Le 4 juillet 2025 marque probablement le début d’un changement significatif d’approche en matière de rationalisation de la détention préventive au Maroc. Ce jour-là, la présidence du Ministère public a publié une circulaire d’une importance capitale, signée par Hicham Malati, rappelant que «la détention préventive est une mesure d’une extrême gravité et une privation de liberté fondamentale, qui doit demeurer une exception et non la règle». En effet, selon les termes de la procédure pénale, «la détention préventive est une mesure exceptionnelle». Mais, dans la réalité, c’est une mesure qui se trouve prolongée, ainsi que le permet le même dispositif juridique, qui précise pourtant que «la détention préventive ne peut excéder deux mois». En effet, à «l’expiration de ce délai, si le maintien en détention apparaît nécessaire, le juge d’instruction peut la prolonger par ordonnance spécialement motivée, rendue sur les réquisitions également motivées du procureur du Roi. Chaque prolongation ne peut être ordonnée pour une durée de plus de deux mois».
Il faut dire que la nouvelle directive du Ministère public intervient dans un contexte particulier : malgré des avancées significatives – le taux de détention préventive ayant chuté de 37,56% en 2023 à 31,79% fin 2024 –, les autorités judiciaires font état d’une récurrence préoccupante. L’analyse des statistiques dont nous disposons révèle en effet «une augmentation notable du nombre de détenus provisoires pendant la saison des vacances d’été», phénomène attribué à «la croissance des indicateurs de la criminalité» et aux «défis imposés par les vacances judiciaires au niveau de la gestion des ressources humaines».
«Les efforts précédents ont déjà eu un impact positif, menant à une diminution du taux de détention préventive à moins de 30% de la population carcérale totale, un seuil inédit depuis des années», souligne la nouvelle circulaire. Cependant, cette réussite globale masque une réalité plus nuancée. L’analyse mensuelle de l’année 2023 révèle des fluctuations préoccupantes, avec des pics atteignant 42,33% en octobre 2023, soit près de 5 points au-dessus du taux de fin d’année. Ces variations illustrent parfaitement la problématique soulevée par la circulaire de juillet 2025.
Parallèlement, «la croissance des indicateurs de la criminalité» pendant l’été intensifie la pression sur un système déjà fragilisé. Les forces de l’ordre procèdent à davantage d’arrestations, alimentant un flux d’affaires qui peinent à être traitées dans les délais optimaux. Cette réalité saisonnière nécessite, selon la circulaire, «une mobilisation proactive et une coordination étroite avec la présidence des instances judiciaires, afin d’éviter toute accumulation potentielle de dossiers et de s’efforcer de les traiter dans des délais raisonnables». L’objectif demeure de parvenir à «un équilibre entre les exigences du maintien de l’ordre et de la sécurité publics, d’une part, et la garantie de la liberté des personnes, d’autre part».
Cependant, ces progrès restent fragiles. L’analyse géographique révèle des disparités importantes : certaines juridictions affichent encore des taux de détention préventive atteignant 45%, nécessitant «des mesures ciblées» selon les rapports officiels. De même, la répartition par instances judiciaires montre que 79,88% des détenus provisoires se concentrent au niveau des Cours d’appel, révélant des défis spécifiques liés à la longueur des procédures en seconde instance.
Le succès éventuel de cette stratégie pourra être évalué dans les mois à venir, les statistiques de l’automne 2025 révéleront si le Maroc aura réussi à briser le cycle des augmentations estivales de la détention préventive. Un enjeu qui dépasse les simples considérations judiciaires pour toucher aux fondements mêmes de l’État de droit et de la protection des libertés individuelles.
Il faut dire que la nouvelle directive du Ministère public intervient dans un contexte particulier : malgré des avancées significatives – le taux de détention préventive ayant chuté de 37,56% en 2023 à 31,79% fin 2024 –, les autorités judiciaires font état d’une récurrence préoccupante. L’analyse des statistiques dont nous disposons révèle en effet «une augmentation notable du nombre de détenus provisoires pendant la saison des vacances d’été», phénomène attribué à «la croissance des indicateurs de la criminalité» et aux «défis imposés par les vacances judiciaires au niveau de la gestion des ressources humaines».
