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Entrepreneuriat agricole : comment l’ADA apporte son appui aux jeunes (Rachid Laghrieb)

Dans le cadre de la stratégie Génération Green 2020-2030, le gouvernement table sur l’entrepreneuriat des jeunes dans le secteur agricole pour favoriser l’émergence d’une classe moyenne agricole et créer une dynamique de développement socioéconomique en milieu rural. Des mécanismes d’accompagnement financiers et techniques sont prévus pour aider les entrepreneurs à faire aboutir leurs projets et pour aplanir les difficultés qu’ils rencontrent, notamment celles liées à l’accès au foncier (melkisation, valorisation des terres collectives agricoles…). Le point sur les projets subventionnés, les différentes formes d’appui et la nature des investissements privilégiés par les jeunes entrepreneurs agricoles avec le directeur de l'ingénierie des projets à l'Agence pour le développement agricole (ADA), Rachid Laghrieb, rencontré en marge du Sidattes 2024.

Rachid Laghrieb
Rachid Laghrieb
Le Matin : La stratégie Génération Green accorde une grande importance à l'entrepreneuriat des jeunes dans le secteur agricole. Quelles sont les leviers prévus à cet égard et sur quoi portent-ils ?
Rachid Laghrieb : Effectivement, la Stratégie Génération Green 2020-2030 a mis en place un programme spécial pour les jeunes en milieu rural dans le but de faire émerger une nouvelle génération d'entrepreneurs agricoles. Ce programme est centré principalement sur la mobilisation et la valorisation des terres collectives, avec la mise en place d'un système incitatif adéquat et des mécanismes d'accompagnement et d'encadrement pour la création et le lancement de leurs projets agricoles, bénéficiant ainsi à 45.000 jeunes. Le programme soutient également les jeunes en facilitant l'accès aux terres agricoles et leur exploitation, en créant de nouveaux mécanismes de transfert foncier entre générations afin d'assurer la durabilité des exploitations agricoles. A cet égard, quelque 180.000 jeunes agriculteurs sont concernés. De plus, il encourage les jeunes à entreprendre et à créer des activités dans les services agricoles, para-agricoles et les services numériques liés au domaine agricole, ce qui permettra de créer 170.000 emplois. Ce programme spécial vise également à améliorer et adapter l'offre de formation et de qualification professionnelle aux exigences du marché du travail, au profit de 150.000 jeunes.



Quels sont les principaux obstacles auxquels les jeunes font face lorsqu'ils souhaitent se lancer dans l'entrepreneuriat agricole ?
Le principal obstacle auquel les jeunes entrepreneurs font face est le financement. Ce défi constitue un frein majeur à la concrétisation de leurs projets. Mais il n’y a pas que cela. On déplore aussi l’insuffisance en matière d’accompagnement non financier des jeunes dans l’accomplissement des procédures, dans l’encadrement, la formation et le conseil jusqu’à l’aboutissement de leurs projets. Un autre obstacle réside dans le mindset des jeunes. Beaucoup d'entre eux hésitent encore à sortir de leur zone de confort et à prendre le risque de se lancer dans l'entrepreneuriat, malgré les nombreuses opportunités qu'offre ce secteur.
Quelles actions concrètes ont été mises en place pour surmonter les contraintes identifiées ?
Pour atteindre les objectifs tracés dans le cadre de la stratégie Génération Green, et surmonter les contraintes et obstacles auxquels les jeunes sont confrontés, le département de l’Agriculture a adopté une approche innovante basée sur un accompagnement non financier (technique) et un accompagnement financier basé sur la proximité. Sur le plan de l’accompagnement technique, un Centre régional des jeunes entrepreneurs agricoles et agro-alimentaires (CRJEA) a été créé au niveau de chaque région du Royaume. Doté des moyens et outils nécessaires, ce centre offre aux jeunes un accompagnement complet et à la carte pour la création et la pérennisation de leurs de leurs projets. Pour accomplir leurs missions dans les meilleures conditions et avec succès, les CRJEA sont dotés des moyens et outils nécessaires comme le déploiement d’une plateforme digitale «Chababagri» dédiée aux jeunes et permettant l’accès aux informations utiles concernant le foncier, le financement, les idées de projets, les services, la formation, le conseil, les procédures, etc. Et parfois on recourt à l’assistance technique privée pour exécuter les différentes phases de l’accompagnement de manière continue et efficace, et la mise en place d’un système de suivi/évaluation permettant d’apprécier l’atteinte des objectifs et d’améliorer continuellement l’accompagnement. En parallèle, un schéma directeur identifiant les différentes opportunités en termes de métiers agricoles et para agricole au niveau des différentes régions du Maroc a été réalisé et mis à la disposition des jeunes au niveau de la plateforme «Chababagri». Sur le plan de l’accompagnement financier, le ministère a mis en place de nouvelles incitations spécifiques pour les jeunes entrepreneurs dans le cadre de la valorisation des terres collectives agricoles, incluant trois types de subvention :

