À Rio de Janeiro, lors du récent sommet tenu du 6 et 7 juillet dernier, les dirigeants des BRICS+ ont une nouvelle fois démontré leur ambition de s'imposer en tant qu'acteur d'un ordre mondial en recomposition. Face à l'émergence de ce bloc, le Maroc se trouve à un carrefour stratégique majeur. Comment peut-il tirer parti de cette nouvelle donne géopolitique sans compromettre ses alliances historiques ? Décortiquer les termes de cette équation complexe ainsi que les enjeux y afférents, tel est l'exercice auquel s'est livré l'Institut Royal des études stratégiques dans le rapport qu'il vient de mettre en ligne. Le document, daté de mai 2024, est intitulé «Le Maroc et les BRICS plus : quelle stratégie à l'horizon 2035 ?»
Un géant économique en pleine expansion qui redéfinit les équilibres mondiaux
Le groupement BRICS+, qui a doublé ses effectifs en janvier 2024 avec l'adhésion de l'Arabie saoudite, des Émirats arabes unis, de l'Égypte, de l'Éthiopie et de l'Iran (l'Argentine ayant décliné l'invitation), représente désormais un poids considérable sur l'échiquier international. Selon l'analyse de l'IRES, ces dix pays totalisent près de 3.600 millions d'habitants, soit plus de 45% de la population mondiale, et génèrent 31% du PIB global en parité de pouvoir d'achat.
Les chiffres parlent d'eux-mêmes : les BRICS+ exportent plus de 6.000 milliards de dollars annuellement, fournissant 24% de la demande internationale. Dans le secteur énergétique, le groupement contrôle près de 38% de la production mondiale de pétrole, notamment grâce à l'entrée de trois membres de l'OPEP. Cette domination énergétique confère aux BRICS+ un levier géopolitique considérable dans un contexte de transition énergétique mondiale.
L'Institut Royal des études stratégiques souligne que cette expansion numérique s'accompagne d'une transformation qualitative. «L'élargissement numérique des BRICS+ confère au groupe de nouvelles dimensions géographique, démographique, économique et surtout commerciale et stratégique», précisent les rédacteurs de l'analyse. Le groupement renforce notamment son empreinte africaine avec l'Égypte et l'Éthiopie, et moyen-orientale avec l'Arabie saoudite, les Émirats, l'Égypte et l'Iran.
Les chiffres parlent d'eux-mêmes : les BRICS+ exportent plus de 6.000 milliards de dollars annuellement, fournissant 24% de la demande internationale. Dans le secteur énergétique, le groupement contrôle près de 38% de la production mondiale de pétrole, notamment grâce à l'entrée de trois membres de l'OPEP. Cette domination énergétique confère aux BRICS+ un levier géopolitique considérable dans un contexte de transition énergétique mondiale.
L'Institut Royal des études stratégiques souligne que cette expansion numérique s'accompagne d'une transformation qualitative. «L'élargissement numérique des BRICS+ confère au groupe de nouvelles dimensions géographique, démographique, économique et surtout commerciale et stratégique», précisent les rédacteurs de l'analyse. Le groupement renforce notamment son empreinte africaine avec l'Égypte et l'Éthiopie, et moyen-orientale avec l'Arabie saoudite, les Émirats, l'Égypte et l'Iran.
Des relations bilatérales marocaines contrastées selon les pays membres
L'examen des relations bilatérales entre le Maroc et chacun des dix membres des BRICS+ révèle un tableau particulièrement nuancé. Selon le rapport de l'IRES, certains partenariats s'avèrent particulièrement dynamiques tandis que d'autres demeurent limités, voire conflictuels. Avec les Émirats arabes unis, le Maroc entretient des relations exemplaires. La déclaration conjointe de décembre 2023, intitulée «Vers un partenariat novateur, renouvelé et enraciné», dessine les contours d'une coopération multidimensionnelle couvrant les infrastructures, l'énergie, le tourisme et la finance. Les Émirats occupent d'ailleurs le deuxième rang mondial en matière d'investissements directs étrangers au Maroc, avec un stock de 137,4 milliards de dirhams à fin 2021.
Les relations avec la Chine, devenue le troisième partenaire commercial du Royaume, illustrent les défis de cette coopération. Si les échanges commerciaux ont fortement progressé, atteignant près de 8 milliards de dollars en 2022, ils génèrent un déficit commercial considérable de 7 milliards de dollars en défaveur du Maroc. «Le taux de couverture ne dépasse pas 5% en 2022 contre 8% en 2010», note l'analyse de l'IRES, pointant le déséquilibre structurel de ces échanges.
