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Mardi 21 Mai 2024
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Financement : les collectivités territoriales appelées à sortir des sentiers battus

La présidente de l’Association des régions du Maroc et présidente de la région de Guelmim-Oued Noun, Mbarka Bouaïda, a appelé les collectivités territoriales à explorer de nouvelles pistes pour le financement de leurs stratégies de développement territorial. Intervenant à l’ouverture du Forum international Avenir Territoires, Mme Bouaïda a souligné à cet égard que les partenariats public-privé présentaient des avantages indéniables, bien qu’ils restent peu mis à contribution.

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Le financement des stratégies de développement territorial (SDT) reste le principal défi auquel sont confrontées les collectivités territoriales (CT) dans l’exercice effectif de leurs compétences. En effet, l’accès au financement demeure le talon d’Achille de ces structures qui souhaitent améliorer les conditions de vie des citoyens et favoriser le développement d’activités économiques génératrices d’emplois et de richesses à l’échelle locale. Ce constat n’est d’ailleurs pas propre au Maroc, la plupart des États africains affichent des difficultés s’agissant de la gouvernance financière des stratégies de développement territorial. Quelles seraient donc les solutions envisageables pour surmonter ces obstacles ?



Pour Mbarka Bouaïda, présidente de l’Association des régions du Maroc et présidente de la région de Guelmim-Oued Noun, le croisement des finances publiques et des finances privées peut faire partie des options possibles pour relever ce défi. Intervenant dans le cadre du Forum international Avenir Territoires (FIATTER 2024), organisé mardi à Rabat, pour examiner les meilleures solutions pour le financement des stratégies territoriales au niveau africain, Mme Bouaïda a en effet plaidé pour le renforcement de la coopération avec le secteur privé. «La région peut tisser des relations avec le secteur privé pour le co-financement de services publics locaux, notamment les équipements collectifs», a-t-elle souligné, proposant à cet égard d’engager la réflexion sur les différentes formules possibles. Il s’agit notamment du recours aux partenariats public-privé qui ont bien démontré leur efficacité, mais qui restent peu mis à contribution, malgré les avantages qu’ils présentent pour les CT.

Dans le même ordre d’idées, Mme Bouaïda a évoqué également la formule de l’économie mixte, connue sous l’appellation «société de développement», qui permet de concilier tout à la fois la poursuite d’objectifs d’intérêt général et la logique du secteur privé. Elle a aussi cité la formule de la délégation de services publics, qui permet d’attirer des investissements privés et de bénéficier des capacités d’innovation et de financement du secteur privé pour réaliser des projets publics. D’autres solutions comme les co-financements locaux, à travers les groupements de régions, les groupements des autres collectivités territoriales et les apports de la coopération décentralisée, peuvent aussi, selon la même intervenante, être des sources de financement ou au moins un support d’assistance technique.

Parallèlement à ces instruments, réputés être classiques ou revisités, les CT peuvent aussi explorer les instruments qu’offre aujourd’hui le marché des capitaux, à travers notamment l’optimisation du potentiel d’endettement en faisant appel aux établissements de crédits qui financent le secteur public local et veillent en parallèle au renforcement de l’expertise locale et à la promotion d’investissements locaux porteurs de développement. Ils peuvent également avoir recours à l’emprunt en devises, sous réserve que cela soit bien fondé sur une analyse des taux d’intérêt, mais aussi du taux de change, et en étudiant ses évolutions possibles.

Les CT peuvent par ailleurs opter pour le financement via le marché obligataire en profitant du volume disponible et des conditions financières offertes, d’autant plus que ce dernier représente aujourd’hui une possibilité ouverte et réglementée, en permettant l’émission de titres de créances et aussi les émissions du fonds de placement collectifs en titrisation (FPCT). «Les collectivités territoriales sont invitées à mettre en place toute une ingénierie financière leur permettant d’optimiser les instruments classiques déjà existant et s’ouvrir sur les opportunités qu’offrent les instruments innovants, que ce soit à travers les financements croisés en partenariat avec le secteur privé ou les financements via le marché des capitaux», a expliqué Mme Bouaïda.

