La Fédération nationale de l'eau potable (affiliée à l'UMT) et le Syndicat national des employés de l'ONEE-Branche Eau (affilié à la CDT) se mobilisent contre le projet de loi n°83-21 relatif aux sociétés régionales multiservices. Conçu pour assurer un cadre de gestion approprié permettant de garantir l’efficience des investissements publics, la complémentarité entre les circuits de distribution ainsi que la coordination entre les différents intervenants, selon le gouvernement, ce projet de loi est présenté comme étant l'aboutissement de la réforme du système actuel de gestion des services publics de distribution d'électricité, d'eau potable et d'assainissement liquide, initiée le 29 juillet 2021 par la signature d'un mémorandum d'entente entre le ministère de l'Intérieur, le ministère de l'Économie et des finances, le ministère de l'Énergie, des mines, de l'eau et de l'environnement, d'une part, et l'Office national de l'électricité et de l'eau potable (ONEE), d'autre part. Seulement, les deux syndicats ne l'entendent pas de cette oreille.
Pourquoi l'UMT et la CDT s'opposent au projet de loi sur sociétés régionales multiservices
Dans un communiqué conjoint parvenu au «Matin», les syndicats affiliés à l'UMT et à la CDT estiment que ce projet de loi aura pour conséquence de faire de l'eau une marchandise comme une autre, et se répercutera négativement sur les citoyens et les employés de l’ONEE, du fait qu'il a été élaboré «à la hâte et n'a pas fait l'objet de consultations avec les protagonistes sociaux». Toute étude approfondie menée dans l’objectif de restructurer les secteurs de distribution de l'eau potable, de l'électricité et de l'assainissement liquide devrait, d'après les deux syndicats, répondre aux points suivants :
• Le sort des dettes accumulées par l'Office, au titre des crédits qui lui ont été accordés pour la réalisation de projets.
• Le retard dans la perception des contributions des collectivités locales pour la réalisation des projets d'assainissement liquide et de raccordement au réseau d'eau potable.• Les arriérés d'exploitation des sociétés délégataires qui se montent à 9 milliards de dirhams à fin 2022.• Les créances de l'Office sur les établissements et administrations publics et sur les régies de distribution.• La résolution du dossier TVA sur les ventes ayant infligé des pertes importantes à l'Office.• Le règlement des problèmes des employés du secteur repris dans les cahiers revendicatifs des syndicats.• Les garanties nécessaires pour préserver les acquis des employés et assurer leur avenir en termes professionnel, administratif, salarial et social.C'est pourquoi les deux syndicats soutiennent que «ce projet de loi n'est pas suffisamment abouti et ne peut être transposé sur le terrain, et appellent tous les acteurs et protagonistes sociaux à former un front national, réunissant également les partis politiques et les associations de la société civile, pour la sauvegarde de l'Office de ces mesures visant sa liquidation». Ils appellent également à une série d'actions de protestation, à commencer par une grève nationale de trois jours les 17, 18 et 19 avril, accompagnée d'un sit-in devant le Parlement le 18 avril, et qui sera suivie de deux autres grèves nationales, respectivement le 12 mai, accompagnée d'un sit-in devant la direction régionale de l'ONEE à Oujda, et le 26 mai, accompagnée d'un sit-in devant la direction régionale à Agadir.Distribution d'électricité, d'eau potable : le secteur privé face au défi de réussir la gestion de ces services
Contacté par «Le Matin», le vice-président de la FNEP-UMT, Abdelaziz Laâchir, affirme que ce projet de loi est de nature à «laminer l'ONEE» et à lui ôter une part importante de ses missions, alors que cet Office a démontré, et de l'avis de tous, une grande capacité à relever les défis tant au niveau national qu'africain et même international. «Toute tentative de modernisation ou de restructuration de l'Office n'aboutira pas si elle a lieu en dehors de celui-ci», dit M. Laâchir, rappelant que la Cour des comptes avait fait état de l'échec du secteur privé en matière de gestion des services publics de distribution d'électricité, d'eau potable et d'assainissement liquide, étant donné à la fois le faible niveau des organes de suivi, du fait du manque de personnel spécialisé et qualifié au niveau des collectivités territoriales, l'absence d'études directrices servant de base à toute contractualisation et le non-respect des engagements pris par les sociétés délégataires.
Et le vice-président de la FNEP-UMT de souligner que ce projet de loi va à l'encontre des lois n°54-05 relative à la gestion déléguée des services publics, n°86-12 relative aux contrats de partenariat public-privé et la loi organique n°113-14 sur les communes. «Toutes ces lois, bien qu'elles autorisent la délégation au secteur privé, ne lui ouvrent pas la voie à une participation au capital», note M. Laâchir. «Or le projet de loi n°83-21 ouvre le capital de ces sociétés régionales multiservices que l'on projette de créer au secteur privé, et dispose que la participation de l'État ne peut être inférieure à 10%, alors qu'il était question de 70% au départ», fait observer le syndicaliste, ajoutant que «pire encore, l'article 5 de ce projet de loi autorise ces SRM à déléguer la gestion d'un service par entente directe, ce qui rompt avec le principe de la concurrence». Aussi, relève M. Laâchir, les collectivités locales seront en mesure, en vertu de ce projet de loi, de saisir l'actif de l'ONEE pour zéro dirhams. Mais qu'en est-il du passif ? et qui s'acquittera alors des emprunts contractés par l'Office ? s'interroge-t-il.
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