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Le combat quotidien d'Aïcha Duihi pour défendre les droits des populations séquestrées à Tindouf

Militante saharaouie des droits de l’Homme, Aïcha Duihi est une habituée du CDH de l’ONU à Genève dont elle connaît les arcanes. Présidente de l’Observatoire international pour la paix, la démocratie et les droits de l’Homme, elle a fait à ce titre de la défense des populations séquestrées à Tindouf son combat de tous les jours. Au sein des instances onusiennes ou lors de rencontres internationales, elle s’emploie à plaider leur cause et à dénoncer les violations graves des droits de l’Homme dont elles sont victimes. Pour elle, seule une surveillance indépendante et étroite des camps de Tindouf permettra de mettre fin à leur calvaire. Profondément engagée pour la défense des droits des catégories les plus vulnérables, Aïcha Duihi a récemment pris part à Rabat à un séminaire sur l’autonomisation des jeunes filles en situation de précarité en Afrique. En marge de cet événement, nous l’avons rencontrée et avons pu avoir un échange avec elle autour de son combat pour la dignité humaine, de son rôle en tant qu’actrice associative et du regard qu’elle porte sur le développement dans les provinces du sud du Royaume.

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Le Matin : En tant que présidente de l’Observatoire pour la paix, la démocratie et les droits de l’Homme, vous prenez part souvent aux travaux du Conseil des droits de l’Homme des Nations unies à Genève. Quels messages transmettez-vous à travers cette instance ?

Aïcha Duihi :
Participer aux travaux du Conseil des droits de l’Homme des Nations unies est une responsabilité et un engagement lourds s’agissant de la défense des valeurs universelles de dignité humaine et de justice sociale. En tant que présidente de l’Observatoire, ma participation aux travaux du Conseil des droits de l’Homme est l’occasion de réitérer notre engagement indéfectible à interagir avec les mécanismes de promotion et de protection des droits humains, particulièrement en faveur des causes justes, et à leur tête la Cause nationale. Cet engagement se traduit par une participation active, non seulement aux sessions ordinaires du Conseil, mais aussi aux comités subsidiaires, aux forums, au mécanisme de l’Examen périodique universel (EPU) et par le suivi rigoureux des organes de traités (de l’ONU relatifs aux droits de l’Homme). Mon message au monde consiste à chaque fois à lancer des appels à l’action et à la solidarité pour les droits fondamentaux, une cause qui me tient à cœur et qui motive mon engagement quotidien pour défendre les personnes les plus vulnérables. Depuis des années, je me mobilise pour des causes justes et j’œuvre pour la dignité humaine et la justice sociale qui doivent être protégées sans compromis. Mon plaidoyer auprès des instances internationales vise donc à attirer l’attention sur des réalités souvent ignorées, comme celle des camps de Tindouf, où les droits des populations réfugiées sont systématiquement bafoués.



Justement, en tant que militante des droits de l’Homme, vous alertez régulièrement sur la situation dans les camps de Tindouf. Comment y vivent les populations, en particulier les femmes et les enfants, et quelles violations subissent-elles ?

La situation dans les camps de Tindouf est profondément préoccupante, elle est marquée par des violations alarmantes des droits de l’Homme. Les réfugiés y vivent dans des conditions inhumaines, sous un contrôle strict qui limite leurs libertés fondamentales, notamment la liberté de mouvement et de circulation, la liberté d’expression, et même le droit à l’identité. Les femmes et les enfants, particulièrement vulnérables, subissent des violences fréquentes, et les jeunes sont privés d’une éducation de qualité et de perspectives d’avenir. Cette population dépend totalement de l’aide humanitaire extérieure, mais les détournements et les abus de pouvoir réduisent l’impact de ces aides, accentuant ainsi la précarité et l’isolement des populations. Il est crucial que la communauté internationale prenne conscience de cette réalité et exige le respect des droits humains dans ces camps. Cette situation inacceptable exige une réponse de la communauté internationale. À travers nos interventions, nos rapports et nos collaborations avec des ONG, nous mettons en lumière ces violations et plaidons pour un contrôle plus transparent et indépendant des aides humanitaires.

