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Ramadan : l’offre de lait frais en hausse de 8% face à une demande qui stagne

La filière laitière rassure sur l’offre en or blanc pour le mois sacré du Ramadan. Dans une déclaration exclusive accordée au journal «Le Matin», l’interprofession (Maroc Lait) affirme tabler sur une montée de 5 à 8% de l’offre, contre une quasi-stagnation de la demande. Mieux, l’aval de la filière prépare même son outil industriel pour absorber, via le séchage, l’excédent de production attendu, pour une utilisation ultérieure dans la fabrication de dérivés à base de lait. Aux yeux de la profession, cette situation réconfortante de la production est atteinte plutôt dans la douleur. Le fait est que la filière traverse diverses zones de turbulences, notamment l’inflation des aliments composés et des matières fourragères simples et les complexités logistiques et sanitaires qui entourent l’opération d’importation des génisses laitières pour la recapitalisation du cheptel national.

En bonnes années pluviales, en plus d’une productivité optimale grâce à l’amélioration génétique opérée ces dernières années, le filière pouvait produire jusqu’à 2,5 milliards de litres d’or blanc.
En bonnes années pluviales, en plus d’une productivité optimale grâce à l’amélioration génétique opérée ces dernières années, le filière pouvait produire jusqu’à 2,5 milliards de litres d’or blanc.
La filière laitière est plutôt bien préparée face à une potentielle montée de la demande pour le lait frais pasteurisé pendant le mois sacré du Ramadan. Dans une déclaration accordée au journal «Le Matin», Rachid Khattate, président de la Fédération Maroc Lait, assure que l’offre en or blanc pour ce mois spécial devrait probablement excéder la demande. Concrètement, les prévisions de la profession tablent globalement sur une stagnation de la demande cette année par rapport au mois sacré de 2024. «Au mieux, la demande pourrait grimper de 3%. Sinon, il est fort certain qu’il n’y aurait pas d’explosion des besoins pour le lait frais pendant le mois sacré de cette année», détaille le patron de Maroc Lait. Côté offre, la profession du secteur laitier mise sur une montée de 5 à 8% des volumes produits. Dans le scénario d’une surproduction laitière, pendant le mois sacré, l’aval industriel de la filière prévoit de procéder au séchage de l’excédent laitier, pour son utilisation ultérieure dans la fabrication des dérivés du lait (yaourt, fromages, etc.).



Abordant la question de recapitalisation du cheptel laitier national, Khattate révèle que cette opération avance quand même, en dépit des difficultés qui entourent ce processus. Selon ses données, la filière aura importé quelque 15.000 têtes de génisses laitières en 2024, soit pratiquement 3.000 têtes de plus (20%) par rapport à l’exercice 2023. Parallèlement à cette opération, la filière poursuit le développement de pépinières locales de production de génisses laitières. Ce projet est, d’ailleurs, encouragé par le département de l’Agriculture. L’objectif, selon le président de Maroc Lait, est de réduire la dépendance du Maroc à l’importation de cette ressource. Le fait est que la dépendance à l’importation des génisses laitières notamment de l’Europe est risquée dans la mesure où la résurgence de pandémies bovines sur le vieux continent chamboule la recapitalisation du cheptel national. «C’est d’ailleurs le cas aujourd’hui avec la réapparition d’une pandémie qui touche actuellement le bétail en Allemagne, l’un des principaux pays exportateurs de génisses laitières en Europe. Face à cette situation de stress, les importations marocaines de génisse laitières à partir de ce pays ont été gelées. Ce qui a provoqué une ruée des importateurs vers le marché français. Résultat, la demande pour les génisses laitières explose sur ce marché et pénalise du coup les importateurs marocains», explique le patron de Maroc Lait.
De même, poursuit-il, l’autre complexité qui perturbe actuellement les importations marocaines de génisses laitières vient des nouvelles réglementations sanitaires décrétées par les pays de l’Europe en matière de transport international de bovins. «Aujourd’hui, il n’est plus possible d'acheminer du cheptel bovin en camions jusqu’au Maroc du fait de ces nouvelles directives européennes. Le seul moyen est d’agréger le cheptel en bateau puis le transporter vers le pays. Un processus logistique hautement difficile et qui plus est génère des coûts supplémentaires pour les importateurs», développe Khattate. Cette problématique a, d’ailleurs, fait l’objet d’une réunion de la profession et de la tutelle, tenue la semaine dernière à Rabat. «Nous avons exposé cette complexité à l’Agriculture qui s’est engagée aux côtés de la profession à explorer les différentes solutions potentielles pour cette question logistique», révèle le président de Maroc Lait.

Les coûts de production s’alourdissent

Autre zone de turbulences pour la filière : l’inflation qui touche les intrants agricoles, en particulier, les matières fourragères et l’aliment composé. Selon Khattate, la situation est toujours compliquée pour l’alimentation du bétail. D’un côté, les pâturages ont été réduits à néant par la sécheresse et de l’autre, les prix des aliments composés et des matières fourragères simples poursuivent leur montée. Pour désamorcer la pression sur ces intrants, le département de l’Agriculture a lancé récemment un appel d’offres pour l’achat d’aliments composés pour le bétail et sa distribution aux éleveurs, moyennant une subvention. «C’est un programme qui revêt une importance majeure pour la filière afin que celle-ci puisse faire face à l’inflation des coûts de production. En plus de cette opération, nous avons aussi demandé à la tutelle de suspendre les droits de douane sur les importations des produits fourragers simples. Ce qui permettra de soulager légèrement les éleveurs des coûts de production en espérant un retour de la générosité du ciel dans les prochains jours pour ressusciter les parcours», souligne Khattate. Selon les données de la corporation, la filière laitière agrège la production de 260.000 éleveurs autour de 18 grands industriels laitiers. L’amont de la filière est dominé par des élevages de petite taille (5-10 vaches par élevage).
Grâce à un processus de longues années, la filière, en partenariat avec l’État, a pu procéder à une structuration à large spectre de l’amont à travers la mise en place de centres de collecte agrégeant la production de lait et fournissant des services aux agriculteurs. Dans l’aval de la filière, 12 entreprises génèrent plus de 86% du chiffre d’affaires total de cette industrie. Selon les statistiques arrêtées par Maroc Lait à fin 2022, le cheptel laitier national comptait quelque 1,8 million de têtes. Un chiffre qui aurait, très probablement, dégringolé les années suivantes, suite à la succession des années de sécheresse et de l’inflation des coûts de production. En l’absence de données fiables sur le sujet, les postulats avancés par-ci et par-là du secteur ne jurent que par l’écroulement du cheptel et les abandons à la pelle du métier de producteur laitier notamment par les petits et les moyens éleveurs.
En bonnes années pluviales, assorties d’une productivité optimale grâce à l’amélioration génétique opérée ces dernières années, la filière pouvait produire jusqu’à 2,5 milliards de litres d’or blanc. Notons que sur les 260.000 producteurs de lait recensés en 2022, 90% ont moins de 10 vaches laitières. La filière compte, par ailleurs, 2.700 centres de collecte, dont 1.900 coopératives. Elle génère 49 millions de journées de travail par an et pèse pour 13 milliards de DH de chiffre d’affaires par an.
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