Gaz, éolien, solaire, fossile... quelle source d’énergie prioriser au Maroc ? Pour Badr Ikken, président exécutif de GI3 et président du conseil d’affaires Maroc-Allemagne à la CGEM, le Maroc doit continuer à privilégier le solaire et l'éolien. Et pour cause, la baisse importante de leurs coûts. Lors de son passage à l’émission «L’Info en Face», de «Groupe Le Matin», cet expert en énergie a rappelé les différents changements mondiaux de ces trois dernières années. Pandémie, tensions internationales, guerres et autres ont impacté l'approvisionnement énergétique dans le monde.
Beaucoup de pays ont dû trouver rapidement des solutions, notamment fossiles. Une ressource qui peut être rapidement obtenue. Mais si, à court terme, ces solutions résolvent le problème de l’approvisionnement, à moyen et long terme, investir dans l’éolien et le solaire est plus intéressant. «Si nous devons mettre en place de nouvelles centrales électriques, il serait peut-être plus judicieux, d'un point de vue économique, de se diriger vers l'éolien ou le solaire. Il ne faut pas oublier que les coûts de l'électricité renouvelable et solaire ont fortement baissé, et ces énergies sont aujourd'hui les moins chères», explique Ikken. Qu’en est-il du gaz ? Il reste intéressant pendant la phase de transition, affirme notre invité.
Par ailleurs, les banques de développement analysent avant tout la viabilité économique des projets. Il se trouve que «le Maroc fait partie des pays où les projets de parcs éoliens et de centrales solaires photovoltaïques sont économiquement viables et attractifs».
En outre, précise notre intervenant, la gouvernance dans le secteur marocain de l'énergie a évolué. L'Agence marocaine pour l'énergie durable (Masen) a été dotée d’un nouveau rôle et accompagne la mise en œuvre de la feuille de route pour l'hydrogène vert. Il faudra cependant rester vigilant sur les choix technologiques à faire. Rester pragmatique évitera des pertes financières similaires à celles du passé, prévient notre invité.
Et de rappeler que Masen a joué un rôle important dans le développement énergétique au Maroc. L’objectif était, entre autres, de répondre aux pics de consommation en soirée par une production décarbonée. D’où le choix du solaire thermique à concentration, adopté pour permettre le stockage d'énergie, contrairement aux solutions photovoltaïques.
D’ailleurs, cette lenteur est pointée du doigt par notre invité qui lance un appel à accélérer la cadence des réalisations. Car des contraintes, il y en a un bon nombre : la nécessité de se positionner sur l'hydrogène, qui commencera par des centrales (un cadre est nécessaire), la décarbonation liée à l’export de produits et services (adopter des mesures d’efficacité énergétique, installer des centrales photovoltaïques, se défaire des limites imposées par la moyenne tension...).
Pour franchir le pas, nos entreprises ont aussi besoin de rentabiliser leurs centrales photovoltaïques. «Beaucoup préféreraient un taux plus élevé (que les 20% de plafond actuel, Ndlr) pour un meilleur amortissement de la centrale», nous fait comprendre Ikken. Cela leur permettrait d'être plus compétitifs tout en réduisant leur empreinte carbone. Des solutions de financement devraient cependant les accompagner. Cela leur permettrait de réduire leurs coûts énergétiques sans utiliser des fonds propres trop importants.
Concernant la taxe carbone, Ikken espère que l’objectif est de préparer les entreprises. «J'ai apprécié l'idée d'une phase déclarative pour sensibiliser les acteurs à leur empreinte carbone. Cela les encouragera à gaspiller moins et à intégrer des mesures d'efficacité énergétique. Il est important de ne pas passer directement au bâton. J'espère qu'il y aura également une carotte», se confie-t-il.
Par exemple, il y a des voitures électriques au Maroc. Beaucoup de Marocains du monde viennent avec leurs véhicules électriques. Toutefois, l'infrastructure minimale n'est pas encore en place pour accueillir ce type de véhicules. Heureusement, de petits acteurs privés commencent à proposer des solutions d'infrastructure avec un déploiement qui reste timide.
