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Sociétés régionales multiservices : pourquoi l’UMT dit non au projet de loi 83-21

Le Conseil de gouvernement, réuni jeudi dernier, a examiné et adopté le projet de loi 83-21 relatif aux sociétés régionales multiservices. À terme, ces sociétés seront les seuls opérateurs chargés de la gestion des services publics de distribution d'électricité, d'eau potable et d'assainissement liquide dans chaque région. La Fédération nationale de l'eau potable, affiliée à l'Union marocaine du travail (UMT), oppose toutefois son «niet» à ce projet, car elle y voit une tentative visant à privatiser ce secteur.

Sociétés régionales multiservices : pourquoi l’UMT dit non au projet de loi 83-21

La gestion des services publics de distribution d'électricité, d'eau potable et d'assainissement liquide sera assurée par des sociétés régionales multiservices (SRM). Celles-ci constitueront l'aboutissement de la réforme du système actuel, initiée le 29 juillet 2021 par la signature d'un mémorandum d'entente entre le ministère de l'Intérieur, le ministère de l'Économie et des finances, le ministère de l'Énergie, des mines, de l'eau et de l'environnement, d'une part, et l'Office national de l'électricité et de l'eau potable (ONEE), d'autre part. L'objectif de cette réforme étant de pallier les problèmes posés par la multiplicité des acteurs impliqués dans la gestion de ces services (délégataires, régies, ONEE, communes et associations dans certaines zones).

Les contrats des délégataires Lydec, Redal et Amendis, pour ne citer qu'eux, arriveront à échéance en 2026-2027 et ne seront donc pas renouvelés. Le projet de loi 83-21 relatif aux SRM «vient répondre à un ensemble de contraintes dont pâtit le secteur de distribution de l’eau potable, de l’électricité et de l’assainissement liquide, qui l’empêchent de satisfaire les demandes croissantes, notamment celles liées au système de gestion de ces services et les ressources limitées disponibles pour réaliser les investissements nécessaires, outre le chevauchement des champs d’intervention des différentes instances assurant la gestion de ces services», avait expliqué le ministre chargé des Relations avec le Parlement, porte-parole du gouvernement, Mustapha Baïtas, lors d’un point de presse à l’issue du Conseil.

Ce projet de loi vise aussi à assurer un cadre de gestion approprié permettant de garantir l’efficience des investissements publics, la complémentarité entre les circuits de distribution ainsi que la coordination entre les différents intervenants, avait ajouté M. Baïtas. Pour la situation de l’ONEE après l’adoption de ce projet de loi, le ministre avait indiqué que l’Office allait conserver ses missions primordiales dans la perspective de la transition vers la gestion déléguée via ces sociétés.

Pourquoi le syndicat le plus représentatif du secteur de l’eau potable s'oppose à la cessation des services de distribution prestés par l'ONEE ?

La Fédération nationale de l’eau potable, affiliée à l’UMT (FNEP-UMT), ne cautionne pas cette transition vers les SRM. Dans un long communiqué publié le 27 janvier, le syndicat affirme que la création de ces sociétés ne serait que le prélude à la privatisation des services publics de distribution, notamment celui de l'eau potable. Dans son communiqué, la Fédération indique que malgré les bonnes performances de l'ONEE en matière de distribution d'eau potable et d'assainissement liquide, qui lui ont permis de gagner la confiance des bailleurs de fonds internationaux et de gérer ce service de distribution d'eau potable dans plusieurs pays africains, l’État a soumis cet Office à des contraintes qui l'ont impacté négativement, comme le non-paiement de la TVA ou les arriérés de consommation des administrations publiques, de même que les contributions de l'ONEE aux communes pour le financement des projets communs d'eau potable et d'assainissement liquide. L'autre cause invoquée par la FNEP-UMT dans son communiqué est le gel du coût du mètre cube d'eau, lequel ne suffit même pas actuellement à couvrir les coûts de production et de distribution.

Contacté par «Le Matin», le vice-président de la FNEP-UMT, Abdelaziz Laâchir, a déclaré que ce projet de loi 83-21 ouvre la voie à une marchandisation de l'eau, porteuse de risques et d'impacts sur le respect des droits de l'Homme à l'eau potable et à l'assainissement. M. Laâchir indique que ce projet de loi, élaboré sous la supervision du ministère de l'Intérieur, n'a pas été soumis au débat public et n'a pas fait l'objet d'une concertation avec les partenaires sociaux, au premier rang desquels la FNEP-UMT, syndicat le plus représentatif du secteur de l'eau potable, malgré les promesses faites par le gouverneur directeur des réseaux publics de distribution lors de la réunion du 10 décembre 2021.

Et le responsable syndical de souligner que lors de précédentes réunions, les responsables du ministère de l'Intérieur évoquaient l'ouverture du capital de ces SRM au secteur privé, sans pour autant que la contribution de l’État soit dans tous les cas inférieure à 70%. Dans ce cas, nous explique M. Laâchir, le secteur privé aura droit à des dividendes, mais ne sera aucunement impliqué dans la gestion du service de distribution d'eau potable. «Toutefois, nous avons été surpris que l'article 3 du texte approuvé jeudi dernier par le Conseil de gouvernement réduise à 10% le taux de participation de l’État, ce qui ouvre la voie à une privatisation des services publics de distribution», souligne le syndicaliste.
 

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