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Accord gouvernement-personnel de la Santé publique : le diable est dans les détails

L’offre faite par le gouvernement aux quelque 70.000 professionnels du personnel paramédical, et qui devrait coûter près de 5 milliards de dirhams par an, est de nature à améliorer l’offre de soins. L’épidémiologiste et spécialiste en maladies infectieuses et également économiste de la santé, Pr Jaâfar Heikel, estime que cette augmentation de salaire suppose une adéquation entre celle-ci et la qualité du service rendu en termes de qualité, de proximité et de célérité. Toutefois, l’invité de l’Info en Face souligne que le gouvernement devrait faire des arbitrages intelligents concernant les demandes des syndicats d’appliquer les augmentations prévues en une seule fois sans échelonnement, voire de manière rétroactive. Une crainte que corrobore le communiqué du Syndicat national de la santé rendu public jeudi dernier.

L’augmentation des salaires du personnel paramédical, qui se compose entre autres d’infirmiers, infirmiers auxiliaires, aide-soignants, techniciens de santé, administrateurs, etc., contribuera sans aucun doute à l’amélioration de l’offre de soins, qui dépend en plus des ressources humaines, des infrastructures de santé et des ressources matérielles. Le professeur Heikel a la conviction que «ces trois piliers de l’offre de soins sont à mettre en cohérence pour que les citoyens puissent y accéder dans les meilleures conditions, car au final, l’important n’est pas d’avoir un régime d’assurance maladie obligatoire ou que les Ramedistes passent à l’AMO Tadamone, mais d’avoir des services de santé avec une gouvernance optimale du système pour répondre aux besoins en soins de chaque région».

Le taux d’augmentation par rapport au salaire de base est important

Cette revalorisation salariale, dont le pourcentage par rapport au salaire de base est significatif pour les infirmiers (car aujourd’hui, nous avons des infirmiers de niveau bac+3 qui perçoivent 3.500 dirhams par mois), les administrateurs, les aide-soignants et l’ensemble du personnel paramédical, est, selon Pr Heikel, importante pour le système de santé, car, outre les médecins bien sûr, toutes les autres professions du système de santé ont un rôle primordial et cette revalorisation est importante pour leur permettre d’accomplir convenablement les missions qui leur incombent. Le spécialiste en économie de la santé insiste toutefois sur le fait que cette augmentation, attendue depuis des années et tout à fait justifiée, doit s’accompagner de l’évaluation nécessaire pour assurer des prestations de qualité pour la population. «Et c’est cette adéquation qu’il faut faire, tant dans l’éducation que dans la santé», affirme-t-il.

Le gouvernement aura à faire des arbitrages intelligents

Par ailleurs, M. Heikel, qui a tenu à préciser que les revendications des syndicats représentatifs des professions paramédicales n’étaient pas intervenues à la suite de celles des syndicats du secteur de l’éducation nationale mais qu’elles remontaient à bien des années, a souligné que le gouvernement devrait faire des arbitrages intelligents concernant les demandes de ces syndicats d’appliquer les augmentations prévues dans l’accord de principe signé avec le ministère de la Santé en une seule fois sans échelonnement, voire de manière rétroactive. Le gouvernement aura donc à faire preuve sur ce point d’une grande habileté en menant les négociations, étant donné, comme le souligne le professeur, que «l’enjeu est de taille et il ne faut absolument pas que le secteur de la santé soit bloqué, comme l’a été le secteur de l’éducation nationale et que l’on puisse assurer les services de santé à la population».

Paiement à l’acte : il faut bien réfléchir à la manière d’évaluer la part variable

Concernant la part variable de la rémunération du personnel paramédical, le Pr Heikel a appelé à une réflexion attentive sur le système d’évaluation qui déterminera cette rétribution. Il est nécessaire donc de bien évaluer ce qu’on appelle le paiement à l’acte ou la tarification à l’acte, étant donné que tous les professionnels de la santé ne sont pas investis des mêmes tâches et que la pénibilité de leur travail n’est pas la même, note l’économiste en santé. Aussi, poursuit le Pr Heikel, cette composante variable pourrait être source de tensions, même si les syndicats ont signé l’accord de principe, parce qu’on n’a pas encore déterminé comment cette évaluation sera effectuée. Et de se demander : est-ce que c’est le ministère de la Santé qui va se charger de cette évaluation ? Dans ce cas, dit Pr Heikel, le secteur privé serait en droit de se demander s’il va évaluer ses cliniques de la même manière que les hôpitaux publics. Quelle est donc la solution ? L’économiste de la santé préconise la mise en place une instance d’accréditation et d’évaluation qui procédera en toute objectivité et pour l’intérêt public. Cette instance aura donc pour mission d’évaluer les professionnels de santé et la pratique médicale dans les établissements publics et privés, mais elle le fera sur la base d’un cahier des charges et d’un référentiel à instaurer au plus vite, conclut le professeur.
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