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Motion de censure : l’opposition s’enlise, l’USFP jette l’éponge

L’expression «la montagne a accouché d’une souris» semble se vérifier ici. Le groupe parlementaire de l’Union socialiste des forces populaires a annoncé son retrait de l’initiative de motion de censure qu’il avait initialement soutenue et appelée de ses vœux. Dans un communiqué au ton ferme, le groupe socialiste d’opposition Ittihadie dénonce l’absence de «volonté réelle et sincère» au sein de l’opposition pour mener à bien ce projet, qui était de toute façon d’emblée voué à l’échec, selon Abdelhafid Adminou, spécialiste en droit constitutionnel. Les détails.

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Agitée sous le nez du gouvernement, la menace n’aura duré que ce que vivent les roses ! L’Union socialiste des forces populaires (USFP) vient de se désolidariser de ses associés de l’opposition, annonçant via un communiqué la suspension de toute coordination concernant la proposition de motion de censure qu’elle portait activement depuis plusieurs mois. Une décision qui met en lumière les tensions et les divergences au sein même de l’opposition face à un gouvernement dont elle dénonce les «dysfonctionnements» et l’incapacité à mener les réformes nécessaires.

L’équipe socialiste, soucieuse de clarifier les raisons de la discorde, déplore un manque de progrès dans la mise en œuvre du mécanisme initialement prévu. Elle pointe du doigt une réticence à avancer, soulignant une propension de «certaines parties» à s’attarder sur des aspects formels, au détriment de l’essentiel. Sans nommer explicitement les responsables, le groupe d’opposition exprime sa déception face à la dégradation des objectifs initiaux de la motion. Celle-ci, conçue comme un «mécanisme de contrôle» et un «exercice démocratique», semble avoir été dévoyée. Les ambitions premières ont cédé la place à une «vision calculatrice et étroite», axée sur des gains rapides et superficiels, au lieu de viser une accumulation réelle et durable.

Tout en reconnaissant que la simple proposition de la motion de censure a «réussi à remuer les eaux stagnantes de la politique dans notre pays», suscitant l’intérêt de diverses couches de l’opinion publique, du gouvernement et des médias, l’USFP affirme refuser de «traiter avec légèreté et manque de sérieux les mécanismes de contrôle constitutionnels» et de «manquer de respect et de considération pour l’opinion publique».

Par la voix de son président, Abderrahim Chahid, le groupe socialiste annonce donc la suspension de toute coordination sur ce dossier. Il affirme néanmoins qu’en tant qu’«opposition unitaire consciente, vigilante et responsable», elle continuera de mener sa mission de contrôle de l’action gouvernementale et des politiques publiques. Un désaveu public qui ne manquera pas de relancer le débat sur la capacité de l’opposition marocaine à agir de manière unie et efficace.

La partie était courue d’avance

Abdelhafid Adminou, politologue, observe une fragmentation de l’opposition, incapable de présenter un front uni dans sa façon de négocier ou de s’opposer au gouvernement. Selon lui, les désaccords profonds, parfois même personnels, entre ses différentes factions ont condamné l’initiative dès le départ. Dans une déclaration au «Matin», ce spécialiste du droit constitutionnel et des institutions politiques a affirmé que les calculs égoïstes des partis rendaient difficile, à la base, l’idée d’une opposition unie, et que les luttes internes pour savoir qui mènerait l’opération avaient naturellement mené à l’échec de cette action censée simplement aider à sortir du marasme politique. D’autant qu’on est à la veille d’un scrutin législatif qui sent la poudre. «Difficile de parler d’une force d’opposition quand les calculs relèvent d’une logique politicienne plutôt que d’une volonté réelle d’embarrasser le gouvernement avec des initiatives comme la motion de censure», souligne-t-il, précisant que le concept d’opposition aujourd’hui est plus théorique que réellement incarné par une action coordonnée.

Au-delà des «calculs politiques étroits», M. Adminou souligne des tensions parfois de nature «personnelle» entre les chefs des partis de l’opposition, comme entre Abdelilah Benkirane, le secrétaire général du Parti de la justice et du développement (PJD), et Driss Lachgar, le premier secrétaire de l’USFP. L’analyste évoque également les différences fondamentales entre l’USFP et le Mouvement populaire (MP), ou encore la position du Parti du progrès et du socialisme (PPS) qui ne lui permet pas de jouer son rôle habituel. M. Adminou a estimé que l’initiative, en tant qu’acte politique, était importante dans le contexte actuel, même si elle ne pouvait, en l’état, entraîner la démission de l’Exécutif, faute de quorum constitutionnel.

«L’opinion publique peut comprendre que l’insuffisance du seuil de voix requis pour une motion de censure soit la principale raison de l’échec de cette action. Mais le fait que cet échec résulte d’un manque de coordination et de dissensions au sein des différentes composantes de l’opposition aura du mal à passer», déplore le politologue. Il souligne également que l’USFP, en se retirant de cette initiative, fait jouer en réalité ces calculs politiques dont il accuse les autres parties. Pour lui, il fallait faire prévaloir un esprit politique positif. «Si un tel esprit existait, il serait possible d’établir des critères et de se mettre d’accord sur des points communs, permettant à l’opposition de suivre une direction unifiée», soutient-il.

Avant que le processus ne s’enlise

L’initiative, basée sur l’article 105 de la Constitution, n’est pas nouvelle. L’USFP rappelle l’avoir proposée dès fin 2023, une idée qu’il a intégrée par la suite dans son rapport politique de janvier 2024. Dès lors, un travail de coordination avec les autres composantes de l’opposition a été entamé. L’équipe socialiste dit avoir été parfaitement consciente que l’opposition ne disposait pas de la majorité absolue des voix pour faire adopter la motion et provoquer la démission du gouvernement. L’objectif affiché était autre : ouvrir un «débat politique serein et responsable» devant les Marocains sur les défis du pays et l’importance des réformes politiques, économiques et sociales pour «renforcer sa voie démocratique et développementale».

Sauf que le cheminement de cette initiative était semé d’embûches. Un premier accord, en avril 2024, pour annoncer l’activation du processus a été enterré par le refus de coordination d’une partie de l’opposition que le communiqué ne nomme pas. En avril 2025, la motion de censure a été de nouveau mise sur la table. Un nouvel accord a été trouvé entre les présidents des groupes de l’opposition pour l’activer, rédiger la note et recueillir les signatures nécessaires.

Cependant, c’est à ce stade que le processus s’est enlisé, selon le communiqué. Après une série de réunions, le groupe socialiste affirme avoir constaté un manque de volonté, certaines composantes ayant préféré entrer dans «des détails subjectifs et techniques sans rapport avec les conventions politiques et parlementaires». D’autres auraient eu recours à la «perturbation de l’initiative par des fuites médiatiques» pour servir leur agenda et «tromper l’opinion publique», noyant l’initiative dans des atermoiements et un gaspillage du temps politique.
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