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Plaidoyer pour la révision de Code de la famille

La femme marocaine s’est engagée, depuis plusieurs années, dans un long combat afin de garantir une parité effective et permanente avec l’homme. En dépit des acquis et des avancées réalisées, on constate que la femme marocaine, notamment en tant que mère, souffre toujours d’injustice.

Plaidoyer pour la révision de Code de la famille

Le Maroc célèbre, le 10 octobre de chaque année, la Journée nationale de la femme. Il s’agit d’une occasion privilégiée pour mettre l’accent sur les réalisations en matière d’égalité des genres, mais aussi de rappeler les défis à relever. Cette date clé nous rappelle également l’adoption du Code de la famille qui fête ses 15 ans cette année. Ce texte, qui a été considéré à l’époque comme une révolution et qui a permis de débloquer la situation des femmes, ne répond malheureusement plus à tous leurs besoins et entrave leurs vies quotidiennes, notamment en tant que mères. En effet, on ne peut parler des droits des femmes sans évoquer ceux des mamans. Et celles-ci n’arrivent malheureusement pas à profiter pleinement de leur rôle de mère puisque le Code de la famille accorde le droit de tuteur légal et de représentant légal exclusivement au père. L’article 231 stipule que la représentation légale des mineurs est assurée par le père et ne peut être assurée par la mère qu’après le décès du père ou par suite de la perte de la capacité de ce dernier. De même, selon l’article 236 de la Moudawana, le père est de droit le tuteur légal de ses enfants, tant qu’il n’a pas été déchu de cette tutelle par un jugement. Ces textes privent malheureusement les mères marocaines de plusieurs droits et les mettent à vie à la merci de leurs époux ou ex-époux, surtout en cas de mésentente. «Nous sommes dans une société patriarcale qui donne le pouvoir au père dans la famille. Or, la femme marocaine aujourd’hui est une femme active tout comme l’homme et il est inadmissible qu’il y existe encore des lois qui soient en faveur de l’un au détriment de l’autre. Malheureusement, le Code la famille marocain confirme l’autorité du père et met la femme et surtout la mère dans une situation où elle a les mains complètement liées», déplore Khadija El Amrani, avocate et présidente fondatrice de l’association W-Lady.

De son côté, Nouzha Skalli, militante de la cause des femmes et ancienne ministre du Développement social, de la famille et de la solidarité, appelle à l’élimination de toutes formes de discriminations en matière de tutelle légale sur les enfants du Code de la famille. «Parmi les finalités de la réforme du Code de la famille, figure l’intérêt supérieur de l’enfant et on sait que l’intérêt supérieur de l’enfant est lié aux droits des femmes en tant que mères. Il est totalement injuste et discriminatoire que la tutelle légale soit une prérogative exclusive du père au détriment de la mère. Ainsi, la mère est considérée comme un parent de seconde zone et n’a pas le droit de prendre des décisions sur la vie des enfants dont elle a la garde, alors que nous connaissons tous la force de l’amour maternel et les sacrifices consentis par les femmes en faveur de leurs enfants», souligne Skalli. Et d’ajouter : «Il est scandaleux que les femmes divorcées qui se remarient perdent la garde de leurs enfants âgés de plus de 7 ans, alors que les pères remariés ne perdent pas la garde et cumulent les pleins pouvoirs de garde et de tutelle en spoliant totalement les mamans de tout droit à la parole sur la vie et l’avenir de leurs enfants ! C’est dramatique, injuste et inhumain !» 

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Tout tourne autour du papa dans le monde des assurances

Les mamans marocaines ne peuvent pas choisir de rattacher leurs enfants à leurs organismes d’assurance maladie. Bien que ces femmes cotisent durant toute leur vie active auprès d’une assurance, elles doivent apporter un jugement de divorce ou une attestation de non-affiliation à la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) du papa pour se faire rembourser les frais médicaux de leurs petits. Et pour avoir ce document vital, il faut une attestation de chômage du papa, ce qui n’est pas toujours facile à obtenir, notamment quand le père est aux abonnés absents. Même constat pour la CNSS. La maman divorcée doit prouver que le papa ne travaille pas pour se faire rembourser les soins médicaux et toucher l’allocation familiale. Les femmes mariées à des étrangers issus de pays qui n’ont pas de partenariat avec le Maroc, comme l’Italie, n’ont pas non plus accès à ces droits que les mamans «croyaient acquis». Contactées à ce sujet, plusieurs Marocaines ont déclaré que «dans le cadre de l’égalité homme-femme, les mamans doivent avoir le choix de rattacher les enfants à leur assurance ou celle du papa».

Discrimination bancaire

Des mamans marocaines ressentent de la discrimination par rapport aux lois réglementant le secteur bancaire. À titre d’exemple, il faut une autorisation du papa pour que la maman puisse faire un compte épargne au nom de son enfant, sauf quelques rares exceptions. Qu’elle soit mariée ou divorcée, qu’elle ait la garde ou pas, le père, en tant que tuteur légal des enfants, a toute l’autorité sur ce compte que la maman a alimenté et peut en disposer quand il veut.

Des administrations publiques ne reconnaissent que la présence masculine

Les femmes marocaines se retrouvent souvent à la merci de certains responsables qui peuvent être très machistes. À titre d’exemple, une maman nous raconte qu’on lui a refusé l’accès de son fils à la clinique pour circoncision sans l’aval du papa qui doit signer une décharge de non-responsabilité et renonciation de droit de poursuite. Une scène semblable se déroule dans une école publique où le directeur refuse de donner le certificat de départ d’un élève à sa maman. Le responsable pédagogique a exigé la présence d’un papa qui a disparu depuis des années du domicile conjugal. Récemment dans un arrondissement à la commune de Sidi Othmane, une Marocaine s’est vu refuser l’octroi de son propre acte de naissance sans la présence de son mari ou son fils. Cet incident dévoilé et déploré par la journaliste et militante Mina Houjib a attisé la colère de plusieurs citoyens. On se demande comment on peut faire preuve d’un tel machisme avec la présence de la Constitution de 2011, du nouveau Code de la famille et des conventions des droits de l’Homme ratifiées par le Maroc.

 

Dossier réalisé par Nadia Ouiddar et Hajjar  El Haiti

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