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Corruption dans le secteur de la santé au Maroc : une grande étude sera lancée

L’Instance nationale de lutte contre la corruption s’attaque à l’un des secteurs les plus sensibles et les plus touchés par la corruption : la santé. Après avoir révélé l’ampleur du phénomène dans sa dernière enquête nationale (2022), l’institution lance une étude de grande envergure pour identifier les failles, mesurer les risques et proposer des actions concrètes afin de restaurer la confiance dans le système de santé national. L’Instance vient de confier au cabinet Forvis Mazars la réalisation de cette étude qui appréhendera le phénomène dans trois domaines du secteur, à savoir les services de soins et relations citoyens-hôpital (parcours du patient), la chaîne des valeurs des produits de santé, notamment les médicaments et le secteur privé de la santé, et la régulation des cliniques privées et cabinets médicaux.

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L'Instance nationale de la probité, de la prévention et de lutte contre la corruption (INPPLC) s’apprête à engager une grande étude sur le phénomène de la corruption dans le secteur de la santé au Maroc. L’Instance vient, en effet, de mandater le cabinet Forvis Mazars, pour 2,3 millions de DH, afin de l'accompagner dans l'élaboration d'une cartographie des risques de corruption dans trois domaines de ce secteur. Il s’agit des services de soins et relations citoyens-hôpital (parcours du patient), la chaîne des valeurs des produits de santé dont les médicaments et le secteur privé de la santé, et la régulation des cliniques privées et cabinets médicaux (ciblage de la grande et la petite corruption).


L’étude a pour objectif de mieux cerner le phénomène de la corruption dans le secteur de la santé et son impact sur la qualité, la transparence et l’équité d’accès aux soins et services en apportant une analyse détaillée de ses manifestations, de sa fréquence et de son intensité, ainsi que des causes et des implications de ce fléau. Sur la base des constats dressés, des orientations assorties d’un plan d’actions seront établies afin de permettre d’endiguer ce phénomène qui entrave le développement du secteur de la santé au Maroc. Les résultats escomptés de cette étude consistent en un diagnostic approfondi du phénomène de la corruption dans le secteur de la santé avec toutes ses composantes et acteurs, à travers notamment la détermination d’une typologie des risques et des actes de corruption dans le secteur de la santé, et une analyse de leurs caractéristiques, leurs manifestations et leurs impacts sur le secteur.
L’étude déterminera par ailleurs les causes des vulnérabilités et dysfonctionnements favorisant les pratiques et les risques de corruption et mesurera la fréquence et le degré d’intensité des risques d’occurrence des actes de corruption. Le processus aboutira à l’établissement d’une cartographie détaillée des risques de corruption dans chaque process (phase, secteur, service, activité, etc.) relevant de chaque domaine couvert par l’étude. Les orientations et le plan d’actions à définir dans le cadre de l’étude devront permettre de réduire significativement le phénomène. De même, des mécanismes de suivi et d’évaluation seront mis en place en prenant en considération le nouveau système de santé, caractérisé par des nouveaux organes de gouvernance bénéficiant d’une certaine autonomie.

