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Pourquoi la quasi-totalité des Marocains ne font pas confiance aux partis politiques

Près de 95% des Marocains disent ne pas faire confiance aux partis politiques, perçus comme opaques, verrouillés et dominés par l’argent. Le Parlement, le gouvernement, les médias et les syndicats ne suscitent guère plus d’adhésion. C’est ce que révèle un sondage du Centre marocain pour la citoyenneté, qui dresse un diagnostic sévère de l’état de la démocratie représentative à moins d’un an des législatives de 2026.

«94,8% des sondés déclarent ne pas faire confiance aux partis politiques», relève d’emblée le rapport du CMC, qui a interrogé près de 1.200 Marocains durant l’été 2025. Le chiffre, d’une rare sévérité, illustre un rejet généralisé du système partisan, qualifié par le document d’«une crise de confiance sans précédent». Les partis ne sont pas seuls en cause. Le Parlement récolte 89,5% d’avis négatifs, le gouvernement 87,3%, les syndicats 84,7% et les médias 73%. Les auteurs du rapport notent que «Les taux de défiance élevés touchent l’ensemble des institutions, politiques comme sociales, confirmant une tendance lourde vers l’érosion de la légitimité».
Cette crise se traduit aussi dans les pratiques. Plus de 91% des répondants ne sont affiliés à aucun parti, et parmi ceux qui l’ont été, un tiers a fini par se retirer. Les motifs invoqués sont récurrents : «absence de démocratie interne» (33,2%), «marginalisation et exclusion» (22,3%) ou encore «conflits internes» (12,2%). Le rapport souligne que 98% des sondés considèrent que les partis ne respectent pas les principes démocratiques. Loin de s’ouvrir aux jeunes et aux femmes, les formations politiques «se sont enfermées dans des logiques de reproduction des élites et de verrouillage des structures internes», lit-on dans le document.

L’argent, clé de la carrière politique

Autre constat sévère : l’argent est perçu comme la principale clé d’ascension dans l’appareil partisan. Pour 64,3% des sondés, disposer de ressources financières conditionne la promotion interne, loin devant la compétence (57,4%) ou l’expérience militante (21,5%). «Le mérite et l’engagement passent après l’argent et les réseaux personnels, ce qui renforce l’image d’organisations coupées de la société», observe le rapport. Cette logique se prolonge jusque dans les urnes. 77,7% des répondants estiment que la contrepartie financière influence le vote, contre seulement 6,2% qui citent les programmes électoraux. Pour les auteurs, ces résultats font planer une menace claire : «La faiblesse de la participation électorale alimente mécaniquement la montée du populisme et l’érosion du système représentatif.» Déjà en 2021, l’abstention avait atteint des niveaux inédits, elle pourrait être encore plus marquée en 2026. Le rapport note aussi que les réseaux sociaux, en particulier chez les jeunes, se substituent de plus en plus aux partis comme espace d’expression politique. Une évolution qui «accentue l’isolement des formations traditionnelles», incapables de tirer parti du tournant numérique.

Des réformes attendues

Malgré le constat sévère dressé par l’étude, une lueur d’espoir demeure : celle d’un sursaut politique. L’enquête révèle en effet une attente massive de réformes. Près de 90% des participants se prononcent pour une révision en profondeur des lois électorales et des statuts des partis, signe que la demande de changement ne se limite pas à un simple rejet, mais s’accompagne d’une volonté de refonder le système. Les mesures plébiscitées par les sondés dessinent une feuille de route précise. En premier lieu, la limitation des mandats internes à deux périodes est jugée indispensable pour mettre fin à la confiscation des appareils partisans par des figures enracinées depuis des décennies. «La rotation au sein des élites est perçue comme une condition de survie démocratique», souligne le rapport.
Vient ensuite la question cruciale de la transparence financière. L’étude pointe un consensus citoyen pour exiger la publication régulière des comptes des partis et un contrôle indépendant de leur financement. Pour 89,7% des répondants, «lier la responsabilité à la reddition des comptes est le socle de toute reconquête de la confiance». Dans le même esprit, l’encadrement strict des dépenses de campagne et la traque de «l’argent sale» figurent parmi les priorités absolues.
D’autres recommandations touchent à la gouvernance interne : réformer le système des investitures, jugé opaque et soumis à des logiques clientélistes, renforcer le rôle des sections locales dans le choix des candidats, ou encore instaurer des mécanismes plus équitables pour promouvoir les jeunes et les femmes. Enfin, l’étude insiste sur la nécessité de moderniser les pratiques de communication et de proximité. Les auteurs rappellent que l’absence de dialogue permanent avec les citoyens nourrit le sentiment de déconnexion. «Adopter des stratégies de communication modernes, numériques comme de terrain, est désormais vital pour restaurer la crédibilité des partis», peut-on lire dans les recommandations. Ces propositions dessinent une exigence forte : reconstruire la confiance à travers l’éthique, la transparence et l’ouverture. Mais le rapport met en garde : sans une réelle volonté politique et sans pressions citoyennes constantes, ces réformes risquent de rester lettre morte, comme ce fut le cas de nombreuses promesses passées.
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