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Pourquoi le Maroc séduit de plus en plus les investisseurs étrangers (Expert)

La stabilité politique, la jeunesse de la population, les coûts compétitifs de l'énergie renouvelable, les opportunités offertes par les Accords de libre-échange (ALE)... sont autant de facteurs qui font du Maroc une destination prisée des investissements étrangers.

Pourquoi le Maroc séduit de plus en plus les investisseurs étrangers (Expert)
Marouane Hatim.

L'un des principaux objectifs de la nouvelle Charte d'investissement est de renforcer l'attractivité du Royaume en tant que plateforme continentale et internationale pour les IDE. Lors de la première réunion de la Commission nationale des investissements, mise en place par ladite charte, il a été souligné le fort intérêt que de nombreux investisseurs étrangers ont montré à ce nouveau cadre juridique ainsi que leur volonté d'investir au Maroc. Parmi ces investisseurs, on retrouve des acteurs du Moyen-Orient, de l'Asie, et d'autres régions. Ces derniers ont choisi de faire des affaires dans le Royaume, soit dans le cadre de partenariats mixtes avec des entrepreneurs marocains, soit dans le cadre d'investissements directs. Mais qu’est ce qui les a poussés à jeter leur dévolu sur le marché marocain ?

Stabilité politique et sécurité : des priorités pour l’investissement étranger

Selon des membres de la Commission nationale des investissements, les investisseurs étrangers sont séduits par plusieurs éléments attractifs, au premier rang desquels viennent la stabilité et la sécurité dont jouit le Royaume. Il s’agit, selon nos interlocuteurs, de facteurs essentiels, résultat de la vision stratégique à long terme de Sa Majesté le Roi Mohammed VI. «C’est un des élément déterminants», expliquent-ils. Outre la stabilité et la sécurité, les responsables gouvernementaux soulignent un autre atout majeur dont jouit le Maroc, à savoir le principe de la continuité. Même en cas de changements au sein des équipes gouvernementales, la continuité est assurée, affirme notre source. Ce principe garantit une certaine cohérence dans les politiques et les initiatives, ce qui est considéré comme un avantage attractif qui rassure et donne de la visibilité aux investisseurs.

Jeunesse de la population : une main-d'œuvre formée et dynamique

Autre avantage compétitif très prisé par les investisseurs étrangers, la jeunesse de la population marocaine, ajoute notre interlocuteur. Le gouvernement a pour ambition de créer un million d'emplois d'ici 2026, ce qui est très encourageant pour les investisseurs. Avoir accès à une main-d'œuvre jeune et bien formée est crucial pour eux. Entre un Maroc qui présente une moyenne d'âge de 25 ans et une Europe avec une moyenne de 45 ans, le choix est vite fait, indique notre interlocuteur. Cette différence démographique constitue un facteur clé dans la décision des investisseurs étrangers. En soulignant d'autres aspects attractifs en matière d'investissement, les responsables consultés par «Le Matin» mentionnent l'avantage des énergies renouvelables disponibles à des coûts très compétitifs. «Le Maroc peut fournir de l'énergie à un coût six fois inférieur à celui de l'Europe. De plus, le Royaume est reconnu pour sa fiabilité et sa capacité à tenir ses engagements. Les réalisations dans des secteurs tels que l'automobile et l'aéronautique en sont des exemples concrets», affirment nos sources. Un autre avantage attractif mis en avant est «l'existence de champions nationaux tels que l'OCP et d'autres acteurs qui peuvent s’arrimer à ces champions du marché».

Les Accords de libre-échange : un marché de consommateurs élargi

Enfin, les responsables gouvernementaux interrogés sur les atouts attractifs du Maroc en matière d'investissement soulignent l’importance des Accords de libre-échange (ALE). Selon eux, les investisseurs perçoivent le Maroc comme un marché de consommateurs beaucoup plus vaste que la population marocaine, grâce aux opportunités offertes par les ALE. Cette perspective s'élargira encore davantage une fois que la Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf) sera opérationnelle. Cela ouvrira de nouvelles perspectives commerciales et économiques pour les investisseurs potentiels. Il est également important de rappeler que les dispositifs de soutien à l'investissement comprennent des primes qui sont communes à tous les investissements, ainsi que des primes spécifiques liées aux territoires et aux secteurs d'activité. Ces primes sont accordées aussi bien aux investisseurs nationaux qu'étrangers, offrant ainsi des incitations supplémentaires pour encourager l’installation des capitaux dans le Royaume.