Existe-t-il des moyens de documenter ces violations et de les prouver pour sensibiliser l’opinion internationale ?

Il est effectivement possible de documenter ces violations, mais cela nécessite une volonté politique de la communauté internationale pour imposer un accès indépendant aux camps de Tindouf. Les témoignages de victimes, les rapports d’ONG crédibles, les preuves photographiques et les documents collectés sont essentiels pour démontrer l’étendue des abus perpétrés. Mais sans une enquête internationale indépendante, il est extrêmement difficile de recueillir des preuves dans un contexte où la liberté d’expression et de communication est sévèrement restreinte. Notre travail de monitoring se heurte aussi à ces restrictions imposées, ce qui limite la phase de collecte des données. Les informations que nous recueillons reposent en grande partie sur des témoignages de victimes et de leurs familles qui, de temps en temps, parviennent à briser le silence. Nous nous appuyons également sur le contenu publié par des blogueurs et des activistes présents sur place, ainsi que sur des vidéos d’événements spécifiques mises en ligne sur des plateformes dédiées. Bien que ces sources soient précieuses, elles restent insuffisantes pour obtenir un tableau complet de la situation. C’est pourquoi j’appelle la communauté internationale à exiger des accès humanitaires et des mécanismes d’observation indépendants pour authentifier et révéler au grand jour ces violations. Seul un engagement fort de la part des institutions internationales et des États permettra de rendre visible cette réalité cachée et de sensibiliser le monde aux souffrances des réfugiés dans les camps de Tindouf.

Vous plaidez souvent la cause des Sahraouis au Conseil des droits de l’Homme, mais vous êtes parfois confrontée à des militants pro-Polisario qui dénoncent la situation des droits de l’Homme dans les provinces du Sud. Que pensez-vous de leur discours et comment y répondre ?

Le discours de ces militants pro-Polisario est souvent biaisé et ne reflète pas la réalité sur le terrain. Contrairement à ce qu’ils avancent, le Maroc a fait preuve d’une ouverture significative aux mécanismes de contrôle international et tient au respect de ses engagements. Ce respect se manifeste notamment par l’accueil de nombreuses procédures spéciales de l’ONU, qui ont été invitées à évaluer la situation des droits de l’Homme dans les différentes régions du pays, y compris dans les provinces du Sud. De plus, le Maroc a mis en place des institutions pertinentes pour la promotion et la protection des droits humains, telles que le Conseil national des droits de l’Homme (CNDH) et ses commissions régionales, qui fonctionnent de manière indépendante pour surveiller et promouvoir le respect des droits humains. Ces instances offrent un cadre de protection et de dialogue pour toutes les parties, ce qui témoigne de la transparence et de la rigueur du Maroc dans le traitement des questions relatives aux droits humains.

En réponse aux critiques, le Royaume répond par des faits concrets et vérifiables. Les efforts du Maroc pour améliorer la situation des droits de l’Homme dans les provinces du Sud sont soutenus et irréversibles et englobent toutes les dimensions de ces droits. Les efforts en matière d’investissements dans le développement économique, l’accès à la justice et la participation citoyenne sont là pour en témoigner. En revanche, les ennemis du Maroc feraient mieux de s’intéresser davantage à la situation grave dans les camps de Tindouf, où les droits des populations sont allégrement piétinés. Le contraste est frappant. D’un côté, nous avons le Maroc avec des efforts indéniables et des engagement clairs en la matière et, de l’autre, les camps de Tindouf où la vie s’apparente à un enfer en raison des exactions et des violations des droits humains, en l’absence du moindre contrôle indépendant.