Le coût d'un véhicule électrique est en train de baisser, notamment en Chine. Très rapidement, tout le monde va adhérer à cette transition, prévoit notre invité. «Lorsqu'on peut acquérir une voiture au même prix et payer ensuite cinq fois moins cher en énergie, cela favorise clairement la transition. Il est important d'accompagner cette dynamique. J’espère que nous l’accompagnerons par la mise en place d'une feuille de route pour la mobilité électrique», confie Ikken.
Cet événement, considéré par notre invité comme «Place to be», a attiré les plus grands groupes mondiaux et la majorité des grands investisseurs. Il a permis de leur présenter les avancées réalisées, dont celles dans l’hydrogène vert. «Le Maroc a commencé à travailler sur ce sujet il y a environ sept ans. Au début, beaucoup se demandaient de quoi il s'agissait. Aujourd'hui, plus de 40 consortiums ont déposé leurs dossiers auprès de Masen et sont en cours d'évaluation. Dans quelques semaines, nous aurons les premières annonces des porteurs de projets retenus. Cela montre que les choses avancent», explique Ikken.
À ce propos, doit-on rappeler que, dans le cadre de son offre en hydrogène vert, le Royaume est le premier pays au monde à avoir mobilisé des fonciers pour des projets identifiés : 300.000 hectares sur un million d'hectares au total. Un avantage considérable si l’on sait que, dans d'autres pays, l'accès au foncier est problématique.
Les consortiums, pour leur part, sont composés de développeurs et d'investisseurs qui soumettent leurs dossiers. Plusieurs comités travaillent à la réalisation de projets de production d'hydrogène et de dérivés. Toutefois, ces projets prendront du temps : de 5 à 6 ans, prévoit Ikken. Pas avant 2023, donc ! Parmi ces projets, l'ammoniac vert. Le groupe OCP s'est engagé à produire un million de tonnes d'ammoniac d’ici 2027 et 3 millions de tonnes en 2030. D'autres entreprises commencent également à se positionner pour démarrer leurs projets.
De l’avis de notre invité, nous devrions donc nous attendre à des installations complexes, similaires à celles de Jorf Lasfar. Elles comprendraient des centrales solaires et éoliennes, des unités d'électrolyse, ainsi que des solutions de stockage.
Avec l'initiative «Offre Maroc», le pays soutient des projets innovants dans l'hydrogène. La filière de l'ammoniac vert est importante pour le marché national et à l’export. D'ici 2029-2030, le coût de sa production deviendra compétitif. Le Maroc pourrait se démarquer dans ce segment. L’investissement dans la recherche et le développement doit cependant rester soutenu. Une banque de développement pourrait mieux soutenir les investisseurs dans ce secteur.
Beaucoup de pays ont dû trouver rapidement des solutions, notamment fossiles. Une ressource qui peut être rapidement obtenue. Mais si, à court terme, ces solutions résolvent le problème de l’approvisionnement, à moyen et long terme, investir dans l’éolien et le solaire est plus intéressant. «Si nous devons mettre en place de nouvelles centrales électriques, il serait peut-être plus judicieux, d'un point de vue économique, de se diriger vers l'éolien ou le solaire. Il ne faut pas oublier que les coûts de l'électricité renouvelable et solaire ont fortement baissé, et ces énergies sont aujourd'hui les moins chères», explique Ikken. Qu’en est-il du gaz ? Il reste intéressant pendant la phase de transition, affirme notre invité.
Le financement : maillon faible des énergies renouvelables
Cependant, malgré le potentiel de ces énergies renouvelables, les bailleurs de fonds ne semblent pas se bousculer pour financer les projets. Bien au contraire, le financement des énergies fossiles reste dix fois supérieur à travers le monde. «Les grandes compagnies pétrolières et gazières, ainsi que les grandes institutions financières, sont toujours sur le fossile. Certains pays, avec des économies et des industries énergivores, ont besoin de répondre très rapidement à la demande. Dans ce contexte, ils réactivent des projets prévus auparavant, sans avoir accès aux mêmes ressources renouvelables que le Maroc», explique Ikken.Par ailleurs, les banques de développement analysent avant tout la viabilité économique des projets. Il se trouve que «le Maroc fait partie des pays où les projets de parcs éoliens et de centrales solaires photovoltaïques sont économiquement viables et attractifs».
