Les premiers facteurs clés qui influencent les prix
• L’oignon doux (végétal) : entre 3 et 4 dirhams/kg.
• L’oignon sec : entre 8 et 10 dirhams/kg.
• La tomate : 5 dirhams/kg.
• La pomme de terre : entre 4 et 5 dirhams/kg.
Cependant, dans des quartiers moyen et haut standings, nous avons constaté une tendance accentuée à la hausse des prix pratiqués. À Mâarif par exemple, les prix étaient nettement plus élevés que dans d’autres zones. Ce constat met en lumière un premier facteur clé : la localisation géographique. Comme nous l’a expliqué un vendeur local, la demande dans chaque quartier varie, ce qui peut entraîner des différences de prix notables, notamment en fonction des habitudes de consommation et des flux de clientèle.
Le marché de gros, un système complexe !
• L’oignon doux, par exemple, est acheté auprès du producteur à un prix variant entre 12 centimes (0,12 DH) et 2 dirhams. Il est principalement cultivé dans des régions comme Marrakech, Doukkala-Abda, Souss-Massa et Gharb, qui bénéficient de conditions climatiques favorables. Le prix d’achat moyen est estimé à 1,06 dirham par kilogramme, alors que le prix de vente moyen observé sur le marché de détail était de 3,5 dirhams par kilogramme. La marge brute s'élève donc à 2,44 dirhams par kilogramme. En pourcentage, cela donne une marge de 230,19%. Le citoyen paye donc environ 2,3 fois plus que le prix d'achat initial. Ce qui fait quand même une sacrée différence. Du coup, une question s’impose : la marge appliquée est-elle raisonnable ?
• Pour la pomme de terre, ce légume est acheté auprès du producteur à 3/3,5 dirhams le kilo, et revendue sur le marché de gros à environ 4 DH. La marge était donc moins importante d’après les grossistes rencontrés sur place. Il convient de souligner que la pomme de terre est cultivée dans plusieurs régions du Maroc grâce à des conditions climatiques et des sols adaptés, notamment la région de Chaouia, Souss-Massa, Tadlha-Azilal et Meknès-Tafilalet.
• Pour ce qui est de la tomate, d’autres facteurs entrent en ligne de compte. Pendant les mois les plus froids, sa culture est pratiquée dans la région d’Agadir, où le climat doux et modéré permet une production toute l'année. Mais la production nécessite parfois des serres qui protègent les plants des températures froides et des intempéries. Ce qui engendre des coûts supplémentaires auxquels il faut ajouter le transport. Tout cela impacte évidemment le prix final. D’ailleurs, une cagette de tomates, qui pèse entre 30 et 40 kilos, coûtait environ 200 DH auprès du producteur et était revendue sur le marché de gros jusqu’à 300 DH pendant les premiers mois du Ramadan. D'après les grossistes, les prix ont diminué vers la fin du mois du mois sacré en raison de la baisse de la demande, «car les Marocains ne consomment pas la “Harira” tous les jours et préfèrent se tourner vers d'autres “Chhiwates”».
Ce changement dans les habitudes de consommation, visiblement, ne plaît pas aux commerçants sur place. Ils semblaient presque nostalgiques de l'époque où la «Harira» régnait en maître sur la table du Ftour, ce qui faisait des tomates une denrée très prisée ! En revanche, selon la même source, la demande pour les légumes utilisés dans la préparation le couscous a augmenté à l'approche de la fin du Ramadan, car ce plat est très apprécié en cette période de l’année. En somme, la loi de l'offre et de la demande régit le marché des légumes, en prenant en compte la variation des habitudes de consommation des Marocains. Mais les choses ne sont pas aussi simples que cela. Des zones d’ombres subsistent favorisant des pratiques peu scrupuleuses parfois.
Le circuit de distribution : un parcours de frais et de marges

Il est le point de départ du circuit de distribution des légumes. Il fixe le prix initial de ses produits en prenant en compte plusieurs facteurs : les frais de production (semences, engrais, pesticides, irrigation et main-d'œuvre), qui varient selon la région, le type de culture, les saisons et les conditions climatiques. Grâce aux smartphones et aux réseaux sociaux, le producteur est désormais mieux informé des évolutions des prix et des tendances du marché, ce qui lui permet d’adapter ses stratégies pour maximiser ses profits. Ce qui n’était pas le cas avant !
2. Les grossistes :

Le producteur vend ses légumes en grande quantité à des grossistes, qui gèrent la logistique de distribution. Ils supportent des coûts liés au transport, au carburant, à la main-d'œuvre, ainsi qu’aux frais de trajet, qui varient selon la distance. À leur arrivée sur le marché de gros, ils payent une taxe de 10% sur la valeur des marchandises («Al3achar») et des frais trimestriels en fonction du tonnage de véhicule. À noter que les prix de vente sont souvent fixés par les grossistes avant même d’arriver sur le marché. Ces derniers se passent le mot en cours de route. Grâce aux téléphones portables, les informations sur les quantités de légumes disponibles et sur les régions à approvisionner sont échangées intensément. Donc la coordination entre grossistes se fait avant l’arrivée au marché de gros. Et cette coordination leur permet de «s’entendre» sur les prix de manière concertée.
3. Les intermédiaires :

