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Politique agricole, déficit hydrique, souveraineté alimentaire... Ce qui doit être repensé selon l’IRES

Une journée de réflexion prospective organisée par l’Institut Royal des études stratégiques (IRES) a mis en lumière les défis colossaux auxquels l’agriculture marocaine est confrontée. La rareté structurelle de l’eau, exacerbée par le changement climatique, menace la durabilité de ce secteur vital. Des experts ont partagé leurs analyses et proposé des pistes innovantes pour garantir un avenir résilient et durable à l’agriculture marocaine. Le rapport de l’IRES explore en profondeur les enjeux et les solutions envisagées, en s’appuyant sur les conclusions des travaux de cette journée de réflexion.

L’agriculture marocaine se trouve à un carrefour décisif. Alors que la demande alimentaire continue de croître, la rareté de l’eau devient une préoccupation majeure. Comment assurer la durabilité de ce secteur crucial tout en préservant les ressources hydriques ? La réponse réside peut-être dans une transformation radicale des pratiques agricoles et des politiques publiques.

Les défis hydriques de l’agriculture marocaine

Depuis des décennies, l’agriculture au Maroc utilise près de 85% des ressources en eau renouvelables. La situation hydrique du pays, autrefois marquée par le stress, a évolué vers une rareté structurelle alarmante. Et cette transition s’est accélérée sous l’effet combiné du changement climatique et des politiques publiques. Pour examiner toutes les dimensions de cette problématique, une journée d’étude a été organisée par l’Institut Royal des études stratégiques avec la participation d’une vingtaine d’experts de haut niveau, dans les domaines de l’eau, du changement climatique, de l’agriculture, de l’agroalimentaire, de l’économie pastorale et du développement rural. Le rapport de synthèse élaboré à l’issue de cette journée reflète fidèlement les interventions des experts et les discussions, qui ont abouti à l’émergence de quelques idées novatrices pour assurer un développement durable du secteur agricole, tout en garantissant la souveraineté alimentaire et la préservation des ressources hydriques nationales.



Les experts de l’IRES ont ainsi rappelé la gravité de la situation en confirmant que la baisse des apports en eau, tant de surface que souterrains, affecte gravement la capacité de production agricole. La récurrence et l’ampleur des sécheresses ont conduit à une diminution drastique des ressources en eaux conventionnelles. Les barrages, dont le taux de remplissage n’excède pas 33%, ne peuvent plus jouer leur rôle de régulateurs hydriques. De plus, les nappes phréatiques sont exploitées à un niveau tel qu’une partie de ces ressources est menacée d’épuisement irréversible.

Impacts du dérèglement climatique

Le dérèglement climatique est une épée de Damoclès sur l’agriculture marocaine. Les sécheresses fréquentes et les vagues de chaleur extrême perturbent les cycles de production. Une année de sécheresse peut réduire la productivité céréalière jusqu’à 70%. Cette volatilité impacte non seulement l’économie rurale, mais aussi la sécurité alimentaire nationale, alerte le rapport. Les changements climatiques intensifient l’aridité, augmentant les besoins en eau des cultures au moment où les précipitations diminuent. Les sols se dégradent et la désertification avance, rendant certaines terres impropres à l’agriculture. Ces phénomènes menacent également la biodiversité et les écosystèmes fragiles, essentiels pour la résilience agricole.

Politiques publiques et gestion de l’eau

Historiquement, les politiques publiques marocaines ont favorisé l’augmentation de l’offre en eau, notamment par la construction de barrages. Cependant, cette approche a montré ses limites. La politique de subvention de l’irrigation au goutte-à-goutte, bien que bénéfique en théorie, a entraîné une exploitation excessive des nappes phréatiques, notamment dans les zones pluviales. Le Plan Maroc vert, lancé en 2008, a accentué cette tendance, subventionnant généreusement l’irrigation privée sans suffisamment réguler son impact sur les ressources en eau. «Celui-ci a généreusement et sans discernement subventionné l’irrigation privée au goutte-à-goutte dans le cadre du Programme national d’économie en eau d’irrigation», est-il indiqué. Aujourd’hui, la gestion de l’eau doit être repensée pour intégrer une approche plus durable et équilibrée.

