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Le programme de reconstruction post-séisme pourrait faire gagner au Maroc un demi-point de croissance

Le séisme qui a frappé le Maroc aura des effets limités sur l’économie nationale. C’est le constat de l’économiste Abdelghani Youmni, invité de «L’Info en Face». Pour lui, la dynamique que créera le programme de reconstruction et de mise à niveau de la région d’Al Haouz boostera la croissance. Explications.

Abdelghani Youmni.
Abdelghani Youmni.

Quel sera l'impact du séisme sur l’économie marocaine ? Faut-il revoir les grandes orientations du projet de loi de Finances annoncé par le gouvernement ? Quelles priorités pour le monde rural ? Ces questions étaient au cœur du débat avec Abdelghani Youmni, économiste et spécialiste des politiques publiques. Invité de l’émission «L’Info en Face», il a rappelé que selon les estimations de l’Institut d’études géologiques des États-Unis (USGS), les dégâts matériels pourraient coûter entre 1 et 9 milliards d’euros, c’est-à-dire jusqu’à 8% du PIB du Maroc en 2022. «Cette estimation était prématurée, d’autant plus qu’elle est basée sur des indicateurs liés à une réalité autre que la nôtre. Je pense que les dégâts ne vont pas atteindre ce niveau. À mon avis, même pour ce qui est des pertes liées au tourisme, cela restera limité, car l’activité touristique reprendra assez rapidement. Sur le plan industriel, pas d’impact puisque ce n’est pas l’activité majeure dans la région. Même chose sur le plan agricole, puisqu’on est sur une zone rurale où l’on a plutôt une agriculture artisanale», explique l’économiste. Il prévoit ainsi que la contribution de la région de Marrakech-Safi dans le PIB national, qui est autour de 12%, ne devrait pas baisser au cours de cette année.

>>Lire aussi : Séisme d'Al Haouz : Les dommages pourraient atteindre jusqu'à 8% du PIB du Maroc

Mais si le coût du séisme reste limité, il représente tout de même une charge supplémentaire à gérer dans l’urgence pour lancer la reconstruction de la zone concernée. Se pose alors la question du financement. L’expert rappelle dans ce sens la création du Fonds spécial sur Hautes Instructions Royales, dont la valeur est estimée à ce jour à près de 9 milliards de dirhams. «En plus du Fonds spécial, il y a un fonds d’assurance des sinistres qui devrait rapporter près de 3 milliards de DH. L’État devra créer une ligne budgétaire à la fois de recettes et de dépenses pour financer la reconstruction dans sa globalité. C’est une mise à niveau de cette région qui est ciblée pour sortir ces zones de l’ombre», explique M. Youmni.

Va-t-on faire le deuil du déficit budgétaire ramené à 4% ?

Très optimiste, l’invité de Rachid Hallaouy estime que les dons continueront d’affluer vers le compte 126 et que le budget collecté permettra de couvrir les charges à la fois du programme d’indemnisation des victimes et de reconstruction et de mise à niveau de la région. Un peu moins optimiste, Hallaouy expose l’éventualité que l’État manque de ressources pour répondre à ces défis. Dans ce cas-là, quelle marge de manœuvre pour l’Exécutif ? La solution sera-t-elle de laisser filer le déficit budgétaire, sachant que l’État s’est engagé à le réduire à 4% ? Pour Abdelghani Youmni, le Maroc devra faire le deuil de ce déficit budgétaire à 4% dans ce cas de figure. «Je rappelle que le déficit budgétaire a atteint les 7% en période de Covid, le Maroc a une dette soutenable inférieure à 100% du PIB, nous avons un État qui est debout, la collecte fiscale s’améliore... donc à mon avis on peut oublier le déficit budgétaire à 4% dans ce contexte précis. En 2023, on restera autour de 5 ou 6%, mais on reviendra à moins, on en est capable», note l’économiste.

Un PLF 2024 sérieux, citoyen et patriotique

Dans un contexte inflationniste, l’expert recommande de ne pas augmenter la pression fiscale pour muscler les recettes. «Nous vivons dans une période exceptionnelle, il faut laisser filer le déficit budgétaire de 1 ou 2 points et éviter d’augmenter la pression fiscale. Le projet de loi de Finances 2024 devra d’abord être sérieux, citoyen et patriotique», indique M. Youmni. Et de noter que le gouvernement devra certainement apporter des ajustements à la note de cadrage annoncée avant cette catastrophe, compte tenu également des prévisions économiques mondiales qui ne vont pas forcément dans le bon sens.

Quant à l’impact du séisme sur les prévisions de croissance, l’économiste affirme qu’il n’y a aucune corrélation entre le séisme et la croissance économique au Maroc. «Je peux vous certifier qu’il n’existe aucune corrélation entre les effets du séisme et la croissance économique de notre pays. Nous n’avons pas été touchés dans le cœur de nos métiers mondiaux, de notre production ou des emplois. Nous avons été touchés au cœur par les pertes de vies humaines. Le secteur le plus touché reste le tourisme, mais l’expérience a démontré qu’il s’agit d’un secteur résilient. Je pense que le Maroc rebondira», affirme l’invité de Rachid Hallaouy.

Une hausse du taux directeur, un «mauvais» signal pour les entreprises

À quelque chose malheur est bon ! Bien que ce drame ait provoqué un choc pour tous les Marocains, Abdelghani Youmni est l’un de ces économistes qui pensent que la gestion post-séisme peut booster la croissance. «Le Maroc pourrait gagner un demi-point de croissance du fait de la dynamique enclenchée par le programme de reconstruction. Je donne l’exemple du secteur immobilier qui va pouvoir repartir avec à la clé la création d’opportunités d’emplois et des bénéfices pour les entreprises immobilières, donc de la TVA pour l’État. Il faut aussi noter que ce chantier ne va pas durer que 4 ou 5 mois, il peut aller jusqu’à 18 mois, donc cette dynamique va durer», explique l’économiste.

Quant à l’impact du séisme sur la politique monétaire, notamment à la veille de la réunion du Conseil de Bank Al-Maghrib pour décider ou non de l’augmentation du taux directeur, M. Youmni estime qu’une hausse de ce dernier «serait un mauvais signal à donner pour les entreprises, notamment les promoteurs immobiliers».

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