de facto au Maroc suggère qu’une grande partie de l’augmentation du taux de densité des entreprises observée dans le pays est due à une augmentation du taux d’inactivité des entreprises, plutôt qu’à une augmentation de la densité d’entreprises effectivement en activité dans l’économie. La hausse de densité des entreprises doit donc être interprétée avec prudence, alertent les experts. Les entreprises marocaines non viables peuvent être peu incitées à fermer officiellement, ou ne pas être en mesure de le faire même lorsqu’elles cessent effectivement leurs activités. Le rapport indique que malgré des progrès significatifs sur le plan juridique, le Maroc manque encore d’un processus fluide pour minimiser les coûts associés à la sortie des entreprises, et certaines de ses réglementations semblent permettre aux entreprises inefficaces de rester présentes dans les marchés.

Selon l'analyse, le taux de survie des entreprises diminue considérablement au cours des 5 premières années d’activité. Il est de 86% un an après leur création, de 72% après trois ans et de 53% après cinq ans. Le taux de survie à trois ans des entreprises marocaines est supérieur à celui observé au Canada (61%) et en Espagne (69%), mais inférieur à celui du Royaume-Uni (78%) et du Monténégro (83%). Cependant, développe le rapport, cet indicateur doit aussi être interprété avec prudence au Maroc à cause de la grande différence entre le taux de sortie de jure et de facto.

Procédure de sortie des entreprises : La nécessaire professionnalisation des restructurations

Le cadre d’insolvabilité du Maroc est, globalement, aligné sur les meilleures pratiques internationales, selon la dernière édition disponible du classement de la «Compétitivité mondiale du Forum économique mondial» (WEF), se classant au 26e rang sur 141 pays (le Maroc se classe au 75e rang du classement général du rapport sur la compétitivité du Forum économique mondial). Ce classement se compare favorablement avec les pays pairs structurels et les pays pairs aspirationnels à forte croissance pour lesquels cet indicateur est disponible (Inde et Indonésie), tandis que l’Albanie et la Bosnie-Herzégovine disposent de cadres réglementaires plus solides en matière d’insolvabilité. En principe, le cadre législatif prévoit des procédures relativement simples et courtes pour le redressement des entreprises viables et la sortie des entreprises non viables, des cas que le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (CSPJ) entend résoudre en 15 jours seulement.
Dans la pratique, cependant, les processus judiciaires réduisent l’efficacité du système, augmentent les coûts et créent de l’incertitude. De même, constatent la Banque mondiale et l’OMTPME, peu de professionnels sont spécialisés dans la restructuration d’entreprises dans le cadre d’un processus amiable, indispensable pour fluidifier le processus et peu de magistrats se spécialisent dans le traitement des entreprises en difficulté et des insolvabilités. Un indicateur couramment utilisé pour évaluer la performance des cadres d’insolvabilité est le taux de recouvrement, défini comme la part de la dette que les créanciers parviennent à recouvrer grâce à la réorganisation, à la liquidation et à la procédure de recouvrement de dette. Selon le Forum économique mondial, le Maroc affiche un taux de recouvrement de 28,5% sur un dollar (94e sur 141 pays), dépassant seulement l’Inde et l’Égypte parmi les pairs considérés. Ce taux est inférieur à la moitié de celui de la Colombie (67,2% sur un dollar) et de l’Indonésie (65,2% sur un dollar).
Depuis 2018, le Royaume a permis aux entreprises de passer en statut «inactif» (cessation temporaire d’activité) pour une durée maximale de deux ans si elles n’ont pas de revenus à déclarer pour une année fiscale donnée. Ce processus a été conçu pour soulager les entreprises en difficulté, en les exonérant de l’impôt minimum auxquels elles auraient autrement été assujetties pendant qu’elles se rétablissent financièrement. Et c’est justement cette réglementation qui pourrait en partie expliquer l’augmentation du nombre d’entreprises inactives au Maroc. L’État avait récemment adopté un certain nombre de mesures pour faire face à cette tendance à l’instar de la Loi de Finances 2023 qui a ainsi donné aux entreprises la possibilité de régulariser leur situation sans être pénalisées pendant une période d’amnistie d’un an, avec des sanctions prévues pour les entreprises restant non conformes après la fin de l’amnistie. Les entreprises qui ont dépassé la durée maximale de leur statut d’inactivité et/ou qui n’ont pas produit les documents de déclaration d’impôt minimum et qui souhaitent mettre définitivement fin à leur activité ont la possibilité de le faire sans audit fiscal ni pénalité en déposant les documents appropriés et en payant pour cela une somme modeste de 5.000 dirhams pour chaque année d’inactivité. La base de données de l’OMTPME pourrait aider à déterminer si ces mesures ralentissent effectivement la prolifération des entreprises inactives au Maroc.
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