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Les alliances productives, un antidote efficace contre la spéculation sur les produits agricoles au Maroc

Après une expérience pilote réussie, l’Agence pour le développement agricole s’apprête à élargir le concept des alliances productives dans le secteur agroalimentaire. L’objectif étant de renforcer la structuration et la compétitivité des groupements de producteurs. Ces alliances peuvent également constituer une véritable alternative aux chaînes de valeurs agricoles traditionnelles marquées par la forte présence d’intermédiaires et des pratiques spéculatives. Les détails.

Une alliance productive alimentaire implique trois acteurs principaux: un groupe de petits/moyens producteurs agricoles, un ou plusieurs acheteurs et le secteur public.
Une alliance productive alimentaire implique trois acteurs principaux: un groupe de petits/moyens producteurs agricoles, un ou plusieurs acheteurs et le secteur public.
Après l’expérience pilote concluante, l’Agence pour le développement agricole (ADA) s’apprête à lancer de nouveaux appels à projets pour la mise en place d’alliances productives (AP) dans le secteur agroalimentaire. L’Agence doit mobiliser le 11 mars une assistance technique afin de l’accompagner dans la préparation et le lancement de ce processus. Le projet s'inscrit dans le cadre du programme d’appui à la transformation des systèmes alimentaires financé par la Banque mondiale.

Concrètement, le projet portera sur la constitution de 20 alliances productives au profit des groupements de producteurs (GP) (coopératives et GIE) et en partenariat avec des acheteurs potentiels qui seront identifiés lors de la première et la deuxième phase de l’assistance technique au niveau des régions ciblées par le projet. Ces dernières seront déterminées lors de la première phase de l’assistance technique.

Les groupements de producteurs objet du présent projet d’alliances productives seront déterminés, durant la deuxième phase de cette assistance technique, par le maître d’ouvrage à travers le lancement d’un appel à projets, en concertation avec une Commission d’évaluation qui sera constituée principalement des directions régions de l’Agriculture, de la Direction de développement des filières de production et de l’ADA, avec l’appui du prestataire mandaté pour la réalisation de l’assistance technique. Les membres et le mode de fonctionnement de cette commission seront déterminés au niveau du manuel opérationnel.

Chaque alliance peut concerner un ou plusieurs groupements de producteurs. Le maître d’ouvrage affirme se réserver le droit d’ajouter et/ou de remplacer des groupements de producteurs par d’autres, et ce au plus tard avant l’achèvement de la deuxième phase du présent marché. Selon l’ADA, le financement des principales composantes du projet d’alliances productives sera assuré suivant différents modes.
En effet, la première assistance technique pour la préparation à la mise en place du projet est prise en charge par l’ADA et ce, en trois phases : finalisation de l’approche d’AP, lancement de l’appel à projets et l’élaboration des plans d’affaires avec les GP concernés. Une deuxième assistance technique pour la mise en œuvre des plans d’affaires élaborés sera mobilisée et s’étalera sur deux campagnes agricoles. Dans ce cadre, les Directions régionales de l’agriculture prendront en charge les investissements nécessaires pour la mise à niveau des structures des GP ressortis par les plans d’affaires (renforcement de capacités, mise à niveau des équipements, certifications...). À cela, s’ajoute l’apport des GP dans la mise en œuvre des plans d’affaires notamment le fonds de roulement.

Le test d'alliances a concerné 6 régions

Rappelons que l’ADA a testé le modèle d’alliances productives à travers la mise en place d’un projet pilote. Ce dernier a consisté à l’accompagnement des groupements de producteurs relevant de 6 régions du Royaume pour la préparation et la mise en œuvre de plans d’affaires afin de répondre aux exigences des acheteurs et ce, dans le cadre d’accords commerciaux clairs et bien définis. Le projet a concerné 10 alliances productives entrepris par 16 coopératives sélectionnées au niveau des régions ciblées par le projet (Rabat Salé-Kenitra, Béni Mellal-Khénifra, Marrakech-Safi, Fès-Meknès, Casablanca-Settat et l’Oriental) regroupant 728 producteurs, dont 296 femmes (40%), et ce, en partenariat avec 4 acheteurs.
Le projet a concerné, également, différentes filières, à savoir le maraîchage (Bio et conventionnel), l’arboriculture (pommier et noyer), les légumineuses, le cumin, l’argane, le miel et le lait (fromage). Dans le cadre du Programme d’appui à la transformation des systèmes alimentaires, financé par la Banque Mondiale sur la période 2025-2030, il a été proposé de mettre en place un nouveau projet d’alliances productives.