Avec l'Inde, la relation présente un profil inverse : le Maroc dégage un excédent commercial grâce notamment aux ventes de phosphates et dérivés. Cette complémentarité économique, soulignée par les rédacteurs du rapport, «recèle un potentiel important non encore exploité» dans des secteurs comme l'agriculture, les technologies et l'aérospatial.
Les relations avec la Chine, devenue le troisième partenaire commercial du Royaume, illustrent les défis de cette coopération. Si les échanges commerciaux ont fortement progressé, atteignant près de 8 milliards de dollars en 2022, ils génèrent un déficit commercial considérable de 7 milliards de dollars en défaveur du Maroc. «Le taux de couverture ne dépasse pas 5% en 2022 contre 8% en 2010», note l'analyse de l'IRES, pointant le déséquilibre structurel de ces échanges.
Avec l'Inde, la relation présente un profil inverse : le Maroc dégage un excédent commercial grâce notamment aux ventes de phosphates et dérivés. Cette complémentarité économique, soulignée par les rédacteurs du rapport, «recèle un potentiel important non encore exploité» dans des secteurs comme l'agriculture, les technologies et l'aérospatial.
Les écueils diplomatiques et les défis géopolitiques persistants
Toutes les relations avec les membres des BRICS+ ne sont cependant pas au beau fixe. L'IRES identifie plusieurs points de friction majeurs qui compliquent la donne stratégique marocaine. Avec l'Afrique du Sud, malgré le rétablissement des relations diplomatiques, «les dirigeants tiennent dans la même voie» hostile concernant la question du Sahara marocain, s'étant «transformés en défenseurs zélés des mercenaires du soi-disant Polisario».
La situation avec l'Iran s'avère encore plus délicate. «Tant que l'Iran persiste à contrarier les intérêts nationaux de notre pays en apportant son soutien aux séparatistes, y compris sur le plan militaire, il ne faudra pas s'attendre à une quelconque amélioration de nos relations», affirme catégoriquement l'analyse de l'IRES. Ces tensions illustrent l'une des caractéristiques fondamentales du groupement BRICS+ identifiée par l'Institut : son hétérogénéité. «Le groupe émergent conserve et renforce à travers cet élargissement ses deux caractéristiques fondamentales : la disparité des réalités et la divergence des agendas de ses membres», observent les rédacteurs du rapport.
La situation avec l'Iran s'avère encore plus délicate. «Tant que l'Iran persiste à contrarier les intérêts nationaux de notre pays en apportant son soutien aux séparatistes, y compris sur le plan militaire, il ne faudra pas s'attendre à une quelconque amélioration de nos relations», affirme catégoriquement l'analyse de l'IRES. Ces tensions illustrent l'une des caractéristiques fondamentales du groupement BRICS+ identifiée par l'Institut : son hétérogénéité. «Le groupe émergent conserve et renforce à travers cet élargissement ses deux caractéristiques fondamentales : la disparité des réalités et la divergence des agendas de ses membres», observent les rédacteurs du rapport.
L'équation stratégique complexe entre G7 et BRICS+
Face à cette montée en puissance des BRICS+, le Maroc doit recalibrer sa stratégie diplomatique en tenant compte de ses relations traditionnelles avec le G7. L'analyse comparative de l'IRES révèle des données éclairantes : si le commerce entre le Maroc et les BRICS+ atteint 25,27 milliards de dollars en 2022, il génère un déficit de 14,6 milliards de dollars, représentant la moitié du déficit commercial global du pays.
En revanche, les échanges avec le G7, chiffrés à 36,2 milliards de dollars, affichent un déficit limité à 6,4 milliards avec un taux de couverture de près de 70%. «Le “non-économique” qualitatif plaide en faveur du G7», conclut l'analyse, rappelant l'importance des liens politiques, sécuritaires et culturels avec les puissances occidentales.
Cette réalité est particulièrement visible dans le domaine stratégique. L'IRES souligne que «l'essentiel des armements marocains, notamment les armes et les engins les plus sophistiqués, proviennent aujourd'hui des pays du G7 et de leurs alliés». Sur la question cruciale du Sahara, les pays du G7 comptent parmi les principaux soutiens du Maroc, comme en témoigne la reconnaissance américaine de la marocanité du Sahara.
En revanche, les échanges avec le G7, chiffrés à 36,2 milliards de dollars, affichent un déficit limité à 6,4 milliards avec un taux de couverture de près de 70%. «Le “non-économique” qualitatif plaide en faveur du G7», conclut l'analyse, rappelant l'importance des liens politiques, sécuritaires et culturels avec les puissances occidentales.