Un succès historique menacé par la saisonnalité
Ces défis liés à la conjoncture estivale risque donc de briser une tendance bienvenue. Avec 31,79% de détenus provisoires à fin 2024, le Maroc a atteint «le taux le plus bas enregistré au cours de la dernière décennie», selon les données officielles. Cette performance remarquable contraste singulièrement avec la situation de 2020, où ce taux culminait à 45,70%, ou même de 2022 avec 40,85%. Cette amélioration s’inscrit dans une tendance de fond observée en 2023, année charnière où plusieurs mesures structurelles ont été mises en œuvre. La création de comités locaux, régionaux et centraux de suivi, institués par la circulaire n°01/2023 du 1er juin 2023 (circulaire commune signées par le Ministère public et le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire), avait déjà permis une première baisse significative.«Les efforts précédents ont déjà eu un impact positif, menant à une diminution du taux de détention préventive à moins de 30% de la population carcérale totale, un seuil inédit depuis des années», souligne la nouvelle circulaire. Cependant, cette réussite globale masque une réalité plus nuancée. L’analyse mensuelle de l’année 2023 révèle des fluctuations préoccupantes, avec des pics atteignant 42,33% en octobre 2023, soit près de 5 points au-dessus du taux de fin d’année. Ces variations illustrent parfaitement la problématique soulevée par la circulaire de juillet 2025.
Les vacances judiciaires, un défi récurrent
Justement, la période estivale représente un véritable test pour le système judiciaire marocain. Les données de 2023 montrent une progression inquiétante du taux de détention préventive de mai (41,21%) à octobre (42,33%), avec un pic particulièrement marqué durant l’été. Cette tendance s’explique par plusieurs facteurs convergents que la circulaire identifie clairement. «La faiblesse de la gestion des ressources humaines» constitue le premier défi. Pendant les vacances judiciaires, la disponibilité réduite des magistrats, procureurs et personnel judiciaire ralentit mécaniquement le traitement des dossiers. Cette situation génère «l’accumulation des dossiers due au nombre élevé de détenus et au nombre limité de magistrats», créant un cercle vicieux où les délais s’allongent et les détentions provisoires se prolongent.Parallèlement, «la croissance des indicateurs de la criminalité» pendant l’été intensifie la pression sur un système déjà fragilisé. Les forces de l’ordre procèdent à davantage d’arrestations, alimentant un flux d’affaires qui peinent à être traitées dans les délais optimaux. Cette réalité saisonnière nécessite, selon la circulaire, «une mobilisation proactive et une coordination étroite avec la présidence des instances judiciaires, afin d’éviter toute accumulation potentielle de dossiers et de s’efforcer de les traiter dans des délais raisonnables». L’objectif demeure de parvenir à «un équilibre entre les exigences du maintien de l’ordre et de la sécurité publics, d’une part, et la garantie de la liberté des personnes, d’autre part».