Le raisonnement de la présidente des régions du Maroc a été conforté par le wali, secrétaire général du ministère de l’Intérieur, Mohamed Faouzi. Dans un discours prononcé en son nom par le gouverneur Abdelouahab El Jabri, M. Faouzi a mis l’accent sur l’importance de la diversification des sources de financement, qui doivent explorer de nouvelles pistes, notamment le partenariat public-privé, la coopération décentralisée ou encore l’intercommunalité. Le même responsable a mis l’accent sur l’importance pour les CT de disposer d’un système fiscal optimal, de possibilités d’emprunt appropriées et de cadres de partenariat élargis leur permettant de mobiliser leur contribution pour la concrétisation de l’ensemble de ces programmes.

Abordant l’expérience du Maroc, M. Faouzi a indiqué que des réflexions étaient menées avec la participation des élus, des administrations financières de l’État et de différents partenaires, dans le cadre de la réforme de la fiscalité locale. Ces réflexions portent sur trois principaux axes, à savoir primo, la simplification et la fusion des taxes de même nature portant sur le foncier et les activités économiques et la mise en place de taxes locales structurantes conférant aux CT des ressources propres, pérennes et évolutives. Secundo, la révision et la clarification des bases et des taux d’imposition, ainsi que la mise en place d’instruments novateurs de différenciation (de zoning, de territoire, etc.) et de valeur base pour les impositions (valeur marchande, chiffres d’affaires, résultat fiscal, valeur ajoutée... au lieu de la valeur locative), en cohérence avec les bases et les taux d’imposition de la fiscalité de l’État. Tertio, la reconfiguration du mode de gouvernance et de gestion de la fiscalité locale par la révision de la répartition des compétences entre les administrations financières de l’État et celle des collectivités territoriales et par l’organisation de l’administration fiscale locale.

Pour M. Faouzi, l’objectif d’une telle réforme est de donner aux collectivités territoriales un cadre d’action clair et des moyens viables et pérennes, pour qu’elles puissent améliorer les conditions de vie des citoyens et favoriser l’installation et l’épanouissement de l’activité économique, pour un développement durable intégré et inclusif.

Président du FIATERR : il faut réfléchir à des solutions innovantes et durables

Selon le président du FIATERR, Aliou Sall, les collectivités territoriales sont souvent confrontées à des difficultés financières qui entravent leur capacité à remplir leur mission. Pour lui, les ressources dont disposent les CT demeurent insuffisantes face à l’immensité des besoins d’investissement, tandis que les mécanismes de financement actuels ne sont pas toujours adaptés à leurs besoins spécifiques. Il est donc primordial de réfléchir ensemble à des solutions innovantes et durables pour garantir un financement adéquat des collectivités territoriales, a-t-il insisté, notant que cet événement permettra de discuter et d’échanger sur les bonnes pratiques mises en place dans différents pays, d’identifier les obstacles qui freinent le financement des collectivités territoriales et de proposer des pistes de réflexion pour les surmonter. Le secrétaire général de CGLU-Afrique, Jean Pierre Elong Mbassi, a, quant à lui, salué l’organisation de ce Forum d’envergure qui place l’accès des collectivités territoriales aux financements (publics, privés, nationaux, internationaux...) au centre de son action, notant que le financement du développement territorial permettra de répondre de manière efficace aux besoins des populations locales. À cette occasion, il a appelé à l’adoption des stratégies de financement relatives au développement territorial favorisant l’autonomie des collectivités territoriales et renforçant la solidarité et la collaboration entre différents acteurs. S’agissant de Oumar Ba, représentant de la commission de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) et président de l’Association des maires du Sénégal (AMS), il a souligné que le forum réunit les principaux acteurs impliqués dans les problématiques de développement économique et social des territoires pour débattre des enjeux et proposer des solutions réalistes pour les nombreux défis auxquels les collectivités territoriales africaines sont confrontées.
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