Cette réalité est particulièrement visible dans le domaine stratégique. L'IRES souligne que «l'essentiel des armements marocains, notamment les armes et les engins les plus sophistiqués, proviennent aujourd'hui des pays du G7 et de leurs alliés». Sur la question cruciale du Sahara, les pays du G7 comptent parmi les principaux soutiens du Maroc, comme en témoigne la reconnaissance américaine de la marocanité du Sahara.
La stratégie de l'agilité diplomatique préconisée par l'IRES
Face à ces enjeux multiples, l'Institut Royal des études stratégiques préconise une approche nuancée. Plutôt qu'une adhésion pure et simple aux BRICS+, les rédacteurs du rapport privilégient ce qu'ils qualifient d'«agilité stratégique». «L'adhésion du Maroc aux BRICS+ ne lui confère aucun avantage stratégique ou économique significatif à l'horizon 2035», affirme catégoriquement l'analyse. Cette position se fonde sur plusieurs argumentaires solides : le risque de rupture avec les alliances occidentales historiquement bénéfiques, la forte intégration de l'économie marocaine aux marchés européens et l'importance stratégique des relations sécuritaires avec l'OTAN et les pays du G7.
L'IRES propose plutôt une stratégie de «partenariat stratégique avancé» avec les BRICS+, permettant de maximiser les bénéfices de la coopération sans les inconvénients de l'adhésion. Cette approche différenciée s'articule autour de trois niveaux : les relations bilatérales renforcées avec les pays membres, la coopération avec les sous-groupes cohérents (notamment le trinôme arabe Arabie saoudite-Émirats-Égypte), et l'engagement sélectif avec le groupement dans son ensemble.
L'IRES propose plutôt une stratégie de «partenariat stratégique avancé» avec les BRICS+, permettant de maximiser les bénéfices de la coopération sans les inconvénients de l'adhésion. Cette approche différenciée s'articule autour de trois niveaux : les relations bilatérales renforcées avec les pays membres, la coopération avec les sous-groupes cohérents (notamment le trinôme arabe Arabie saoudite-Émirats-Égypte), et l'engagement sélectif avec le groupement dans son ensemble.
Les perspectives d'avenir et les scénarios d'évolution
Tournée vers l'avenir, l'analyse de l'IRES identifie cinq scénarios possibles d'évolution des BRICS+ à l'horizon 2035, du maintien du statu quo à l'éclatement du groupement, en passant par sa transformation en véritable pôle géopolitique rival du G7. Cette incertitude structurelle renforce, selon les rédacteurs du rapport, la pertinence de l'approche pragmatique marocaine.
Le Royaume dispose d'atouts considérables pour naviguer dans cette nouvelle donne. L'IRES souligne sa «stabilité politique et institutionnelle», sa «position géostratégique privilégiée» et sa capacité démontrée à «gérer ses intérêts de manière pragmatique». Les grands chantiers en cours – du gazoduc Nigeria-Maroc au développement de l'hydrogène vert – positionnent le Maroc comme un acteur incontournable des corridors eurafricains. La stratégie préconisée s'appuie également sur la spécificité du positionnement marocain en Afrique. Comme le rappelle l'analyse, le Royaume est devenu «le premier investisseur en Afrique de l'Ouest et le second dans tout le continent», avec des projets structurants qui transcendent les clivages géopolitiques traditionnels.
In fine, l'Institut Royal des études stratégiques dessine les contours d'une diplomatie marocaine renouvelée, capable de tirer parti des opportunités offertes par les BRICS+ sans compromettre les acquis des partenariats traditionnels. Cette voie médiane, fidèle à la tradition diplomatique du Royaume, pourrait bien constituer la clé de son influence future dans un monde multipolaire en gestation.
Le Royaume dispose d'atouts considérables pour naviguer dans cette nouvelle donne. L'IRES souligne sa «stabilité politique et institutionnelle», sa «position géostratégique privilégiée» et sa capacité démontrée à «gérer ses intérêts de manière pragmatique». Les grands chantiers en cours – du gazoduc Nigeria-Maroc au développement de l'hydrogène vert – positionnent le Maroc comme un acteur incontournable des corridors eurafricains. La stratégie préconisée s'appuie également sur la spécificité du positionnement marocain en Afrique. Comme le rappelle l'analyse, le Royaume est devenu «le premier investisseur en Afrique de l'Ouest et le second dans tout le continent», avec des projets structurants qui transcendent les clivages géopolitiques traditionnels.
In fine, l'Institut Royal des études stratégiques dessine les contours d'une diplomatie marocaine renouvelée, capable de tirer parti des opportunités offertes par les BRICS+ sans compromettre les acquis des partenariats traditionnels. Cette voie médiane, fidèle à la tradition diplomatique du Royaume, pourrait bien constituer la clé de son influence future dans un monde multipolaire en gestation.
