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Le coaching au Maroc, quelle réalité ?

Au Maroc, comme ailleurs, le coaching est une tendance qui prend de l'ampleur. Par définition, le coaching est une relation d’aide entre un coach et un coaché pour atteindre un objectif précis dans une durée déterminée. Mais cette discipline, bien quétant prometteuse, commence à perdre en termes de crédibilité, en raison du vide juridique et organisationnel. Ce qui ouvre la voie aux amateurs, aux arnaqueurs et donne lieu à des expériences malheureuses. «Éco-Emploi» a enquêté sur le sujet.

Le coaching est une discipline en pleine expansion au Maroc. Nombreux sont ceux qui font appel aux services d’un coach pour atteindre leurs objectifs personnels et professionnels. La pratique intéresse aussi les chefs d’entreprises qui y voient le moyen de motiver leurs collaborateurs pour plus de performance et d’efficacité. Bien qu’elle soit prometteuse, la pratique reste entourée d’un vide juridique au Maroc, chose qui a poussé des personnes non formées à s'y 

lancer. Ils se vendent en tant que coachs, mais en réalité ils font de la formation, du consulting ou même de la psychologie. En conséquence, d’une part, le métier perd de sa crédibilité et, d’autre part, le client bénéficie d’une prestation qui n’a rien à voir avec le coaching. En quoi consiste donc le coaching ? Quelles sont les compétences que devrait avoir un coach ? Sur quelle base les coachs définissent-ils leurs tarifs souvent jugés exagérés ? Qu’en est-il par rapport à la réglementation du métier ? Les réponses à ces questions sont encore plus difficiles que de cerner la problématique et l’évolution du métier au Maroc.

Définissons tout d’abord ce qu’est le coaching. Les spécialistes s’accordent à le définir comme un type d’accompagnement qui vise à aider le coaché à atteindre un objectif bien précis, dans une durée déterminée et avec ses propres moyens. Autrement dit, «permettre au client de passer d’un plan A à un plan B, c'est-à-dire passer d’une situation de l'état présent qui ne lui convient pas à une situation future qui lui convienne plus», explique, Fatimzahra Mziouad Bennis Layadi, consultante et Business Coach, DG. Et d’ajouter que ce type d’accompagnement est souvent confondu avec d’autres disciplines telles que la formation, le consulting ou encore la psychothérapie. Il faut souligner dans ce sens que le coach ne donne ni formation, ni conseil à son client. Il l’aide à «savoir ce qu’il veut atteindre comme objectif, à identifier ses points de blocage puis à trouver ses propres solutions», clarifie, Fatimzahra Mziouad Bennis Layadi. Mieux encore, le coach doit aider son client à prendre ses décisions sans l’influencer ni le juger. Un défi qui n’est pas toujours évident. Pour le relever, le coach doit avoir certaines compétences, notamment l’écoute active et l’art du questionnement. Il doit également utiliser tous les outils issus notamment de la programmation neurolinguistique (PNL), l’analyse transactionnelle (AT) ou encore l’hypnose éricksonienne. Il est aussi tenu de s’inscrire dans une démarche de formation continue et de développement des compétences. Autre point important pour réussir dans ce métier : La supervision. En effet, être supervisé permet au coach de développer ses compétences professionnelles et personnelles et d’améliorer les techniques d’intervention employées, en prenant du recul et en menant constamment une réflexion sur son implication et sur sa déontologie. C’est une obligation professionnelle du métier dans la mesure où «ceux qui font l’impasse sur la supervision vont aller dans un ongle mort», explique Mouhssine Ayouche, coach professionnel certifié ICF et fondateur de BMH Coach. Et d’ajouter que la supervision est un espace où le coach va éclairer ses ongles morts. Avec l’aide d’un superviseur formé et encore plus expérimenté, le coach va se remettre en cause en tant que personne praticienne d’un métier très spécifique qui est celui de la relation d’aide.

