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L'érosion du pouvoir d'achat des Marocains de 2020 à 2022 diagnostiquée par le HCP

Bien que le taux de croissance annuelle moyenne du revenu par habitant soit presque similaire dans les zones urbaines (2,5%) et rurales (2,7%), l'inflation a été plus marquée en milieu rural (3,2%) qu'en milieu urbain (2,7%). C'est ce qui ressort du dernier rapport du HCP sur le "Pouvoir et intention d'achat des ménages"

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Le Haut commissariat au plan a publié un rapport détaillé sur le "Pouvoir et intention d'achat des ménages" étudié selon une approche catégorielle basée sur les statistiques conventionnelles et les Big Data. En voici les principales conclusions.

Erosion nette du pouvoir d'achat par habitant durant la période 2020-2022

Pendant la période allant de 2020 à 2022, le Maroc, à l'instar de nombreux autres pays à travers le monde, a été confronté à une série d'événements majeurs ayant eu un impact néfaste sur son économie et le pouvoir d'achat des ménages. Cette conjonction d'événements a eu pour conséquence une érosion nette du pouvoir d'achat par habitant, avec une baisse annuelle moyenne de -0,22 %.



En revanche, la période précédente 2015-2019 a été caractérisée par une dynamique positive du pouvoir d'achat des ménages marocains, avec une augmentation annuelle moyenne de 1,2%. Cette évolution, bien qu’elle reste modérée, avait été clairement pro-pauvres, grâce notamment à l'amélioration du niveau de vie de la population modeste et à une stabilité des prix (HCP, 2021).

En règle générale, en période de conjoncture économique non inflationniste, le pouvoir d'achat des ménages tend à suivre une trajectoire similaire à celle de la croissance de leur revenu disponible. Ainsi, en 2019, avec une augmentation annuelle moyenne du revenu disponible de 2,46% et une inflation relativement modérée, se situant à 0,16%, le pouvoir d'achat des

ménages a enregistré une progression notable de 2,29%. En d’autres termes, le revenu disponible augmenté a surpassé l'impact limité de l'inflation, créant ainsi un environnement propice à l'accroissement du pouvoir d'achat.

Cependant, dans un contexte marqué par une forte inflation, la dynamique du pouvoir d'achat des ménages diverge considérablement de celle de leurs revenus.

L’année 2022 illustre clairement cette désynchronisation entre la croissance des revenus et le pouvoir d’achat. En dépit d'une progression positive du revenu de 5,16 % au cours de cette année, le pouvoir d'achat des ménages a subi une nette régression de -1,75 %. Cette évolution contrastée est incontestablement imputable à une inflation en forte hausse (6,92 %).

Un pouvoir d’achat nettement différencié entre les villes et la campagne

En 2022, le pouvoir d'achat a connu un recul dans les deux milieux de résidence, même si la baisse était moins prononcée qu'en 2020. Dans les villes, le pouvoir d'achat a enregistré une diminution de -0,96%, tandis qu’à la campagne la baisse a été plus marquée, s'établissant à -2,65%. Cette régression accentuée en milieu rural est principalement attribuable à l'impact de l'inflation. L'analyse de la période 2020-2022 révèle une tendance à la baisse du pouvoir d'achat dans les deux milieux de résidence, bien que cette dynamique ne soit pas uniforme d'une année à l'autre. De plus, la différence de pouvoir d'achat entre ces deux milieux est principalement imputable à l'inflation. En effet, bien que le taux de croissance annuelle moyenne du revenu par habitant soit presque similaire dans les zones urbaines (2,5%) et rurales (2,7%), l'inflation a été plus marquée en milieu rural (3,2%) qu'en milieu urbain (2,7%). Dans ces conditions, le pouvoir d'achat des ménages ruraux a enregistré un recul annuel moyen de -0,55%, tandis que celui des ménages citadins a connu une diminution de -0,18%. Cette différence souligne l'impact significatif de l'inflation sur le pouvoir d'achat des ménages résidant en milieu rural, mettant, ainsi, en évidence les difficultés économiques auxquelles ils ont été confrontés au cours de cette période.

La contraction du pouvoir d'achat est principalement attribuable à l'impact de l'inflation

L'évolution du pouvoir d'achat par catégorie sociale révèle des tendances significatives. En 2019, toutes les catégories sociales ont enregistré une hausse du pouvoir d'achat. Cependant, force est de constater que les 20% les plus défavorisés ont connu la plus forte augmentation, avec une croissance de 2,67%, témoignant d'une croissance pro-pauvres. Cette dynamique est à même de réduire les inégalités économiques puisqu’elle contribue à réduire l'écart relatif entre les différentes catégories de la population en termes de pouvoir d'achat.

En revanche, en 2020, la tendance s'inverse pour toutes les catégories sociales. La pandémie COVID-19 et les mesures de confinement qui l'ont accompagnée ont eu un impact économique sévère, entraînant une baisse importante du pouvoir d'achat pour toutes les catégories. Les 20% les plus défavorisés et le deuxième quintile (représentant les 20 % suivants), soit au total la population modeste, ont subi une baisse du pouvoir d’achat respectivement de -4,51% et -5,04%.

