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Mardi 14 Mai 2024
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Deux économistes passent au peigne fin le bilan de mi-mandat du gouvernement

Après 30 mois à la tête du gouvernement, Aziz Akhannouch a dressé un bilan d'étape qualifiant les réalisations de «succès dépassant toutes les attentes». Mais les experts et les observateurs restent partagés. Pour Abdelghani Youmni, économiste spécialiste des politiques publiques, si des avancées notables ont été réalisées, d'importantes lacunes persistent, notamment en matière d'accès aux soins et de création d'emplois. Marouane Hatim, membre du Collectif d'intelligence économique au Québec, souligne quant à lui que des progrès indéniables ont été réalisés dans les domaines industriels et agricoles ainsi qu’en matière de réformes sociales. Au-delà de ces constats, les tous experts s'accordent à dire que des défis majeurs attendent encore l'Exécutif dans les mois qui le séparent encore de la fin de son mandat.

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Plus de deux ans après sa nomination, le gouvernement de Aziz Akhannouch a présenté son bilan d'étape devant le Parlement, en vantant des «réalisations surpassant toutes les attentes». Les deux experts que nous avons sollicités pour commenter les performances de l’Exécutif demeurent plus nuancés dans leur jugement.

Pour Abdelghani Youmni, économiste spécialiste des politiques publiques, le constat est mitigé. Si le gouvernement a su appliquer la feuille de route Royale, d'importants défis restent posés tant sur le plan de la politique intérieure qu'extérieure. «La construction d'un État social reste imparfaite», avec notamment des lacunes sur l'Assurance maladie obligatoire (AMO) et les aides sociales pour de nombreux foyers».

De son côté, l’économiste Marouane Hatim, du Collectif québécois d'intelligence économique, salue les progrès réalisés dans des secteurs clés. L'industrie automobile a ainsi renforcé son rang de premier secteur exportateur, tandis que l'agroalimentaire a poursuivi son essor. Le tourisme a également confirmé son redressement. «Des avancées majeures ont aussi été réalisées sur le volet social» avec la généralisation de l'AMO et la mise en place d'aides ciblées, estime l'expert.



Mais les deux spécialistes s'accordent sur la nécessité d'approfondir les réformes engagées, que ce soit en matière de lutte contre le chômage, la digitalisation des services publics ou la réindustrialisation. «L'enjeu réside dans la vitesse d'exécution gouvernementale», insiste Marouane Hatim, appelant à une accélération du rythme, notamment sur la réforme fiscale. À quelques mois d'échéances sportives majeures, ce bilan sonne ainsi comme une mise en bouche. Mais pour convaincre pleinement, le gouvernement devra démontrer qu'il a les moyens de concrétiser les projets annoncés.

Abdelghani Youmni, économiste spécialiste des politiques publiques : «Un bilan gouvernemental mitigé»

Deux économistes passent au peigne fin le bilan de mi-mandat du gouvernement
Abdelghani Youmni.



Au milieu de son mandat, le gouvernement de Aziz Akhannouch présente un bilan mitigé. Toutefois, malgré un contexte géopolitique et géoéconomique instable, le Maroc démontre une résilience impressionnante, positionnant le pays comme un futur acteur majeur dans la redistribution des cartes politiques et économiques tant sur le continent africain que dans la région MENA, estime Abdelghani Youmni, économiste spécialiste des politiques publiques.

Selon cet expert, force est de reconnaître l'application sérieuse et réaliste de la feuille de route Royale par l'actuel gouvernement. Cependant, l'évaluation des résultats demeure cruciale, confrontée aux défis des écosystèmes internes et externes. La construction d'un État social, bien que encore imparfaite, représente une victoire notable. Ainsi, explique-t-il, un des piliers du nouveau modèle de développement, visant la prospérité et l'émergence et la souveraineté économique, est en train de se mettre en place.

Il est clair que des lacunes persistent, notamment dans l'accès à l'assurance maladie obligatoire et les aides sociales pour de nombreux foyers, exacerbées par les défis logistiques, bureaucratiques et les insuffisances du Registre social unifié (RSU), affirme Abdelghani Youmni, faisant remarquer que le financement des 28 milliards de dirhams de cotisations reste insuffisant, menaçant l'équilibre des finances sociales. «Une évaluation approfondie des politiques de l'assurance maladie universelle et des allocations familiales est prévue pour les deux à trois prochaines années» ajoute-t-il.

Sur le dossier de l'éducation, le Maroc s'efforce de réduire les disparités et de réformer le système d’enseignement pour répondre aux besoins futurs, relève l’universitaire, précisant que cela implique une transformation en profondeur des curricula, la maîtrise des langues, les mathématiques, le numérique, et la formation professionnelle, alignant davantage le système éducatif marocain sur des modèles de réussite comme ceux de la Corée du Sud ou de Singapour.