C’est là que le bât blesse. En achetant des produits en gros auprès des grossistes, les intermédiaires les revendent ensuite à des prix beaucoup plus élevés sur les marchés locaux ou dans les quartiers populaires. Ce phénomène, bien que courant, contribue de manière significative à l’augmentation des prix, parfois de manière abusive. Cependant, une source, ayant requis l’anonymat, mais maîtrisant les rouages de la distribution, nous explique qu’il ne faut pas tout mettre sur le dos de ces acteurs. Ces derniers, qui vivent de cette activité, cherchent avant tout à maximiser leurs profits. Selon elle, l'absence de régulation et de transparence est en réalité la principale cause de cette inflation injustifiée, car elle laisse une marge de manœuvre trop grande aux intermédiaires, ce qui complique la situation pour les plus vulnérables.
4. Les détaillants :

Qu'ils soient marchands ambulants, épiciers ou opérant dans un supermarché, ces acteurs achètent leurs produits auprès des grossistes, des intermédiaires, ou parfois directement des producteurs. Une fois les produits livrés, ils les revendent au détail en appliquant leurs propres marges. D’après les explications de notre source, le problème se pose quand le prix d'achat à la source est trop élevé réduisant drastiquement la marge du détaillant qui, quoiqu’il fasse, sera obligé de vendre à un prix jugé exagéré. Par exemple, si un produit est acheté à 3 dirhams et revendu à 6 dirhams par le détaillant, soit pratiquement le double, la marge, quoiqu’élevée (+100%), ne sera pas perçue comme abusive. Mais si le prix d'achat est à la base élevé, 10 dirhams par exemple, et qu'il propose sa marchandise à 12 DH, soit une marge de 2 DH seulement, le prix de vente final sera jugé exagéré quand même, suscitant par la force des choses des réactions indignées des citoyens sur les réseaux sociaux malgré une marge de bénéfice somme toute raisonnable (2 DH).
La spéculation et les frais de stockage : des facteurs invisibles, mais impactant

Autre facteur impactant fortement le prix de vente, la saison de récolte des produits. Comme relevé au début de l’enquête, l’oignon doux, récolté pendant la saison, présente un prix relativement stable, contrairement à l’oignon sec, actuellement hors saison. Particulièrement recherché pour sa douceur et son goût unique, ce dernier se fait rare sur le marché, ce qui entraîne une hausse de son prix, qui peut aller jusqu’au double de celui de l’oignon doux. Le cas de l’oignon illustre clairement comment la loi de l’offre et de la demande impacte le prix de vente.
À noter toutefois que la présence d’un légume en dehors de sa saison met en lumière un phénomène économique complexe : la spéculation. En effet, certains grossistes profitent des périodes de forte production pour acheter et stocker massivement des produits en attendant qu’ils soient moins abondants et que leur valeur et, donc, leur prix augmentent. Mais il convient de préciser que cette pratique engendre quand même un coût pour le spéculateur, car le stockage dans des entrepôts frigorifiques génère des frais supplémentaires, estimés à environ 50 centimes par kilo et par jour, parfois plus. Ce coût, bien que modeste à première vue, s’accumule et alourdit les charges que le consommateur supporte en payant un prix final accru.
Des pistes pour protéger le consommateur !
1. La fixation d’une marge bénéficiaire maximale pour les produits essentiels : Cette mesure permettrait de garantir que les prix restent raisonnables et accessibles pour les consommateurs, tout en assurant une rémunération juste pour les acteurs de la chaîne de distribution.
2. La régulation stricte des marges bénéficiaires : En particulier pour les légumes de première nécessité comme l'oignon, la tomate et la pomme de terre, une telle régulation protégerait le pouvoir d'achat des consommateurs.
3. La prise en compte de l’impact des «Chennaka» : Ces pratiques compliquent la vie des consommateurs. Il est donc essentiel de les intégrer dans les mesures régulatrices.
4. L’encouragement de la transparence dans la fixation des prix : Des mesures incitatives pourraient aider à améliorer la transparence, ainsi qu’à faciliter une meilleure coordination entre producteurs, grossistes et détaillants, contribuant ainsi à réduire l’instabilité des prix.
En fin de compte, chaque citoyen a droit à des prix justes et stables pour les produits de base. À l'heure actuelle, détaillants, grossistes et producteurs restent optimistes en raison des récentes précipitations au Maroc. Cependant, il convient de reconnaître que ce n’est qu’en mettant en place des réformes efficaces au sein de la chaîne de distribution que l’on pourra garantir une meilleure protection du pouvoir d’achat des familles marocaines tout en assurant une plus grande équité sur le marché des légumes.
L’exportation, un mécanisme de stabilité des prix ?

Contrairement à certaines idées reçues, nos sources nous affirment que l’exportation des légumes joue un rôle clé dans la stabilité des prix. Elle offre, en effet, aux producteurs la possibilité de compenser le manque à gagner dû aux fluctuations du marché local en écoulant leurs produits à l’international (à des prix intéressants), ce qui contribue à maintenir une certaine stabilité des prix sur le marché intérieur. Cependant, cet équilibre, selon nos sources, ne peut être atteint que grâce à une régulation efficace et une coordination optimale entre tous les acteurs de la chaîne de distribution. Mais les gains tirés de cette compensation profitent-ils vraiment au consommateur final ? Bien que l’exportation puisse garantir des prix stables et avantageux pour les producteurs et grossistes, ces derniers pensent-ils au consommateur ? Dès lors, la question se pose : l’intérêt des producteurs prime-t-il celui des consommateurs ? Une question qui, au fond, mériterait une réflexion plus approfondie.