Dès le premier jour de Ramadan, le phénomène de la «tramdina» fait son apparition. Un homme qui tue sa femme et qui tente de se suicider, un autre qui met fin à la vie de son épouse et de son amie, sans parler des scènes de violence observées dans les rues et qui ont été largement partagées sur les réseaux sociaux. Certes, la «tramdina» ne date pas d’aujourd’hui, mais il faut reconnaître que le phénomène a pris un peu plus d’ampleur cette année compte tenu du contexte socio-économique que nous traversons marqué par l’impact de la crise sanitaire et la sécheresse. Effectivement, il suffit de se rendre aux petits et grands marchés de n’importe quelle ville du Royaume pour se rendre compte du degré de pression et de tension qui pèse aussi bien sur les vendeurs obligés de rester sous le soleil toute la journée dans l’espoir de vendre leurs marchandises que les clients en colère suite à la hausse des prix. De gros mots, des expressions obscènes ou encore des micro-conflits sont fréquents et leurs auteurs ne sont autres que les soi-disant jeûneurs.
C’est bien dommage de faire de tels constats, d’autant plus que c’est pendant ce mois sacré que l’on est censé développer de bonnes valeurs comme la patience et le pardon. L’occasion aussi de purifier son corps et d’apprendre à se contrôler dans une ambiance de spiritualité. De l’avis de Leila Naim, docteure en psychologie de comportement et coach professionnelle et relationnelle, «la “tramdina” est un phénomène qu’on observe particulièrement chaque début du Ramadan. Il est dû à un changement d’habitudes, notamment la perturbation du cycle du sommeil, l’absence d’excitants ainsi que les difficultés rencontrées dans la réalisation de certaines tâches». Du jour au lendemain, ajoute-t-elle, le corps se retrouve à court de tous les ingrédients nécessaires à son fonctionnement habituel, ce qui se traduit par des nerfs à fleur de peau.
L’experte confirme que cette année est relativement exceptionnelle du fait que l’environnement socio-économique que traverse le Maroc n’est pas facile, ce qui se répercute très négativement sur la psychologie des citoyens. «Les Marocains doivent faire face, non seulement aux répercussions de la crise sanitaire, mais aussi, et surtout à la hausse des prix due à la guerre en Ukraine», regrette-t-elle. En revanche, elle tient à préciser que ces explications, bien qu’elles soient légitimes, ne doivent pas être retenues comme prétexte pour les auteurs de la «tramdina». «La maîtrise de soi est d’ailleurs très requise pour atteindre l’objectif ultime du jeûne qui n’est autre que de s’approcher de Dieu», rappelle-t-elle.
Les réseaux sociaux, une arme à double tranchant…Avec l’avènement des technologies de l’information et de la communication, les actes de violence et de crime sont largement partagés sur les réseaux sociaux. Effectivement, face à une scène de violence, les gens se précipitent, non pas pour tenter de calmer les esprits, mais plutôt pour prendre une photo ou une vidéo susceptible de créer le buzz. À cet égard, Leila Naim tient à alerter sur l’impact de l’image violente sur le cerveau. «De nombreuses études ont été réalisées démontrant que le partage des images et des scènes de violence favorise ce que l’on appelle la normalisation avec la violence», explique-t-elle. Et d’ajouter que concrètement, l’individu qui s’expose fréquemment à un contenu de violence finit par considérer ce type d’actes comme étant normal et commence à perdre en termes d’empathie. À cela s’ajoute, précise l’experte, le fait que l’individu risque lui-même de devenir violent et avoir le comportement d’un pervers narcissique.«Le risque devient encore plus élevé quand il s’agit d’un enfant qui regarde ce type de scènes», alerte-t-elle. Pour pallier cette réalité, Leila Naim indique que les réseaux sociaux doivent être utilisés, non pas pour scandaliser des scènes, mais plutôt pour rappeler les bonnes pratiques à adopter durant ce mois sacré. «Les réseaux sociaux demeurent le moyen le plus facile et le plus efficace pour véhiculer de bons messages et il vaut mieux en profiter pour rappeler aux citoyens les bonnes pratiques, mais aussi, et surtout, les bonnes valeurs à apprendre comme le pardon», souligne-t-elle. L’experte estime que chacun de nous a un rôle à jouer dans ce sens, notamment en veillant au contenu qu’il partage. À côté de cela, Leila Naim recommande vivement la pratique du sport qui permet au cerveau d’assurer une régulation des émotions. «Avec le jeûne du Ramadan, on est privé courant la journée des aliments qui régulent les émotions. Un manque qu’on peut d’ailleurs combler via le sport», explique-t-elle.
Autre astuce et non des moindres : S’entourer dans la mesure du possible des personnes positives et éviter, coûte que coûte, de s’entourer des profils toxiques et pessimistes. «Qu’on le veuille ou non, nous sommes influencés par les idées des personnes qui nous entourent. On a beau y résister, mais si on rencontre chaque jour des profils qui ne voient que la moitié vide du verre, nous finissons par adopter leur vision et à l’encontre, si nous côtoyons des profils orientés solutions, nous serons plus zen quels que soient les obstacles», souligne-t-elle. À ce propos, Leila Naim appelle à rester optimiste en toutes circonstances et à être orientés solutions.
Aussi utopique que cela puisse paraître, si on n’a pas les moyens pour changer la réalité, on peut du moins modifier nos comportements.