Sur le plan économique, les fondamentaux du Maroc restent solides avec une inflation maîtrisée et une dette soutenable, se félicite M. Youmni, rappelant que le gouvernement a tenté de minimiser les impacts de la sécheresse et des hausses des prix internationaux des énergies et du transport maritime, tout en bénéficiant d'augmentations significatives des recettes fiscales. Par ailleurs, il relève que «Maroc n’est pas surendetté et la maîtrise de son déficit budgétaire est plus que rassurante pour les institutions financières et pour les IDE productifs».

En ce qui concerne l'emploi, le gouvernement reconnaît les difficultés croissantes pour les jeunes à s'insérer sur le marché du travail, indique M. Youmni. Pour cet économiste spécialiste des politiques publiques, il est essentiel de redéfinir les stratégies d'entreprise privées portées par l’État pour favoriser la création d'emploi, l’attractivité des chaînes de valeur globales, l’acquisition de compétences utiles par les jeunes et l'équité fiscale entre capital et travail et entre création de valeur et accumulation de chiffres d’affaires sans création d’emploi.

Marouane Hatim, économiste : «Un bilan économique teinté de défis, mais porteur d'espoir»

Deux économistes passent au peigne fin le bilan de mi-mandat du gouvernement
Marouane Hatim.

Pour Marouane Hatim, économiste et membre fondateur du «Collectif d'intelligence économique et stratégique au Québec», le bilan économique à mi-mandat du gouvernement demeure marqué par beaucoup d’événements depuis 2021 : sortie de la Covid, guerre en Ukraine, inflation, tremblement de terre d’Al Haouz, sécheresse structurelle. Malgré ces défis, le gouvernement a poursuivi ses engagements et mis en œuvre des réformes majeures nécessitant des rallonges budgétaires importantes, explique cet expert.

Dans le secteur industriel, le Maroc a enregistré des progrès significatifs au cours des dernières années, estime Marouane Hatim. En 2022, par exemple, l'industrie automobile a maintenu sa position en tant que premier secteur exportateur du pays, avec une croissance de 11,8% par rapport à l'année précédente. Les exportations de l'industrie automobile ont atteint près de 61 milliards de dirhams (environ 6,8 milliards de dollars), représentant environ 27% des exportations totales du Maroc.

Dans le secteur agroalimentaire, le Maroc a continué de se développer, avec une croissance de 5,4% en 2022, contribuant de manière significative à l'économie nationale. Les exportations agroalimentaires ont atteint environ 52 milliards de dirhams (environ 5,8 milliards de dollars), renforçant la position du Maroc en tant que leader régional dans ce domaine, souligne notre interlocuteur.

En matière de tourisme, bien que gravement touché par la pandémie, le secteur a montré des signes de reprise forte, selon Marouane Hatim. Pour l’agriculture, des efforts ont été déployés pour relancer la production et atténuer les effets du changement climatique et, malgré une sécheresse prolongée, le Maroc a réussi à maintenir sa production agricole et à éviter les pénuries alimentaires. «Les investissements dans l'irrigation et la gestion des ressources en eau ont été cruciaux en appui au secteur» relève-t-il.

Sur le volet social, le gouvernement a réalisé des avancées importantes sur la voie de la généralisation de la protection sociale. L'assurance maladie obligatoire a été généralisée à l'ensemble de la population marocaine, garantissant ainsi un accès équitable aux services de santé. De plus, un dispositif d'aide directe moderne et transparent a été mis en place pour soutenir les ménages les plus vulnérables et leur permettre de faire face aux difficultés économiques, souligne Marouane Hatim.

Après avoir mis en avant ces réalisations, M. Hatim rappelle que l’enjeu aujourd’hui réside dans la vitesse d’exécution gouvernementale et la communication pour renforcer la confiance des citoyens dans l’action gouvernementale. L’enjeu également consiste à améliorer «l’expérience client auprès des services de l’administration publique». Le virage numérique entrepris devrait rendre plus efficace les services offerts aux citoyens ainsi qu’aux opérateurs économiques, insiste notre interlocuteur.

Autre enjeu essentiel, le soutien au milieu économique devrait être plus prononcé durant les années à venir. Les points «noirs» enregistrés à ce jour devraient être corrigés. Il cite à cet égard notamment la hausse du chômage et le taux de mortalité des entreprises. L’accélération de la mise en place des dispositions issues des assisses nationales de la fiscalité devrait se concrétiser en vue de rééquilibrer la dynamique en faveur de la création d’emploi et pour le renforcement du tissu productif.
En conclusion, Marouane Hatim estime que le gouvernement actuel a réalisé des progrès significatifs à mi-mandat, malgré un contexte économique et social difficile. Les réformes dans les secteurs clés, tels que l'industrie, le tourisme et la protection sociale, ont contribué à renforcer l'économie nationale et à améliorer les conditions de vie des citoyens. Cependant, des défis persistants nécessitent une action continue et des efforts soutenus pour garantir un développement durable et inclusif pour tous les Marocains et Marocaines.
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