En outre, précise notre intervenant, la gouvernance dans le secteur marocain de l'énergie a évolué. L'Agence marocaine pour l'énergie durable (Masen) a été dotée d’un nouveau rôle et accompagne la mise en œuvre de la feuille de route pour l'hydrogène vert. Il faudra cependant rester vigilant sur les choix technologiques à faire. Rester pragmatique évitera des pertes financières similaires à celles du passé, prévient notre invité.
Et de rappeler que Masen a joué un rôle important dans le développement énergétique au Maroc. L’objectif était, entre autres, de répondre aux pics de consommation en soirée par une production décarbonée. D’où le choix du solaire thermique à concentration, adopté pour permettre le stockage d'énergie, contrairement aux solutions photovoltaïques.
Hydrogène vert : d'un projet de remplacement des centrales au fioul vers une «Offre Maroc» internationale
«Il ne faut pas oublier que, dans le mix énergétique, nous avions aussi des générateurs fonctionnant au fioul, avec des coûts importants, mais que l'on pouvait démarrer rapidement. Si nous nous sommes positionnés sur l'échiquier mondial de l'hydrogène vert, c'est parce qu'on avait démarré avec ce projet phare visant à remplacer des centrales au fioul. En comparant les coûts, nous étions moins chers», partage le spécialiste. En effet, explique notre invité, un générateur au fioul coûtait plus de 2,80 DH le kilowattheure (kWh). Pour le solaire thermique à concentration (sur Noor 1), ce coût n’est que de 1,61 DH ! De même, si les premiers projets éoliens avaient aussi des coûts élevés, les prix baissent à chaque nouveau projet, affirme Ikken. Pour l’hydrogène vert, avertit encore notre invité, il faut suffisamment se préparer pour éviter les erreurs du passé.Excédent d’autoproduction électrique : les tarifs seront révélés dans quelques semaines !
En attendant, un sujet en particulier alimente les discussions au sein de la communauté des industriels. Il s’agit des tarifs de rachat de l'excédent sur l'autoproduction électrique. «C'est ce qui motive aujourd'hui beaucoup d'industriels. J'ai cru comprendre qu'au cours des prochaines semaines, ces tarifs seront publiés par l'Autorité nationale de régulation. Donc, déjà, cela est une bonne chose», partage Ikken. Une annonce qui s’est faite longtemps attendre !D’ailleurs, cette lenteur est pointée du doigt par notre invité qui lance un appel à accélérer la cadence des réalisations. Car des contraintes, il y en a un bon nombre : la nécessité de se positionner sur l'hydrogène, qui commencera par des centrales (un cadre est nécessaire), la décarbonation liée à l’export de produits et services (adopter des mesures d’efficacité énergétique, installer des centrales photovoltaïques, se défaire des limites imposées par la moyenne tension...).
Pour franchir le pas, nos entreprises ont aussi besoin de rentabiliser leurs centrales photovoltaïques. «Beaucoup préféreraient un taux plus élevé (que les 20% de plafond actuel, Ndlr) pour un meilleur amortissement de la centrale», nous fait comprendre Ikken. Cela leur permettrait d'être plus compétitifs tout en réduisant leur empreinte carbone. Des solutions de financement devraient cependant les accompagner. Cela leur permettrait de réduire leurs coûts énergétiques sans utiliser des fonds propres trop importants.
Concernant la taxe carbone, Ikken espère que l’objectif est de préparer les entreprises. «J'ai apprécié l'idée d'une phase déclarative pour sensibiliser les acteurs à leur empreinte carbone. Cela les encouragera à gaspiller moins et à intégrer des mesures d'efficacité énergétique. Il est important de ne pas passer directement au bâton. J'espère qu'il y aura également une carotte», se confie-t-il.
Subventions : un rééquilibrage fossile-renouvelable est urgent !