Pour répondre à ces défis, une révision profonde des politiques agricoles est nécessaire. Les experts intervenant lors de la journée de réflexion organisée par l’IRES préconisent une gouvernance intégrée qui lie le développement agricole au développement rural. Cette approche doit inclure une gestion collaborative entre les différents acteurs, renforcer les capacités techniques et financières des régions et adopter des mesures de régulation efficaces. Il est également crucial de promouvoir une politique agricole inclusive et résiliente. Cela implique la participation active de toutes les parties prenantes, y compris les agriculteurs locaux, à l’élaboration et la mise en œuvre des stratégies agricoles.

Enjeux de la souveraineté alimentaire

Face aux mutations géopolitiques et aux crises sanitaires, la souveraineté alimentaire du Maroc est plus que jamais un enjeu crucial. La dépendance du pays vis-à-vis des importations de produits alimentaires de base le rend vulnérable aux fluctuations des marchés internationaux. La réorientation des politiques publiques vers une production agricole priorisant les besoins nationaux est impérative, a-t-il été indiqué. «À l’aune de cette perspective, une réorientation de l’agriculture marocaine en faveur de la souveraineté alimentaire du pays est impérative. Les politiques publiques devraient procéder aux inflexions, aux réformes et aux mesures nécessaires pour prémunir la nation contre le spectre d’une dépendance alimentaire accrue du marché extérieur», reprend le rapport de la journée de réflexion. Les solutions pour une agriculture durable au Maroc passent par l’innovation et la technologie. L’adoption de pratiques agricoles résilientes au climat, telles que l’agriculture climato-intelligente et l’agriculture circulaire, est essentielle. Le recours à l’hydroponie et à d’autres techniques innovantes peut permettre de réduire la dépendance à l’eau.

Solutions innovantes pour une agriculture durable

De plus, la valorisation des eaux non conventionnelles et l’amélioration de la gestion des eaux pluviales sont des pistes prometteuses. Les experts suggèrent également de réévaluer les stratégies de soutien à l’irrigation privée pour éviter la surexploitation des ressources souterraines. L’avenir de l’agriculture au Maroc dépend de la capacité du pays à transformer ses défis hydriques en opportunités de développement durable. Une gouvernance optimisée, une politique alimentaire axée sur la souveraineté nationale et l’adoption de technologies innovantes sont les clés pour assurer la résilience de ce secteur vital, préconise le rapport de l’IRES. Les recommandations proposées offrent une feuille de route précieuse pour atteindre ces objectifs ambitieux.

Une feuille de route pour la résilience et la durabilité de l’agriculture marocaine

La feuille de route proposée par les experts de l’IRES pour l’avenir de l’agriculture marocaine met en avant une série de mesures visant à répondre aux défis de la rareté de l’eau et à assurer la souveraineté alimentaire du pays. Elle préconise une gouvernance optimisée par la mise en place d’un débat national inclusif et l’adoption d’une approche systémique intégrée, favorisant la coopération entre tous les acteurs impliqués. La régulation et le contrôle doivent être renforcés avec des mécanismes indépendants de suivi-évaluation. Parallèlement, la feuille de route insiste sur la nécessité de réorienter le modèle agricole pour prioriser les besoins alimentaires locaux, soutenir la petite agriculture familiale et promouvoir la sobriété alimentaire à travers des campagnes de sensibilisation et l’intégration de ces concepts dans les programmes éducatifs.

En matière d’innovation et de technologie, la feuille de route encourage l’adoption de pratiques agricoles résilientes au climat, telles que l’hydroponie et l’agriculture circulaire, et l’utilisation des eaux non conventionnelles pour l’irrigation. Le recours aux technologies numériques et à l’intelligence artificielle est également recommandé pour optimiser la gestion des ressources agricoles. Pour soutenir ces initiatives, il est crucial d’accroître les investissements publics et privés dans le secteur agricole et de promouvoir des formes de financement innovantes. Enfin, la feuille de route souligne l’importance de développer des programmes de formation adaptés aux contextes locaux et d’investir dans la recherche agronomique pour améliorer la résilience et la durabilité du secteur agricole tout en protégeant les écosystèmes fragiles contre la dégradation.
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