Face à la crise climatique et à la pression croissante sur les ressources en eau, les experts internationaux réunis à Marrakech à l’occasion du 19e Congrès mondial de l’eau ont martelé un message sans équivoque : le Nexus Eau-Énergie-Alimentation-Écosystème n’est plus une option technique, mais une nécessité absolue. Sauf que cette intégration se heurte encore à plusieurs obstacles, exigeant une refonte urgente des modèles de gouvernance et l’adoption d’un langage commun, celui de l’urgence et de la valeur économique de l’eau. Lors du panel de haut niveau intitulé «Interconnexion et pensée systémique dans la gestion de l’eau : créer des ponts entre les secteurs pour renforcer la résilience», les intervenants ont transformé le Nexus d’un concept théorique en un impératif de survie collaborative, rappelant que tout comme l’eau circule dans le cycle hydrologique, les parties prenantes doivent circuler vers un objectif commun : la résilience partagée.
Cette fragmentation n’est pas nouvelle, mais n’en appelle pas moins aujourd’hui à une approche transversale et à une action coordonnée. Loïc Fauchon, président du Conseil mondial de l’eau, a évoqué dans ce sens la «Five Fingers Alliance», un concept lancé par l’institution qui prône une approche interdisciplinaire englobant des solutions collaboratives dans les domaines de l’eau, de l’alimentation, de l’énergie, de la santé et de l’éducation. M. Fauchon a insisté sur la nécessité de combiner cette approche horizontale à la traditionnelle approche verticale (la Gestion intégrée des ressources en eau, GIRE). «Nous avons bien compris qu’on ne pouvait plus dissocier l’eau, l’énergie, la santé et l’alimentation. À quoi servirait de nourrir les hommes si on les laisse mourir ?» s’est-il interrogé.
Poussant son raisonnement plus loin, l’expert signale que le concept de Nexus (souvent perçu comme un cadre technique ou académique reliant eau, énergie et alimentation) est trop abstrait pour mobiliser les gens, car toutes les actions humaines sont motivées par la santé. Mais lorsqu’on le relie à l’approche «One Health», qui met en avant le lien entre santé humaine, santé animale et santé des écosystèmes, cela devient concret et universel : on comprend alors que la gestion de l’eau ou de l’énergie est directement liée à notre santé et à notre survie.
Cette conception change notre perspective sur les problèmes. «Quand nous sommes en bonne santé, nous avons beaucoup de problèmes : comment produire les récoltes ? comment les vendre? comment les expédier ? comment produire de l’énergie ?... Mais lorsque nous sommes malades... nous n’avons plus qu’un seul problème», explique-t-il. À ses yeux, le message du Nexus doit rester limpide : «avoir ou ne pas avoir ce verre d’eau, c’est la différence entre vivre et mourir, entre être malade ou en bonne santé».
Ismahane Remonnay, directrice Prospective & Alliances stratégiques de Veolia, a abondé dans ce sens, rappelant que son groupe avait été créé il y a 170 ans non pas pour l’eau ou l’énergie, mais pour protéger la santé humaine (en gérant le choléra). Pour elle, la question de l’engagement du secteur privé ne devrait même plus se poser. «Le secteur industriel est déjà là, et ce depuis longtemps», rappelle-t-elle, soulignant que la santé publique est inscrite dans l’ADN de l’entreprise, bien avant les débats contemporains sur le Nexus ou le concept de One Health.
Ce qui importe désormais, insiste-t-elle, c’est moins de parler que d’agir. «Arrêtons le blabla», lance-t-elle sans détour, appelant à passer d’une logique de discours à une logique d’action concrète. Car les priorités, sur le terrain, sont claires : d’abord l’énergie, puis l’eau, devenue un enjeu mondial à la fois de qualité, de quantité et de valeur économique. Pour l’experte, l’industrie est prête, dotée de solutions technologiques éprouvées et d’une capacité d’innovation mondiale. Mais pour accélérer, encore faut-il «des règles du jeu communes» entre les secteurs de l’eau et de l’énergie. Empruntant une figure métaphorique, elle compare cette nécessaire coopération à une équipe de football : un attaquant ne marque jamais seul. Le secteur privé peut marquer des buts, mais seulement s’il est épaulé par une équipe.