La réglementation du métier, une urgence

Vous l’avez certainement compris, le coaching est une relation d’aide très pertinente qui permet au client d’atteindre son objectif avec ses propres moyens, sans être influencé, ni jugé par le coach. Toutefois, il y a lieu d’entamer la question du vide juridique qui a permis aux amateurs de faire leur entrée sur le marché. En effet, «le vide juridique ouvre la voie aux charlatans, à l’arnaque et à des expériences très malheureuses», tient à souligner Imane Hadouche, consultante RH, coach et formatrice. Et d’ajouter que le vide juridique fait que non seulement le coach n’est pas protégé, mais c’est aussi le client final qui ne l’est pas. D’ailleurs, «c’est très dangereux pour le client d’aller ouvrir son cœur et de raconter sa vie privée devant une personne qui n’a pas de déontologie et qui n’a pas été formée pour cela», clarifie Imane Hadouche. Pour avoir plus d’informations sur ce sujet, nous avons contacté ICF Maroc (International Coaching Federation), une organisation à but non lucratif qui agit selon les normes internationales. Pour son vice-président, Mustapha Faik, qui est aussi coach professionnel, «le coaching est un métier relativement jeune, et qui dit réglementer le métier, dit quelque part le freiner». Et de poursuivre : «Au niveau du bureau d’ICF, nous ne sommes pas dans l’approche de réglementation du métier, nous sommes plutôt dans le premier stade de la normalisation qui a pour objectif de protéger le client, notamment au niveau de la qualité du coaching, du tarif et du marché», explique l’intervenant. Et d’ajouter qu’ICF Maroc évoluera petit à petit vers l’approche basée plutôt sur une autorégulation ou une régulation du métier par ses pairs. «Un métier ne peut être mieux régulé que par ses pairs», souligne-t-il. Même son de cloche pour Tijania Birouk-Thépegnier, coach professionnelle certifiée, enseignante universitaire et présidente d’ICF Maroc. Elle nous apprend que l’association a pris contact avec deux ministères marocains. «Nous avons pris contact avec le ministère de la Fonction publique pour expliquer les apports et les spécificités du métier, notamment dans les appels d’offres de l’administration publique. Le ministère nous a demandé de fournir un cahier de charges et on est en train de le préparer», explique l’intervenante. L’association a également pris contact avec le ministère de l’Emploi pour la reconnaissance du coaching en tant que métier à part entière. Les initiatives sont intéressantes certes, mais des efforts doivent être menés pour sensibiliser le coach afin qu’il devienne lui-même capable de juger qui est le bon coach et qui ne l’est pas. Force est de conclure que la démarche du coaching basée sur le questionnement est très prometteuse. Certes, le métier n’est pas réglementé au Maroc, mais le client doit être capable aujourd’hui de faire la différence entre le coach professionnel et celui qui ne l’est pas avant de payer une prestation, souvent jugée chère. 


Déclarations

Imane Hadouche consultante RH, coach et formatrice

«La définition du coaching au Maroc va être difficile du fait que c’est devenu une notion floue. Tout le monde s’autoproclame coach alors que beaucoup n’ont pas suivi la formation ou alors ils ont suivi des mini-modules de 48 heures et ils pensent que c’est suffisant. La réalité du coaching est triste malheureusement. D’une part, les gens du métier ne respectent pas tous la déontologie du coach et, d’autre part, des gens ne sont pas formés et décident de devenir coachs. Je pense aussi que le vide juridique ouvre la voie aux amateurs, aux arnaqueurs et donne lieu à  des expériences très malheureuses. C’est très dangereux quand même d’aller ouvrir son cœur et de raconter sa vie privée devant une personne qui n’a pas de déontologie et qui n’a pas été formée pour cela. Le vide juridique fait que non seulement le coach n’est pas protégé, mais aussi le client final. Concernant la réglementation du métier, je pense que ce qui manque, ce n’est pas un texte de loi ou une proposition de loi, mais plutôt le champ d’application de cette loi. Si on veut vraiment cadrer le métier et protéger le client final surtout, ce serait bien d’établir certaines règles et tout au début un contrat qui régule la relation entre le coach et le client avec les engagements et les responsabilités de l’un et de l’autre, écrits clairement sur un contrat type qui passerait dans ce projet de loi et je pense qu’à partir de là, on

éviterait beaucoup de drames». 

Karima Rihani, psychosociologue et coach de performance en entreprise

 «Ce qui est important dans une relation de coaching c’est de définir l’objectif à atteindre et de voir où le coaché souhaite arriver. En effet, le coaching se différencie des autres types d’accompagnement par le fait que le coach ne doit pas influencer les décisions du client, ne doit pas le conseiller et ne doit pas le juger. D’ailleurs, dans le coaching, on est dans l’art du questionnement et le coach doit utiliser des outils qui permettent au coaché d’identifier son objectif. C’est dire que c’est le coaché qui fait tout le travail, en étant accompagné par un coach. Il faut aussi souligner dans ce sens que le coach n’est pas un médecin et ne peut pas l’être dans la mesure où il n’a pas le parcours adéquat. Il n’est pas non plus psychosociologue puisqu’il n’est pas dans l’étude des attitudes et des comportements des gens dans la société. C’est quelqu’un qui a des compétences et une formation pour accompagner un client. Il faut donc absolument garder son champ de coach et ne pas piétiner sur les autres champs et surtout apprendre à orienter vers le spécialiste quand il le faut. Rappelons que dans le métier de coaching, il faut agir dans l’intégrité. Je tiens aussi à souligner qu’un séminaire de deux ou de trois jours ne fait pas de nous un coach et qu’il faut aussi faire un travail sur soi avant de penser aux autres». 