Il y a quelques semaines, la Cour de justice de l’UE a invalidé des accords de pêche et agricole, estimant que la population concernée n’avait pas été consultée. Quel est votre avis sur ce jugement et comment la société civile du Sud l’a-t-elle perçu ?

Ce verdict est certes regrettable, mais il ne concerne en rien le Royaume du Maroc, car il s’agit d’une affaire interne entre l’Union européenne et sa Cour de justice. Il appartient à l’Union européenne de résoudre ce problème si elle souhaite continuer à conclure et renouveler des accords avec le Royaume du Maroc à l’avenir. Ce genre de décision ne peut plus être accepté, car il porte directement atteinte à la souveraineté du Royaume du Maroc, qui a déclaré de manière ferme et définitive qu’il n’accepterait aucun partenariat excluant ses provinces du Sud. De plus, ce jugement ignore les véritables consultations qui ont été menées avec les représentants de la population, aussi bien au niveau de la société civile que des instances élues localement.

En tant que représentante de la société civile, j’ai eu l’occasion de participer aux consultations de l’Union européenne sur l’importance de ces accords, et nous avons pu témoigner à cette occasion de l’impact positif qu’ils ont eu sur la région, notamment en matière de développement économique et social. Nous avons expliqué comment ces accords respectent les principes de durabilité et de l’utilisation responsable des ressources au profit de la population locale. Les bénéfices apportés par ces accords de pêche et agricole ont été palpables dans des domaines tels que l’emploi, le développement des infrastructures et l’amélioration des conditions de vie. Il est crucial que l’Union européenne reconnaisse ces efforts d’inclusion et les consultations effectives qui ont eu lieu, afin de promouvoir un partenariat fondé sur le respect mutuel, la transparence et l’équité. En somme, ce jugement soulève des questions importantes sur la prise en compte des voix locales authentiques et sur la manière dont l’UE peut mieux intégrer les réalités du terrain dans ses décisions. La coopération doit être un échange équitable et constructif, tenant compte des bénéfices réels pour les populations concernées, tout en respectant la souveraineté du Maroc sur ses territoires.

Les provinces du Sud connaissent un développement accéléré. Selon vous, quel rôle peuvent jouer les ONG et les acteurs associatifs dans l’accompagnement de cette dynamique ?

Les provinces du Sud connaissent une dynamique de développement rapide, soutenue par des réformes significatives au niveau national. Des initiatives telles que le Plan national de la démocratie et l’Initiative nationale pour le développement humain témoignent de l’engagement du Maroc en faveur d’un développement inclusif et durable, fondé sur une approche basée sur les droits de l’Homme. Cet engagement se concrétise également par le renforcement des piliers de l’État social, notamment à travers la mise en place du registre social. Par ailleurs, des stratégies comme le Plan Maroc Vert et le Plan Maroc Bleu visent à promouvoir une agriculture durable et à exploiter de manière responsable les ressources maritimes. Au niveau régional, l’ouverture de plusieurs consulats dans les provinces du Sud illustrent une prise de conscience internationale croissante de la marocanité du Sahara. Ce nouvel élan est également soutenu par un nouveau modèle de développement économique qui a pour ambition de moderniser les infrastructures, renforcer l’attractivité de la région pour les investissements et le tourisme, et créer des opportunités d’emploi et de croissance dans la région.

Dans ce contexte, les ONG et les acteurs associatifs ont un rôle crucial à jouer. Ils peuvent agir comme des catalyseurs de changement en sensibilisant les populations aux droits humains et en les mobilisant pour participer activement à ces dynamiques de développement. En collaborant avec les institutions gouvernementales, ces acteurs peuvent contribuer à la mise en œuvre des programmes de développement, veiller à ce que les besoins des populations locales soient pris en compte et garantir que les bénéfices des réformes atteignent effectivement les communautés concernées. J’estime donc que les ONG et les acteurs associatifs sont des partenaires essentiels pour conforter cette dynamique de développement, en assurant une approche inclusive et en plaidant pour les droits et le bien-être.
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