Aujourd’hui, les énergies fossiles sont largement subventionnées au Maroc : aides aux transporteurs, rallonges budgétaires à l'ONEE. Serait-il judicieux d’allouer une part plus importante aux énergies renouvelables ? À cette question, notre expert répond par l’affirmatif. «Le point important à mettre en place, c’est le cadre réglementaire favorable. Nous avons un tissu économique privé capable de proposer des solutions. La CGEM accompagne ce mouvement. Il faut lever les barrières, le privé s’engagera ! L’opportunité est là», explique Ikken.Par exemple, il y a des voitures électriques au Maroc. Beaucoup de Marocains du monde viennent avec leurs véhicules électriques. Toutefois, l'infrastructure minimale n'est pas encore en place pour accueillir ce type de véhicules. Heureusement, de petits acteurs privés commencent à proposer des solutions d'infrastructure avec un déploiement qui reste timide.
Le coût d'un véhicule électrique est en train de baisser, notamment en Chine. Très rapidement, tout le monde va adhérer à cette transition, prévoit notre invité. «Lorsqu'on peut acquérir une voiture au même prix et payer ensuite cinq fois moins cher en énergie, cela favorise clairement la transition. Il est important d'accompagner cette dynamique. J’espère que nous l’accompagnerons par la mise en place d'une feuille de route pour la mobilité électrique», confie Ikken.
Normes sur l’empreinte carbone : après le transport, l’industrie doit suivre !
Par ailleurs, à l’image du transport, des normes devraient également être mises en place dans l’industrie. C’est en tout cas l’appel que lance Ikken lors de son passage à l’émission «L’Info en Face». Cela pourrait encourager les bailleurs de fonds à prendre part aux projets futurs. «Lors du World Power TX Summit de Marrakech, j'étais surpris, car j'attendais des déclarations d'intention concernant des investissements. Mais il semble qu'il n'y ait rien eu d'annoncé en termes d'investissement. Le dernier projet annoncé date de 2023, lorsque TotalEnergies a déclaré vouloir investir 10 milliards d'euros dans la région», regrette Ikken.Cet événement, considéré par notre invité comme «Place to be», a attiré les plus grands groupes mondiaux et la majorité des grands investisseurs. Il a permis de leur présenter les avancées réalisées, dont celles dans l’hydrogène vert. «Le Maroc a commencé à travailler sur ce sujet il y a environ sept ans. Au début, beaucoup se demandaient de quoi il s'agissait. Aujourd'hui, plus de 40 consortiums ont déposé leurs dossiers auprès de Masen et sont en cours d'évaluation. Dans quelques semaines, nous aurons les premières annonces des porteurs de projets retenus. Cela montre que les choses avancent», explique Ikken.
À ce propos, doit-on rappeler que, dans le cadre de son offre en hydrogène vert, le Royaume est le premier pays au monde à avoir mobilisé des fonciers pour des projets identifiés : 300.000 hectares sur un million d'hectares au total. Un avantage considérable si l’on sait que, dans d'autres pays, l'accès au foncier est problématique.
Les consortiums, pour leur part, sont composés de développeurs et d'investisseurs qui soumettent leurs dossiers. Plusieurs comités travaillent à la réalisation de projets de production d'hydrogène et de dérivés. Toutefois, ces projets prendront du temps : de 5 à 6 ans, prévoit Ikken. Pas avant 2023, donc ! Parmi ces projets, l'ammoniac vert. Le groupe OCP s'est engagé à produire un million de tonnes d'ammoniac d’ici 2027 et 3 millions de tonnes en 2030. D'autres entreprises commencent également à se positionner pour démarrer leurs projets.
De l’avis de notre invité, nous devrions donc nous attendre à des installations complexes, similaires à celles de Jorf Lasfar. Elles comprendraient des centrales solaires et éoliennes, des unités d'électrolyse, ainsi que des solutions de stockage.
Avec l'initiative «Offre Maroc», le pays soutient des projets innovants dans l'hydrogène. La filière de l'ammoniac vert est importante pour le marché national et à l’export. D'ici 2029-2030, le coût de sa production deviendra compétitif. Le Maroc pourrait se démarquer dans ce segment. L’investissement dans la recherche et le développement doit cependant rester soutenu. Une banque de développement pourrait mieux soutenir les investisseurs dans ce secteur.