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Lait frais écossais : La profession écarte l’importation, le Maroc assure hautement son autosuffisance !

Le Maroc n’envisage pas d’importer du lait frais pasteurisé de l’Écosse ou d’ailleurs. Dans une déclaration exclusive accordée au journal «Le Matin», le président de Maroc Lait (Fédération interprofessionnelle de la filière), Rachid Khattate, déconstruit les rumeurs qui prétendaient, il y a quelques jours, que le Royaume était en négociation avec l’Écosse pour alimenter le marché en lait frais pasteurisé à partir de ce pays. Au contraire, affirme le patron de l’Interprofession, la filière affiche une production de 1,2 million de litres par jour, soit un niveau hautement supérieur à la demande locale. Éclairages.

La filière laitière au Maroc génère 49 millions de journées de travail par an et pèse un chiffre d’affaires annuel de 13 milliards de dirhams.
La filière laitière au Maroc génère 49 millions de journées de travail par an et pèse un chiffre d’affaires annuel de 13 milliards de dirhams.
«Non, il n’y aura pas de lait frais écossais sur le marché marocain !» L’affirmation est de Rachid Khattate, président de la Fédération interprofessionnelle de la filière laitière (Maroc Lait). Dans une déclaration exclusive au journal «Le Matin», le président de l’Interprofession coupe ainsi court aux rumeurs qui circulaient, il y a quelques jours, sur le marché, et qui prétendaient que le Royaume était en négociation avec l’Écosse pour l’importation du lait frais pasteurisé de ce pays, au motif que la filière traverse une zone de turbulences du fait de la succession des années de sécheresse. «Il s’agit, en effet, d’une ancienne proposition de l’Écosse que l’Exécutif marocain avait catégoriquement refusée», précise Khattate.



Selon lui, la filière laitière marocaine vit le scénario inverse de ce qui a été malencontreusement prétendu par certains. Son explication : «La filière laitière affiche, au contraire, un excédent de production de lait, et ce pour des raisons aussi simples liées essentiellement à la baisse de la consommation du fait de l’érosion du pouvoir d’achat».

À l’en croire, le problème que vit la filière, depuis le Ramadan dernier, c’est que les quantités de lait qui ont été mises sur le marché n’ont pas été entièrement consommées. Dans le détail, le patron de Maroc Lait indique que, pratiquement, tous les opérateurs de la filière ont constaté que les prévisions des volumes qu’ils avaient établies en préparation pour le mois sacré avaient baissé de 11 à 14% par rapport à l’offre réelle pendant ce mois. «Pendant le Ramadan dernier, nous n’avons relevé aucune baisse de l’offre, de même que nous n’avons pas constaté l’engouement habituel qui était fait par les consommateurs pour le lait et les produits laitiers pendant ce mois», développe Khattate qui rappelle, au passage, que les réunions de concertation organisées entre l’Interprofession et le département de l’Agriculture au début de l’année en cours ont cristallisé un certain nombre de solutions notamment l’incitation des opérateurs industriels à poursuivre les opérations de collecte du lait en dépit de l’absence de débouchés commerciaux. «La solution, mise en œuvre d’ailleurs depuis des mois, consiste à collecter tout le lait sur le marché et procéder à son séchage et son stockage en vue de son utilisation ultérieure dans la fabrication des fromages et des yaourts. Donc, je ne comprends pas pourquoi l’on va importer du lait pasteurisé de l’Écosse alors que notre filière affiche un excédent de production», révèle le patron de l’Interprofession. Concrètement, selon Khattate, tous les opérateurs industriels confondus au Maroc assurent une production de 1,05 à 1,2 million de litres de lait pasteurisé par jour. Conclusion, l’offre est largement supérieure à la demande qui, au contraire, a tendance à s’amenuiser.

La sécheresse, un risque redoutable !

Aux yeux du président de Maroc Lait, ce qui menace réellement la filière laitière, aujourd’hui, c’est la succession des années de sécheresse et son impact sur le cheptel laitier. «La sécheresse a provoqué une inflation des intrants agricoles notamment les aliments composés et les matières fourragères et partant une décapitalisation du cheptel laitier. Le fait est que l’inflation qui touche les viandes rouges couplée à une inflation des intrants agricoles a poussé bon nombre de petits producteurs de lait à se séparer de leurs troupeaux, généralement constitués de 2 à 4 vaches. Et c’est de là que vient le risque pour la filière», alerte le patron de Maroc Lait qui estime que la filière s’engouffre, aujourd’hui, dans un cercle vicieux où, parallèlement aux effets avérés de la sécheresse sur l’offre, la demande s’effondre.