Interconnexion des ressources : le paradoxe des silos
L’eau, intrinsèquement liée aux cycles naturels et aux activités humaines, reste gérée dans des structures fragmentées. Le professeur Yuanyuan Li, président de l’Association internationale des ressources en eau (IWRA), a pointé du doigt les trois «barrières majeures» qui entravent une coordination cohérente et intégrée. La première est d’ordre institutionnel, car dans de nombreux pays, les ministères et agences responsables de l’eau sont fragmentés, voire cloisonnés. La seconde est politique, l’eau ayant une double fonction. Par exemple, une agence alimentaire pourrait prôner une utilisation intensive de l’eau pour produire plus, tandis qu’une agence environnementale exige plus d’eau pour protéger les débits environnementaux. Enfin, des barrières techniques persistent, dues au manque de données et d’outils empêchant une vision intégrée.Cette fragmentation n’est pas nouvelle, mais n’en appelle pas moins aujourd’hui à une approche transversale et à une action coordonnée. Loïc Fauchon, président du Conseil mondial de l’eau, a évoqué dans ce sens la «Five Fingers Alliance», un concept lancé par l’institution qui prône une approche interdisciplinaire englobant des solutions collaboratives dans les domaines de l’eau, de l’alimentation, de l’énergie, de la santé et de l’éducation. M. Fauchon a insisté sur la nécessité de combiner cette approche horizontale à la traditionnelle approche verticale (la Gestion intégrée des ressources en eau, GIRE). «Nous avons bien compris qu’on ne pouvait plus dissocier l’eau, l’énergie, la santé et l’alimentation. À quoi servirait de nourrir les hommes si on les laisse mourir ?» s’est-il interrogé.
Santé et économie : donner une valeur concrète à l’eau
La santé devient dès lors le moteur central du Nexus. Bernd Manfred Gawlik, du Centre commun de recherche de la Commission européenne, a critiqué une tendance poétique s’agissant de la gestion de l’eau. Or celle-ci est une marchandise. Lui donner une valeur monétaire est crucial, comme l’illustre le coût de 10.000 dollars pour expédier un litre d’eau à la Station spatiale internationale, souligne le chercheur.Poussant son raisonnement plus loin, l’expert signale que le concept de Nexus (souvent perçu comme un cadre technique ou académique reliant eau, énergie et alimentation) est trop abstrait pour mobiliser les gens, car toutes les actions humaines sont motivées par la santé. Mais lorsqu’on le relie à l’approche «One Health», qui met en avant le lien entre santé humaine, santé animale et santé des écosystèmes, cela devient concret et universel : on comprend alors que la gestion de l’eau ou de l’énergie est directement liée à notre santé et à notre survie.
Cette conception change notre perspective sur les problèmes. «Quand nous sommes en bonne santé, nous avons beaucoup de problèmes : comment produire les récoltes ? comment les vendre? comment les expédier ? comment produire de l’énergie ?... Mais lorsque nous sommes malades... nous n’avons plus qu’un seul problème», explique-t-il. À ses yeux, le message du Nexus doit rester limpide : «avoir ou ne pas avoir ce verre d’eau, c’est la différence entre vivre et mourir, entre être malade ou en bonne santé».
Ismahane Remonnay, directrice Prospective & Alliances stratégiques de Veolia, a abondé dans ce sens, rappelant que son groupe avait été créé il y a 170 ans non pas pour l’eau ou l’énergie, mais pour protéger la santé humaine (en gérant le choléra). Pour elle, la question de l’engagement du secteur privé ne devrait même plus se poser. «Le secteur industriel est déjà là, et ce depuis longtemps», rappelle-t-elle, soulignant que la santé publique est inscrite dans l’ADN de l’entreprise, bien avant les débats contemporains sur le Nexus ou le concept de One Health.
Ce qui importe désormais, insiste-t-elle, c’est moins de parler que d’agir. «Arrêtons le blabla», lance-t-elle sans détour, appelant à passer d’une logique de discours à une logique d’action concrète. Car les priorités, sur le terrain, sont claires : d’abord l’énergie, puis l’eau, devenue un enjeu mondial à la fois de qualité, de quantité et de valeur économique. Pour l’experte, l’industrie est prête, dotée de solutions technologiques éprouvées et d’une capacité d’innovation mondiale. Mais pour accélérer, encore faut-il «des règles du jeu communes» entre les secteurs de l’eau et de l’énergie. Empruntant une figure métaphorique, elle compare cette nécessaire coopération à une équipe de football : un attaquant ne marque jamais seul. Le secteur privé peut marquer des buts, mais seulement s’il est épaulé par une équipe.