Fatimzahra Mziouad Bennis Layadi, consultante et Business Coach

«Le coaching est un accompagnement qui permet au client de passer d’un plan A à un plan B, c'est-à-dire passer d’une situation à l'état présent qui ne lui convient pas à une situation future qui lui convient plus. Dans cette démarche, le coach va aider le coaché à savoir ce qu’il veut atteindre, à identifier ses points de blocages puis à trouver ses propres solutions, à son rythme et en fonction de ce qu’il a comme moyens. Il convient de souligner que le coaching n’est pas de la formation, n’est pas du consulting et n’est pas de la psychothérapie. Pour réussir dans ce métier, il faut que des compétences personnelles soient réunies et que la personne soit outillée. Il faut aussi avoir une certaine maturité dans la vie et savoir vers quel débouché on veut aller. À titre d’exemple, une personne de 25 ans souhaite coacher une personne de 40 ans, cette dernière ne va pas forcément lui faire confiance, alors que la confiance est l’élément numéro 1 du succès d’un processus de coaching. Par contre, un jeune qui est bien formé et qui a aussi de l’expérience terrain en termes de coaching et d’accompagnement peut aller vers les jeunes pour les accompagner parce qu’il les comprend et qu’il est bien outillé. J’aimerais bien souligner qu’on ne peut pas être bon coach en tout, à la fois business coach, life coach, coach sportif, etc. À un certain moment, le coach doit savoir se spécialiser et maitriser son domaine de compétences. Le but étant de développer ses compétences, de se différencier et surtout d'être crédible, car dans notre métier, ce qui manque c’est la crédibilité». 

Amal Hihi, coach PCC experte en rayonnement professionnel DG Shine Consulting Group

«Pour bien exercer son métier, un coach est censé s’inscrire dans une démarche d’excellence, de formation et d’apprentissage continus, et c’est ce que promet ICF. En effet, un coach certifié ICF est un coach qui appartient à une communauté internationale, rappelons que ICF est la première organisation mondiale de coach qui existe dans plus de 135 pays et regroupe plus de 30.000 coachs dans le monde. Elle permet aussi au coach de s’inscrire dans cette démarche d’excellence et de perfectionnement continus pour permettre au coach d'accompagner le développement du capital humain. Je souligne aussi qu’un coach ICF est soumis aux dispositions d'un code éthique et déontologique qui régit le métier du coach. Je tiens aussi à préciser que la certification ICF est liée à un programme de formation, à un accompagnement à travers un mentorat et aussi à un nombre d’heures d’exercices. En effet, ICF a défini que pour pouvoir être un coach professionnel certifié, il faut prouver que le coach a suivi un programme de formation incluant les 11 compétences exigées par ICF et qu'il a pratiqué un minimum de 100 heures de coaching. Sachant qu’il y a trois niveaux de certification. D’abord, le premier niveau qui s’appelle ACC (Accridited coach certified), à partir de 100 heures d’exercice. Ensuite, le deuxième niveau est celui du PCC (Professional certified coach) et on peut l’avoir à partir 

de 500 heures de coaching. Le troisième niveau est celui du MCC (Master Certified Coach), à partir de 3.000 heures de coaching.» 

Malgorzata Saadani, coach international ICC

«La déontologie figure au cœur du métier du coaching parce qu’elle définit la posture du coach. Adhérer à cette charte déontologique d’une manière formelle est l’une des conditions de la certification des coachs, à côté de son parcours professionnel, de son expérience et de sa compétence technique. Cette charte déontologique rédigée en quelques articles figure, notamment, en annexe du contrat de coaching. Cette contractualisation d’une relation de coaching est d’ailleurs recommandée par les standards déontologiques. Au sein de cette charte déontologique, nous trouvons plusieurs chapitres qui se réfèrent, entre autres, aux compétences du coach, aux engagements et aux valeurs. Il y a aussi les clauses de confidentialité les plus strictes, concernant aussi bien le contenu des séances que les données du client et toute information dont on pourrait avoir connaissance pendant le processus de coaching. Bien évidemment, la charte déontologique écrite est une chose, mais son application dans la pratique en est une autre. En effet, il n’y a pas vraiment les moyens de vérifier et d’avoir une garantie à 100% de l’application de tous ces articles dans la pratique, mais c’est la vie et c’est la pratique qui va prouver qui est coach et qui l’est peut-être un peu moins».

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