• Primo, la subvention à l'investissement. Elle est accordée aux jeunes, ayant réalisé des projets d’investissement agricole dans le cadre de l’opération de melkisation et aux jeunes hommes et femmes ayant réalisé des projets dans le cadre de l’opération de location des terres des collectivités ethniques qui peut aller de 2.000 à 7.000 DH par hectare en fonction de type de projet.
• Secundo, la subvention à la location. Elle est octroyée aux jeunes locataires, hommes et femmes, couvrant une partie du loyer des terres agricoles appartenant aux collectivités ethniques qui peut aller jusqu’à 70% de la valeur locative pendant une durée de 5 ans.
• Tertio, la subvention additionnelle qui est accordée pour certaines composantes d'investissement, dans le cadre de l’opération de melkisation ou de modernisation des exploitations agricoles et aux jeunes ayant réalisé des projets dans le cadre de l’opération de location des terres des collectivités ethniques.

Ces aides financières de l'État viennent s'ajouter aux aides du régime universel dans le cadre du Fonds de développement agricole (FDA) et qui couvrent notamment les investissements en plantation, en acquisition de matériel agricole, ainsi qu'en construction et en équipement d'unités de valorisation. Les jeunes peuvent également bénéficier des projets inclus dans le cadre de l'agriculture solidaire, qui se concentre sur une intervention étendue au niveau territorial à travers des investissements publics, notamment dans les zones rurales fragiles telles que les régions montagneuses, les oasis, les zones bour et arides.
Dans ce cadre, les jeunes ruraux bénéficient d'une offre diversifiée de projets à travers des investissements publics, en les intégrant dans la production agricole et en leur accordant la priorité pour bénéficier des projets de l'agriculture solidaire. Le programme stimule également l'emploi des jeunes ruraux dans le cadre d'organisations professionnelles dans les domaines de la production, de la valorisation et des services, et encourage le développement de projets générateurs de revenus en milieu rural.


Quels métiers semblent aujourd'hui susciter le plus d'intérêt chez les jeunes ?
Au cours de notre étude, plusieurs métiers ont été identifiés, notamment ceux liés aux coopératives de services. Ces métiers suscitent un réel intérêt chez les jeunes, en particulier dans des domaines tels que la mécanisation agricole et les travaux manuels, qui sont très présents dans les zones agricoles. Des initiatives prometteuses émergent, touchant à des activités essentielles, par exemple au niveau des oasis comme l'entretien des palmiers dattier, le nettoyage des touffes et la valorisation des déchets issus de ces palmiers. De plus, pour les jeunes déjà formés, des opportunités s'offrent dans la valorisation de la production agricole. Il est clair que ces métiers attirent de nombreux jeunes, qu'il s'agisse de professions agricoles ou non agricoles, ainsi que des métiers liés à la transformation. Cette diversité d'options reflète une volonté croissante des jeunes de s'impliquer dans le secteur agricole et agroalimentaire, témoignant ainsi d'une dynamique positive vers un engagement entrepreneurial.


Quelle est la proportion de femmes ayant participé aux concours Agriyoung Innovate, et comment cette participation reflète-t-elle l'implication des femmes dans l'innovation agricole ?
Les femmes se révèlent être de véritables porteuses d'idées innovantes, intégrant des technologies de pointe pour relever les défis agricoles. Des projets utilisant la détection des maladies par des robots, des drones et des applications numériques ont vu le jour, témoignant de cette dynamique. Nous avons lancé deux éditions de ce concours intitulé Agriyoung Innovate. La première édition s'est déjà conclue et nous sommes actuellement en cours de concrétisation de la deuxième édition. Il est à noter que les femmes représentent 28% des participants et des projets sélectionnés lors de ces concours, ce qui démontre leur contribution significative à l'innovation. Ce concours met particulièrement l'accent sur l'agriculture digitale et l’agriculture climato-intelligente.


Quels conseils donneriez-vous aux jeunes qui souhaitent se lancer dans l'entrepreneuriat agricole, et comment les programmes d'accompagnement peuvent-ils les aider à réussir ?
Mon conseil aux jeunes est de toujours rêver grand, d'adopter une attitude optimiste et d'être prêts à prendre des risques. L'entrepreneuriat, surtout dans le secteur agricole, offre de nombreuses opportunités à ceux qui osent s’y lancer. Pour les accompagner dans cette démarche, nous avons mobilisé des experts en entrepreneuriat et des assistants techniques au sein de nos centres (CRJEA). Ces professionnels fournissent un soutien précieux en aidant les jeunes à comprendre les différentes facettes de l'entrepreneuriat, à développer des compétences comportementales (soft skills), et en leur proposant des formations ciblées et sur mesure, ainsi que des sessions de mentorat individuel. Il est essentiel de tirer parti des nouveaux mécanismes d'appui instaurés par l'État pour les accompagner dans leurs projets. Je leur dis donc : n'hésitez pas à investir dans ce domaine prometteur, car de nombreuses opportunités vous attendent.
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