Entretien avec Marouane Hatim, économiste et consultant financier : Voici comment tirer pleinement parti de la dynamique industrielle en cours

La première réunion de la Commission nationale des investissements tenue le 24 mai a approuvé 21 conventions et avenants pour une enveloppe globale de 76,7 milliards de DH. Elle marque une étape majeure dans la concrétisation de la Charte de l’investissement, notamment l’encouragement de l'initiative privée et la réduction des disparités territoriales. Marouane Hatim, économiste et consultant financier, décortique pour «Le Matin» les enjeux de ce «saut qualitatif et quantitatif» et ses implications pour le secteurs industriel. Pour cet expert, «l'industrialisation ne concerne pas uniquement le seul volet économique, mais elle doit englober les dimensions sociales, environnementales et culturelles».

Le Matin : Après la décision de la Commission nationale d'investissement, quelle lecture faites-vous des investissements approuvés ?
Marouane Hatim :
Après une première analyse de la décision de la Commission nationale d'investissement, force est de constater une réussite remarquable et un accomplissement record. En effet, il s'agit d'un montant considérable, 76 milliards de dirhams, soit l’équivalent à environ 6% du Produit intérieur brut du pays. Il est important de relever la portée et la signification de cette montée en force. Cela témoigne clairement de la volonté de dynamiser l'investissement, même si celui-ci est principalement soutenu par le secteur public. Il importe par ailleurs de souligner la prééminence des projets industriels. Environ 70% du montant total de ces investissements sont dédiés à l'industrie, ce qui est de nature à donner un sérieux coup de fouet au secteur. Il est crucial de placer l'industrie au centre du projet de société et de l'économie marocaine. Il ne s'agit pas simplement de réindustrialiser pour le plaisir de le faire, mais plutôt pour reconstruire l'économie de demain en se concentrant sur des thématiques spécifiques. Ces thématiques revêtent une grande importance pour l'avenir du pays.

Quel est le rôle de l'État et du secteur privé dans ces investissements ?
Même si nous disposons de peu de détails sur l'étendue précise de ces investissements, il semble évident que l'OCP joue un rôle majeur dans ce domaine. Cela signifie que l'État reste le moteur principal de ces investissements. Par conséquent, cela souligne la nécessité pour le secteur privé de prendre le relais. Il est essentiel que le secteur privé, en particulier les petites et moyennes entreprises marocaines, contribue à cet élan et à ce développement économique. Certes, nous ne disposons pas de données précises concernant la taille des entreprises impliquées dans ces projets, ni d'informations sur la dimension géographique de ceux-ci. Mais nous savons que 80% des incitations accordées par le biais de la Charte ont été consenties en dehors de l'axe Tanger-El Jadida. Cet axe est connu pour abriter un grand nombre d'entreprises et représente le poumon économique du pays.

Les détails géographiques précis de ces investissements ne sont pas encore disponibles. Cependant, il est important de noter que l'investissement privé joue un rôle significatif dans ces initiatives. Des capitaux marocains de plusieurs milliards de dirhams ont été investis, témoignant de l'engagement du secteur privé dans ces projets. Effectivement, il est important de souligner que les investissements réalisés jusqu'à présent sont principalement d'origine nationale, avec une participation significative des capitaux marocains. On observe une dynamique naissante qui pourrait poser les bases d'un environnement attractif pour les investissements étrangers à l'avenir. Il est à noter que la Commission a également examiné des projets d'investissement jugés stratégiques, ce qui laisse penser qu'il existe encore des opportunités pour le futur. Il y aurait donc encore du potentiel pour développer davantage ces initiatives à l'avenir pour construire un socle réceptif et attractif pour les capitaux étrangers dans le futur.

Il convient de souligner par ailleurs que cette dynamique qui s’enclenche est grandement attribuable à un facteur crucial : le développement progressif de l'infrastructure au cours des 10 à 15 dernières années. Cette infrastructure mise en place a préparé le terrain pour cette vague d'industrialisation. Nous pouvons notamment mentionner la construction de la voie ferrée et du TGV, ainsi que le développement des ports tant dans la région nord-méditerranéenne que dans la région sud-atlantique. Ces initiatives sont d'une importance capitale pour préparer le terrain à l'implantation d'industries et à l'essor de l'industrialisation.