Cette baisse s’avère inférieure à celle observée parmi les 20% les aisés, -5,53%, en raison éventuellement des aides publiques octroyées par l’Etat marocain aux travailleurs vulnérables ayant perdu leur emploi pendant le confinement sanitaire.



En 2021, une reprise du pouvoir d'achat est observée pour l'ensemble des catégories sociales. Le taux de croissance

de leur pouvoir d'achat est positif, avec une augmentation plus marquée pour les 20% les plus défavorisés, atteignant 7,77%, par rapport à 6,11% pour les 20% les plus aisés. Cependant, il convient de souligner que cette amélioration doit

être interprétée avec prudence. Une partie de cette reprise du pouvoir d'achat est due à une base de comparaison peu favorable en 2020, année marquée par les pertes de revenus provoquées par la crise sanitaire.

Après cette embellie économique, la tendance est à nouveau à la baisse en 2022 pour toutes les catégories sociales, bien que de manière moins prononcée qu'en 2020.

Les 20% les plus défavorisés et le deuxième quintile enregistrent à nouveau les baisses les plus importantes, de -1,83% et -1,80% respectivement, par rapport à une baisse de -1,27% pour les 20% les plus aisés.

A cet égard, les catégories sociales modestes ont connu la plus forte baisse du pouvoir d’achat, tandis que les catégories plus aisées ont été moins touchées, ce qui aurait pu contribuer à creuser les inégalités économiques au cours de cette période.

Cette contraction du pouvoir d'achat est principalement attribuable à l'impact de l'inflation, qui a dépassé le taux de croissance du revenu par habitant pour toutes les catégories sociales. En effet, le taux d'inflation a atteint 7,5% pour les 20% les plus défavorisés et 7,3% pour les 20%suivants, comparé à un taux d'inflation de 6% pour les 20%les plus aisés.

Les écarts relevés dans les taux d'inflation entre les différentes catégories sociales auraient accentué les inégalités économiques, puisque les ménages à revenu modeste ont dû faire face à une augmentation des prix à la consommation plus importante que celle de leurs revenus, ce qui a eu pour conséquence une réduction significative de leur pouvoir d'achat.

Que dit l'indice Web d’intention d’achat des ménages

Dans le contexte actuel, marqué par une incertitude sans précédent due aux impacts négatifs de la pandémie COVID-19 et de l'inflation, de nouvelles sources de données Big Data spécifiquement dédiées à ces phénomènes ont émergé. L'exploitation statistique de ces données, soutenue par le développement des algorithmes de l'intelligence artificielle, pourrait être envisagée comme un complément intéressant aux sources de données statistiques conventionnelles.

Dans ce contexte, cette section offre un aperçu sur l'évolution du pouvoir d'achat des ménages en se référant à un indice web basé sur les intentions d'achat des internautes marocains, en exploitant les données Big Data de Google Trends sur la période 2018-2022.

En 2021, l'indice web pour les plus aisés a enregistré une augmentation significative de +1,60% par rapport à 2020, suggérant que cette catégorie sociale a été la plus favorisée par la reprise économique post-pandémie COVID-19, dépassant même son niveau de 2018. Parallèlement, pour la catégorie intermédiaire, l'indice a également progressé, mais à un rythme moins soutenu, augmentant d'environ +0,57%, ce qui dépasse légèrement la moyenne de l'indice à l’échelle nationale (+0,41%). En revanche, pour les moins aisés, qui sont plus vulnérables, l'intention d'achat a baissé de -0,95% entre 2020 et 2021. Cette diminution pourrait être attribuée à l'arrêt des transferts sociaux de l'État pendant la période du confinement sanitaire.

Dans le contexte inflationniste de l’année 2022, bien que l'indice d’intention d’achat des plus aisés ait connu une régression de -1% en 2022, il est parvenu à maintenir son niveau de 2019 d'avant la crise sanitaire, avec une légère hausse de +0,08% en 2022. Cette catégorie sociale, disposant de ressources plus importantes, a la capacité de différer ses achats ou se tourner vers des produits moins coûteux, une flexibilité qui fait défaut chez les moins aisés. En ce qui concerne la catégorie sociale intermédiaire, l'indice a chuté de manière significative de -1,82% en 2022 par rapport à 2021. Cela suggère que les chocs successifs de la pandémie COVID-19 et de l'inflation ont fragilisé cette catégorie sociale, notamment en raison de l’évolution de ses revenus qui n'a pas suivi les fluctuations des prix (Cf. section sur le pouvoir d’achat catégoriel). Ainsi, l'indice global pour cette catégorie a enregistré une baisse de -0,74% en 2022 par rapport à 2018.

Quant aux moins aisés, leur indice d'intentions d'achat a enregistré une chute significative de - 1,36% en 2022 par rapport à l'année précédente, et de -2,88% par rapport à l'année de référence 2018. Ce reflux de l’indice met en évidence le recul important du pouvoir d'achat de cette catégorie sociale. Cette situation est exacerbée par la hausse des prix des produits de première nécessité qui constituent une part importante de leur panier de consommation. Dans ces conditions, l'indice web a enregistré, au niveau national, une baisse de -1,60% en 2022 par rapport à l'année précédente. Cette diminution s'est produite en dépit des subventions gouvernementales visant à atténuer les répercussions de l'augmentation des coûts des produits énergétiques et à soutenir le pouvoir d'achat des ménages.
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