Pendant le mois du Ramadan, certains patients cherchent à tout prix à pratiquer le jeûne même si leur état de santé ne le permet pas ou s’ils doivent recevoir des médicaments à des heures fixes de la journée. Ils procèdent ainsi à des aménagements d’horaires de prise de médicaments du jour vers la nuit sans recourir au médecin traitant. La pratique est très répandue, particulièrement dans les rangs des personnes âgées. Interpellé à ce sujet, Dr Tayeb Hamdi, médecin chercheur en politiques et systèmes de santé, alerte sur les dangers de cette pratique tout en précisant qu’il est déconseillé de changer quoi que ce soit dans un traitement médicamenteux, notamment sa posologie et son horaire sans l’autorisation du médecin traitant. D’ailleurs, note-t-il, c’est le médecin, et lui seul, qui peut juger et décider des changements à apporter au niveau du traitement.
«Il tient compte de plusieurs facteurs, notamment l’état de santé du patient, l’évolution de sa maladie, son âge et sa capacité à supporter le jeûne sans prise de médicament au courant de la journée ainsi que les éventuels risques en cas de changements», explique Dr Hamdi. Et d’ajouter qu’en général, le médecin écoute les doléances de son patient et cherche à lui faciliter le jeûne en modifiant les horaires de prise de médicaments, sauf s’il constate que les changements sont à risque. À ce titre, Dr Hamdi indique que des médicaments pris la nuit alors qu’ils l’étaient jusqu’alors pris au cours de la journée peuvent changer d’efficacité ou encore entraîner des effets néfastes pour l’état de santé des jeûneurs.
Ces incompatibles avec le jeûne«Pour certaines maladies chroniques comme le diabète de type 1, il est très difficile pour le médecin de procéder à des changements», indique Dr Hamdi. Et d’expliquer que les antidiabétiques comme l’insuline ne peuvent être administrés sans repas et c’est la raison pour laquelle on demande carrément au patient de s’abstenir de jeûner. «C’est le cas aussi quand le patient est soumis à des médicaments hormonaux. Le changement est impossible du fait que ce traitement dépend du cycle hormonal du corps humain», ajoute Dr Hamdi. L’expert indique que le changement est également difficile si le patient doit prendre des médicaments quatre ou cinq fois par jour ou quand les médicaments en question ont une marge thérapeutique étroite comme ceux prescrits pour le traitement des maladies cardiaques. «Le fait de répartir ces médicaments sur 8 h au lieu de 24 heures risque d’influer sur la maladie, d’où la décision du médecin de ne pas opter pour des changements», insiste Dr Hamdi. À cet égard, il tient à rappeler que «si le médecin juge qu’il est impossible de changer d’horaires de médicaments ou encore que le patient ne doit pas jeûner pour des raisons de santé, celui-ci doit s’abstenir de jeûner».Une précision de taille : Le changement d’horaires de prise de médicaments ne concerne que ceux qui sont pris par voie orale et, par conséquent, considérés comme incompatibles avec le jeûne. «Les médicaments injectables, les sous cutanés et les suppositoires sont compatibles avec le jeûne et les patients peuvent les recevoir à tout moment de la journée sans pour autant être obligés de s’abstenir de jeûner», explique Dr Hamdi. Il tient, toutefois, à préciser que les injectables restent compatibles du moment qu’il ne s’agit pas de fortifiants, de vitamines ou de dopants qui visent à contrecarrer les effets du jeûne comme la fatigue et l’asthénie. «Les aérosols administrés soit par le nez ou par la bouche restent aussi compatibles avec le jeûne. Il faut continuer à les prendre pendant la journée et le médecin ne procède généralement pas à des modifications dans ce sens», note-t-il.
Par ailleurs, Dr Hamdi met en garde contre les risques d’automédication pendant le mois du Ramadan. «Cette pratique est généralement transmise par l’expérience antérieure, mais se nourrit également des conseils de l’entourage au point que l’expérience des proches est susceptible de venir se substituer à la sienne», explique-t-il. Pour Dr Hamdi, cette pratique peut poser de réels problèmes de santé du fait que chacun de nous est différent et que seul le médecin peut décider si un tel ou tel médicament convient le mieux au patient. Autant dire que l’avis médical reste la seule et unique voie à emprunter pour éviter tout risque potentiel.