Des alternatives légales encore sous-exploitées
Face à ces défis, la circulaire de juillet 2025 réaffirme l’importance d’«adopter les alternatives légales disponibles» plutôt que la détention préventive. Cette orientation s’appuie sur un constat: malgré les progrès accomplis, des marges d’amélioration substantielles demeurent. Un examen des données dont nous disposons, notamment les statistiques de 2023 (il s’agit, entre autres, du dernier rapport du Ministère public au titre de l’année 2023, publié en mars dernier), révèle que sur 99.813 ordres de détention émis, 81.526 (soit 81,68%) provenaient du Ministère public, contre 18.287 (18,32%) des juges d’instruction. Cette répartition témoigne du rôle central des parquets dans la décision d’incarcération préventive, mais aussi de leur responsabilité dans l’application des alternatives. La réduction significative du nombre d’ordres de détention – de 110.930 en 2022 à 99.813 en 2023, soit une baisse de 11.117 ordres – démontre que des leviers d’action existent. Cette diminution s’est produite «malgré une augmentation du nombre de personnes présentées devant le Ministère public pour suspicion de crimes», prouvant l’efficacité des politiques de rationalisation.Une gouvernance renforcée pour l’été 2025
Pour éviter la reproduction des dysfonctionnements estivaux observés les années précédentes, la circulaire de juillet 2025 propose un arsenal de mesures préventives. L’accent est mis sur «le manque de gouvernance dans la gestion de la détention préventive», identifié comme l’une des causes principales des pics saisonniers. La nouvelle directive exhorte à «poursuivre les efforts de rationalisation en renforçant la confiance dans la justice comme garante des droits et des libertés, en réduisant la surpopulation carcérale tout en évitant les libérations inappropriées». Cette approche équilibrée vise à maintenir l’efficacité judiciaire sans compromettre la sécurité publique. L’accent est également mis sur la formation continue. La circulaire encourage «la formation continue des responsables des études en matière de gestion de la détention préventive», reconnaissant que l’amélioration des pratiques passe par la montée en compétence des acteurs de terrain.Des résultats encourageants mais fragiles
Les données indiquent que l’évolution de la population carcérale témoigne de l’ampleur des enjeux. Après avoir franchi le seuil symbolique des 100.000 détenus en août 2023, atteignant 102.653 personnes en fin d’année, la situation s’est stabilisée autour de 105.094 détenus à la fin de 2024. Cette relative stabilisation, couplée à la baisse du taux de détention préventive, illustre les premiers fruits de la politique de rationalisation.Cependant, ces progrès restent fragiles. L’analyse géographique révèle des disparités importantes : certaines juridictions affichent encore des taux de détention préventive atteignant 45%, nécessitant «des mesures ciblées» selon les rapports officiels. De même, la répartition par instances judiciaires montre que 79,88% des détenus provisoires se concentrent au niveau des Cours d’appel, révélant des défis spécifiques liés à la longueur des procédures en seconde instance.
Vers un système judiciaire plus agile
Ainsi, cette circulaire de juillet 2025 s’inscrit dans une démarche de long terme visant à moderniser la justice pénale marocaine. En appelant à «activer les comités locaux et régionaux issus des instructions précédentes pour le suivi des dossiers judiciaires», elle mise sur une approche collaborative et coordonnée. Cette vision systémique reconnaît que la rationalisation de la détention préventive ne peut se limiter à des mesures ponctuelles. Elle nécessite une transformation profonde des pratiques, soutenue par «une coordination étroite avec les présidents des institutions judiciaires pour une gestion efficace des dossiers, un traitement rapide et une prévention de l’accumulation». L’objectif ultime demeure clairement affiché : faire de la détention préventive «une mesure exceptionnelle», conformément aux standards internationaux et aux exigences constitutionnelles. L’article 117 de la Constitution, rappelé dans la circulaire, confie aux procureurs un «rôle crucial dans la protection des droits et libertés individuelles».L’épreuve de l’été 2025
Alors que la période estivale 2025 s’amorce, le système judiciaire va être mis à l’épreuve. Les leçons tirées des années précédentes, cristallisées dans cette nouvelle circulaire, fourniront-elles les outils nécessaires pour éviter les pics saisonniers traditionnels ? La réponse dépendra largement de la capacité des acteurs judiciaires à appliquer concrètement les directives énoncées. «Les procureurs du Roi sont invités à assurer une gestion adéquate des dossiers des personnes en détention préventive par des réunions régulières, l’écoute des différentes parties et l’exploration de toutes les options», précise la circulaire.Le succès éventuel de cette stratégie pourra être évalué dans les mois à venir, les statistiques de l’automne 2025 révéleront si le Maroc aura réussi à briser le cycle des augmentations estivales de la détention préventive. Un enjeu qui dépasse les simples considérations judiciaires pour toucher aux fondements mêmes de l’État de droit et de la protection des libertés individuelles.