Pour rappel, dans le prolongement de ses travaux conduits dans le cadre de sa mission relative à l’approfondissement de la connaissance objective du phénomène de la corruption, et faisant suite à la première édition conduite dans ce sens en 2014, l’Instance avait réalisé une enquête nationale sur la corruption à la fois au niveau de la perception et au niveau du vécu auquel sont confrontés les citoyens résidents, les Marocains résidant à l’étranger (MRE), les entreprises et les porteurs de projets. L’objectif était de mettre en place les mécanismes et outils objectifs et précis qui permettent un meilleur diagnostic du phénomène et pour mesurer son évolution en tenant compte des particularités du contexte national.
Cette enquête a été réalisée auprès d’un échantillon de 5.000 citoyens résidant au Maroc durant la période allant du mois d’octobre jusqu’au mois de décembre 2022. Cette enquête a également ciblé les MRE à travers un échantillon de 1.000 personnes ayant séjourné au Maroc durant les mois de juillet et août 2022. L’enquête, confiée à un cabinet d’études spécialisé, sous la supervision de l’Instance, a révélé que 56% des marocains résidents (53% pour les MRE) placent la qualité des services de santé et des soins parmi les trois principales préoccupations, tandis que 20% la considèrent comme la principale préoccupation.
Pour ce qui est de la perception des niveaux de corruption par secteur, les citoyens résidents considèrent que le secteur de la santé est le plus touché par la corruption, avec 68% (76% pour les MRE et 75% pour les entreprises) d’entre eux qui pensent que la corruption y est répandue, voire très répandue. S’agissant du taux de prévalence par secteur, le secteur de la santé publique se positionne à la 4e place en comparaison avec les autres secteurs, et ce taux est plus élevé chez les MRE (31%) que chez les Marocains résidents (17%). Les citoyens âgés de 25 à 34 ans et ceux ayant un niveau d’instruction moyen sont les plus nombreux à juger que le secteur de la santé est parmi les secteurs où la corruption est très répandue.
Selon la même étude, et au niveau de la confrontation du pot-de-vin (la forme la plus connue de la corruption), 17% des Marocains ayant eu au moins un contact avec le secteur de la santé publique ont payé ou on leur a demandé de payer un pot-de-vin. En prenant en considération le nombre de contacts réalisés par les répondants avec les secteurs inclus dans le périmètre de l’étude, le taux d’incidence du pot-de-vin concernant les services de la santé publique est de 10% en se positionnant à la 5e place après les Forces auxiliaires (31%), la Gendarmerie (23%), la police (15%), les transports (13%).
Les résultats de l’étude nationale sur la corruption ont permis de voir dans quelles mesure la corruption est répandue ou non dans sept domaines précis, dont les commandes et marchés publics, l’octroi de licences, agréments, délégations et autorisations ainsi que la distribution des aides sociales aux populations. Ainsi, la santé publique apparaît comme le secteur le plus fréquemment cité par les citoyens concernant l’exposition à la corruption pour les deux principaux domaines susmentionnés (aides sociales aux populations et recrutement, nominations, évolution de carrière dans le secteur public). L’analyse des résultats concernant la réaction la plus fréquente face à des demandes de versement d’un pot-de-vin montre que l’acceptation est le comportement le plus fréquent au niveau du secteur de la santé publique avec un taux de 57% contre 25% qui ont refusé et ont continué la démarche et seulement 3% qui ont refusé et ont porté plainte.
Du côté des entreprises, l’enquête relève que les responsables de ces structures considèrent que le secteur de la santé est le plus touché par la corruption. 75% d’entre eux pensent ainsi que la corruption y est répandue, voire très répandue avec un score moyen de 8,24/10 en se positionnant à la 4e place par rapport aux autres secteurs. Par taille d’entreprise, les responsables des micro-entreprises (tous secteurs confondus) sont significativement plus critiques dans leurs évaluations. La proportion de ceux d’entre eux qui jugent que la corruption est très répandue dans le secteur de la santé est, en effet, significativement plus importante que celle des responsables des grandes entreprises. Précision importante : ces résultats s’inscrivent dans la continuité de ceux obtenus dans le cadre de l’enquête nationale de 2014, aussi bien en termes de préoccupation que de perception.
Globalement, l’enquête met en évidence les graves impacts que peut avoir la corruption dans le secteur de la santé, sur l’accès, la qualité, l’équité, l’efficacité et l’efficience des services de santé. Selon l’Instance, plusieurs facteurs peuvent expliquer l’étendu de la corruption dans le secteur de la santé. Il s’agit notamment du cadre réglementaire et législatif, la multiplicité des intervenants sans garantie de cohérence et d’articulation claire des rôles et des responsabilités, le système de reddition des comptes ainsi que l’offre limitée de services. Le niveau de corruption peut également varier. Il peut s’agir de la petite corruption (telle que le pot-de-vin) ou la grande corruption, celle qui touche les marchés, les décisions stratégiques et politiques et les autorisations.
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