C’est pour cela, poursuit notre interlocuteur, que l’Interprofession essayait depuis des mois de casser ce cercle vicieux à travers la mise sur les rails de tout un paquet de mesures concoctées en partenariat avec la tutelle. Ces dernières portent sur deux volets (amont et aval de la filière) et s’inscrivent dans le cadre du contrat-programme de développement de secteur.

En amont, les mesures prises concernent les agriculteurs et les fermiers et portent sur une exonération des aliments pour bétail (simples et composés) des droits de douane et de la TVA. Cette disposition est de nature à atténuer les pressions inflationnistes qui touchent ces intrants du fait de la sécheresse. Autre mesure, le maintien des subventions de l’État canalisées via la filière pour les aliments composés locaux. Le tout assorti de l’encouragement des éleveurs à acquérir davantage de génisses destinées à la production laitière et le développement de pépinières locales pour la production de génisses. Sans oublier le soutien technique aux agriculteurs pour l’amélioration de leurs productivités.

L’insémination artificielle, la panacée pour recapitaliser le cheptel

Dans la foulée, Maroc Lait a procédé à une prise en charge du Centre d’insémination artificielle de Aïn Jamaâ, auparavant géré par l’État. L’objectif de l’Interprofession étant de pouvoir couvrir jusqu’à 80% des besoins nationaux en semences à l’horizon 2028. «La montée en régime de l’insémination artificielle est un chantier stratégique pour la filière puisqu’elle nous permettra de recapitaliser le cheptel laitier qui a fait les ferais de la sécheresse et de l’inflation qui touche les viandes rouges. Je dois rappeler que pendant la Covid, l’insémination artificielle a été pratiquement mise en stand-by eu égard aux mesures de restrictions décrétées par l’État en 2020. Ce qui a contribué à l’effondrement de 25 à 30% du cheptel laitier national et celui dédié à l’abattage.

À cela s’ajoutent bien sûr les restrictions à l’importation pendant la crise sanitaire», explique Khattate. Dans l’aval, et suite à la baisse importante de la consommation de l’or blanc, l’Interprofession, en concertation avec l’Agriculture, a décidé d’encourager les opérateurs à collecter tout le lait disponible sur le marché et le sécher. Ces opérations de séchage, souligne le patron de Maroc Lait, sont désormais subventionnées par l’État. «Pourquoi subventionner ces opérations ? Tout simplement parce que le séchage du lait implique des coûts supplémentaires pour les industriels contrairement à la pasteurisation. Ceci dit, cette poudre de lait ainsi obtenue ne sera pas reconstituée en lait, car c’est interdit légalement au Maroc. Elle servira plutôt à fabriquer des fromages et des yaourts», nous confie Khattate. Cette mesure devrait permettre, selon lui, d’instaurer un équilibre sur le marché.

La filière laitière : un véritable réservoir d’emplois et de la valeur

Selon les données de l’Interprofession, le cheptel laitier s’élevait à 1,8 million de têtes à fin 2022. Grâce à l’amélioration de la productivité et de la génétique, ce cheptel assure une production de 2,5 milliards de litres par an. La filière laitière agrège environ 260.000 producteurs de lait, dont 90% ont moins de 10 vaches laitières, 2.700 centres de collecte, dont 1.900 coopératives, et 16 opérateurs industriels qui transforment plus de 85% des volumes produits. De même, la filière compte quelque 80.000 points de vente dont 85% sont des petits commerçants. Elle génère 49 millions de journées de travail par an et pèse un chiffre d’affaires annuel de 13 milliards de dirhams. Selon le département de l’Agriculture, la filière a connu un véritable décollage sur la période 2009-2019 grâce au Plan Maroc Vert.

En effet, en 2009, la productivité des races pures tournait autour de 3.500 litres/vache/an. Elle a atteint 4.200 litres/vache/an en 2019, enregistrant ainsi une amélioration de 20%. Pour sa part, la productivité de la race croisée est passée de 1.250 litres/vache/an en 2009 à 2.300 litres/vache/an en 2019, totalisant ainsi une hausse de 84%. L’autoconsommation du lait au Maroc représente entre 10% et 15% de la production globale de la filière. Dans ce contexte, la valeur ajoutée de la filière avait nettement évolué pour passer de 1,66 milliard de DH en 2003 à 4,22 milliards de DH en 2019, soit une amélioration de 154%. Pour leur part, les emplois de la filière auront grimpé de 25% entre 2003 et 2019.

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