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Résolution hostile de députés européens : réflexion sur un non-événement (Hubert Seillan)

Résolution hostile de députés européens : réflexion sur un non-événement (Hubert Seillan)

Tribune de Hubert Seillan, avocat au Barreau de Paris, président de la Fondation France-Maroc, paix et développement durable

Le 20 janvier, le Parlement européen a voté une résolution non législative, très hostile au Maroc. Si l’événement n’a qu’une signification très relative, en raison de l’absence de tout caractère normatif de cette motion, il appelle une réflexion approfondie sur les précédents, le processus suivi et la matérialité des faits invoqués et sa portée internationale.

Les précédents

Il est important de souligner que cette résolution ne relève pas des traités mais d’un usage. En 1988, Simone Veil étant présidente, le Parlement créa le prix Sakharov, pour honorer Nelson Mandela, en même temps que le dissident soviétique Anatoli Martchenko. Depuis, les députés ont pris la liberté d’évaluer les pratiques démocratiques dans le monde.

Cette démarche, correspondant assez bien à l’esprit universel des Français, fut poursuivie en 1990 par le président Mitterrand, lors du 16e Sommet franco-africain de La Baule. Dans son discours, le président subordonna l’aide financière de la France à la qualité du système démocratique des pays. Inspiré par l’effondrement de l’URSS et du système communiste, il crut qu’il pouvait augurer du même phénomène en Afrique. Les flatteurs ont pu évoquer une «paristroïka». On rappellera que les effets de son discours ont été très contreproductifs. Ses invités lui ont reproché d’être une source de désordres et les oppositions y ont trouvé une légitimation de la violence. L’Afrique qui s’engageait dans la souveraineté n’attendait pas un discours normatif, mais un projet économique de développement.

La Baule, comme la résolution du 20 janvier, rappellent les périodes sombres des Congrès de Berlin et de Madrid qui, au siècle dernier, organisèrent le partage de l’Afrique. Le Roi du Maroc Hassan II ne s’y trompa pas, en qualifiant d’excessif le propos présidentiel. Nous faut-il rappeler, une nouvelle fois, que ce sont les progrès économiques et le développement durable qui permettent d’intégrer les valeurs démocratiques et les droits de l’Homme ? La motion votée par une légère majorité de députés exprime cependant cette même vision souverainiste dépassée de l’Europe sur l’Afrique. Le paradoxe sera souligné.

Le processus

Les soubassements partisans de la démarche ne retiendront pas notre attention en raison de la multitude des hypothèses qui pourraient être présentées. Seuls les faits comptent. Nous ferons observer en premier lieu que les gauches extrêmes ont massivement joint leurs voix aux écologistes et ont bénéficié de celles des députés français rangés sous la bannière du président Macron. Nous remarquons avec intérêt l’absence des socialistes.
Nous noterons aussi que cette motion hostile évoque essentiellement des données issues de l’association Reporters sans frontières (RSF). Française par son origine et par son équipe dirigeante, l’organisation dénonce régulièrement et, à juste titre, les atteintes portées à la liberté de la presse dans le monde. Dans l’actualité de ce début d’année sont ainsi mis en exergue les arrestations par les autorités algériennes du directeur de Radio M et Maghreb Émergent et du journaliste franco-afghan Mortaza Behboudi, en Afghanistan.

L’association ne limite cependant pas son activité à la dénonciation de tels types d’entraves directes à la liberté des journalistes, car elle publie chaque année un classement mondial des États. Vaste programme pourrait-on dire, tant la question de la liberté de la presse est complexe. Elle fait appel à des experts et à des indicateurs politiques, juridiques, économiques, socioculturels et de sécurité. Cette volonté d’une approche aussi globale, sans doute remarquable, doit toutefois être appréciée à l’aune d’une démarche de classement. Les données analysées ne peuvent être, à l’évidence, que générales et insuffisamment factuelles pour permettre une identification comparative chiffrée. Cette gageure ne décourage pas RSF. Sa bonne volonté la conduit ainsi à établir une échelle de 180 marches.
On peut admettre que ses analyses et évaluations sont trop peu scientifiques pour cet exercice. Mais comme la simplification facilite la communication, RSF dispose d’une audience peu commune. Pourtant, une bonne méthode appellerait à conclure par des préconisations d’amélioration. Celle-ci est sans doute trop exigeante.

Le Maroc est de ce fait, classé un rang après l’Algérie, alors que ses libertés publiques et privées croissent avec régularité et qu’il s’affirme comme le meilleur rempart contre le terrorisme islamiste. Mais le Maroc a toujours été dans le viseur des tiers-mondistes, représentés aujourd’hui par les votants de la résolution hostile. Il doit être coupable puisqu’il est le Maroc.
Bien que la motion ait sollicité les députés des 27 pays membres, cette initiative ultragauchiste a été conduite par quelques députés français. Le fait est établi et il n’étonne pas. Que le parti du président Macron lui ait apporté son appui illustre une fois de plus l’ambiguïté de l’actuelle politique française à l’égard du Maroc. Désormais, après ce vote, il est permis d’y voir un acte inamical, sinon hostile.

Le bilan

Reste la finalité de ce qui au plan international est un non-événement. La position du Maroc n’a jamais été aussi forte aux Nations unies sur la question du Sahara, à l’Union africaine, sur celle de la paix et du développement durable et en Europe en raison de la contribution déterminante du pays à la maîtrise de l’immigration. Dernièrement, l’Espagne a fait une juste appréciation des faits, en resserrant ses liens avec le Maroc. Elle a entrepris de réduire et de supprimer ses aides aux tenants du polisario installés chez elle. Ceux-ci quittent le pays pour rejoindre la France, le pays ami. Les Français commencent à comptabiliser les effets de cette politique. Il est urgent que la France se souvienne que dans les moments les plus dangereux de son histoire, en 14 et en 39, le Maroc tout entier s’est placé à l’appel de son Sultan aux côtés de la France.

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