Alliance productive : un concept qui a fait ses preuves en Amérique latine

Le concept : une alliance productive implique trois acteurs principaux. Un groupe de petits/moyens producteurs, un ou plusieurs acheteurs et le secteur public. Les groupements de producteurs concluent un accord avec l’acheteur. Ils élaborent un plan d’affaires dont le secteur public est le partenaire pour la mise en œuvre. Ces activités sont financées par des subventions publiques fournies par le Programme, par une contribution des bénéficiaires et, dans certains cas, par le ou les acheteurs, et le secteur bancaire.
L’approche de l’alliance productive promeut le partenariat entre une organisation de producteurs (coopérative ou GIE) et un ou des acheteur(s), avec l’appui de l’État. L’objectif pour les petits producteurs est d’accéder à des marchés plus rémunérateurs/à haute valeur ajoutée, plus fiables et capables d’absorber de plus grandes quantités de produits que les marchés traditionnels (souks marchants, marchands ambulants, vente sur pied) et de contourner ainsi la perte valeur liée aux multiples intermédiaires dans certaines filières. Les producteurs peuvent donc investir dans l’amélioration de leur production en quantité et qualité, puisqu’ils ont la garantie d’un marché bien identifié et sûr, s’ils mettent leur production à niveau pour répondre aux exigences de l’acheteur.
L’objectif du partenariat pour les producteurs est d’accroître la valeur ajoutée retenue à leur niveau, donc d’augmenter leurs revenus, en ne vendant plus leur production sur pied ou en vrac, mais des produits conditionnés. L’acheteur, quant à lui, bénéficie pour sa part d’un approvisionnement en produits en quantités et qualités requises et à date convenues. Il peut être transformateur, acteur de la moyenne et grande distribution ou exportateur. L’approche crée les conditions et les incitations pour que s’établisse une relation mutuellement bénéfique entre producteurs et acheteurs.
L’alliance productive est concrétisée par un contrat ou un accord commercial entre le GP et l’acheteur qui prévoit notamment la qualité du produit à livrer (telle que la ou les variétés, les caractéristiques du produit par exemple le calibre, produit certifié, etc.), les quantités à fournir à l’acheteur, le conditionnement du produit (en vrac, calibré, emballé, étiqueté, frais ou séché, etc.), les modalités et délais de livraison, les critères de fixation des prix et les modalités de paiement et la contribution éventuelle de l’acheteur. Une des caractéristiques fondamentales de l’alliance productive réside dans le fait que c’est à l’organisation de producteurs d’initier la démarche d’alliance avec un acheteur.
Le GP peut identifier un acheteur potentiel pour sa production, mais ce n’est pas toujours le cas. Ces GP doivent être motivés pour entrer dans une relation de commercialisation formelle. Toutefois, dans la plupart des cas, pour répondre aux exigences de l’acheteur, une mise à niveau de la production est nécessaire, tant sur le plan des quantités à produire que de la qualité. De plus, l’objectif d’accéder à des marchés plus rémunérateurs et de retenir une part de la valeur ajoutée au niveau des producteurs implique que l’on passe de la vente en vrac, à la vente de produits conditionnés. D’où la nécessité selon les cas d’investir dans des magasins de stockage, de l’équipement frigorifique, et de l’équipement pour le calibrage, l’emballage, ou d’investir dans la certification pour la qualité (produits bio en particulier, etc.). C’est d’ailleurs la raison de l’élaboration du plan d’affaires.
Au cours de son élaboration, les faiblesses et les insuffisances du GP et de ses membres seront analysées. Sur cette base seront identifiés les activités (formations, renforcement de capacités) et investissements à envisager pour que le GP puisse satisfaire les exigences de l’acheteur. De ce fait, le plan d’affaires élaboré par le GP avec un appui est la clé de voûte de l’alliance productive, souligne l’ADA. Pour rappel, l’approche alliance productive avait été introduite en Amérique Latine au début des années 2000, en Colombie d’abord, par la Banque mondiale et d’autres partenaires (La Banque interaméricaine de développement puis le FIDA – Fonds international de développement agricole).
En 2015, l’Institution de Bretton Woods avait ainsi financé 3.500 alliances productives, à partir de 21 projets dans 10 pays d’Amérique latine pour un montant total d’un milliard de dollars. Une évaluation des résultats effectuée en 2016 a montré des augmentations de la commercialisation de 20 à 60% pour les producteurs impliqués dans une alliance (selon les pays et les filières). De même, en Colombie, une évaluation d’impact réalisée en 2015 avait montré que les revenus des producteurs impliqués dans une alliance étaient de 30% supérieurs à ceux du groupe de contrôle (producteurs organisés, mais pas dans une alliance productive).
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