Il faut dire toutefois que si les grandes entreprises jouent un rôle moteur, il est essentiel de transférer également l'action d'investissement vers les entreprises de taille plus modeste. Il est donc nécessaire que les moyennes et petites entreprises bénéficient de cet effort, et qu'elles puissent développer des écosystèmes favorables. Nous avons pu observer cela avec le modèle de Renault à Tanger, mais il est important que l'ensemble de ces écosystèmes contribuent à la création d'écosystèmes significatifs. Ainsi, ces investissements pourront apporter de la valeur à un environnement bien plus vaste, dans la mesure du possible.

Quelles sont les retombées concrètes de ces investissements en termes d'emplois, de technologie et de durabilité environnementale ?

Certes, des investissement de 76 milliards de dirhams sont hautement significatifs, mais il est essentiel de saisir la création de valeur qui en découle et d'avoir une vision claire de la croissance qu'ils généreront. Il est également crucial de connaître la nature des emplois créés. D’ores et déjà, on sait qu'il y aura la création de 4.700 emplois directs et d'environ 15.000 emplois indirects. Cependant, il est nécessaire de déterminer la nature précise de ces emplois et leur importance.
En plus des investissements financiers, il est également primordial de considérer l'apport technologique que ces initiatives pourraient engendrer. Nous constatons aujourd'hui que les guerres économiques se livrent sur le terrain l'intelligence artificielle et du big data par exemple. Il est donc pertinent de se demander si ces investissements dans l'industrie pourraient également contribuer à renforcer le capital technologique au Maroc. Une articulation entre les investissements et les avancées technologiques serait essentielle pour favoriser une croissance durable et compétitive dans le contexte économique actuel.

Par ailleurs, il ne faut pas perdre de vue que l'industrie et la décarbonisation sont désormais étroitement liées. Il est crucial de considérer l'impact climatique de ces initiatives industrielles. D’où la nécessité d'intégrer des éléments de durabilité environnementale dans ces projets. La Commission nationale d'investissement a probablement accordé une attention particulière à cet aspect. La sécheresse récurrente souligne l'urgence de prendre en compte les défis climatiques lors du développement industriel. Il est primordial aussi de promouvoir une industrialisation respectueuse de l'environnement, en minimisant les émissions de carbone, en favorisant l'utilisation d'énergies propres et en adoptant des pratiques durables pour préserver les ressources naturelles.

Quelle est la vision que portent ces investissements pour l'avenir du Maroc, pour son industrie et son positionnement international ?

Cette ré-industrialisation en cours au Maroc doit nous amener à réfléchir profondément à notre projet de société. L'industrialisation ne concerne pas seulement le développement économique, mais aussi les dimensions sociales, environnementales et culturelles de notre pays. C'est un projet de société qui façonne notre avenir collectif. Ce projet de société nous permet d'avoir une vision claire du Maroc de demain que nous nous employons à construire. Il s'agit d'un Maroc industrialisé et clairement positionné au niveau international. Nous constatons des avancées significatives dans des secteurs tels que l'industrie automobile qui monte en force ces dernières années. Le Maroc a su saisir cette opportunité et se positionner dans ce créneau. Cela témoigne de notre ambition de devenir un acteur compétitif et reconnu à l'échelle mondiale.

Ces avancées dans l'industrie automobile et dans d'autres secteurs stratégiques contribuent à renforcer notre positionnement international et à ouvrir de nouvelles perspectives pour le Maroc en tant que destination d'investissement attractif. Il est donc crucial de s'engager activement pour que ces projets d’investissement génèrent un maximum de valeur ajoutée pour le pays. La création d'emplois, la génération de richesse et le transfert technologique doivent être érigés en priorités. Il est également important de prendre en compte le territoire de manière équilibrée. La Commission, en incluant cette disposition dans la Charte d'investissement, a clairement reconnu l'importance de ne pas concentrer le développement industriel uniquement sur l'axe El Jadida-Tanger. Il est essentiel que les bénéfices de cette industrialisation soient répartis de manière équitable sur l'ensemble des régions du pays. Ici, le rôle de l'État est très important à travers ses politiques d'aménagement de territoire et fiscale. Cela permettrait de réduire les disparités régionales et de promouvoir un développement harmonieux et inclusif à travers le Maroc.

On peut considérer cela comme un excellent point de départ pour encourager cette dynamique d'investissement. Nous espérons que toutes les parties concernées en bénéficieront et que cela ne se limitera pas au secteur public. Il serait également souhaitable que le secteur privé prenne davantage d'initiatives dans cette direction. Il est important que l'ensemble du tissu économique contribue à cet effort, et pas seulement les grandes entreprises.

Lire aussi : Ce que l’on sait des premiers projets approuvés en Commission nationale des investissements

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