C'est devant les membres du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire que Hicham Balaoui, procureur général du Roi près la Cour de cassation et président du Ministère public, a dévoilé les contours d'une institution en pleine mutation. Le cadre est solennel, les chiffres sont vertigineux. En cette année 2024, les parquets du Royaume ont enregistré une activité sans précédent, cristallisant à la fois les avancées d'une réforme judiciaire ambitieuse et les tensions d'un système poussé dans ses derniers retranchements. «Ce rapport, le huitième depuis que la présidence du Ministère public a pris en charge la supervision des parquets le 7 octobre 2017, s'inscrit dans la continuité d'un engagement institutionnel constant», a souligné Hicham Balaoui dans sa présentation. Un engagement qui se traduit par des indicateurs de performance remarquables, mais aussi par des alertes récurrentes sur les moyens alloués à une justice en première ligne.
Un ratio préoccupant : 3 procureurs pour 100.000 habitants
Le diagnostic posé par le rapport de la présidence du ministère public est sans appel. À la fin de l'année 2024, le Maroc comptait 1.223 magistrats du parquet répartis sur l'ensemble des juridictions du Royaume. Si ce chiffre représente une hausse de 12,5% par rapport à 2023 – où l'effectif plafonnait à 1.087 magistrats – il demeure largement insuffisant au regard des standards internationaux. La répartition de ces magistrats dessine une pyramide révélatrice des priorités du système judiciaire marocain : 57 procureurs exercent à la Cour de cassation, 311 au niveau des cours d'appel, 729 dans les tribunaux de première instance et 31 au sein des juridictions commerciales.
Pourtant, malgré cette progression numérique, le taux national de représentation du Ministère public ne dépasse pas 3 magistrats pour 100.000 habitants. Un chiffre que le rapport met en perspective avec la moyenne européenne, qui atteint 11 représentants du parquet pour le même échantillon de population. Ce différentiel, loin d'être anecdotique, se répercute directement sur la charge de travail individuelle. Selon les données présentées par Hicham Balaoui, chaque magistrat du parquet a accompli en moyenne 7 635 actes au cours de l'année écoulée. Ramené à l'échelle quotidienne, ce chiffre équivaut à plus de 28 interventions par jour et par magistrat. Un rythme qui interroge sur la soutenabilité du modèle actuel.
Près de 8 millions d'actes : la preuve par les chiffres
Les statistiques compilées dans le rapport traduisent l'ampleur de l'activité déployée par les parquets marocains. Au total, 7.940.098 actes ont été réalisés sur l'ensemble du territoire national en 2024. Cette performance globale se décline en plusieurs volets qui témoignent de la polyvalence des missions confiées au Ministère public. Dans le domaine de la gestion des plaintes, les parquets ont traité 497.052 dossiers, dépassant ainsi le nombre de plaintes nouvellement enregistrées au cours de la même période, soit 481.145. Le taux de réalisation s'établit à 88% du passif en cours et atteint 104% des nouvelles saisines. Cette dynamique vertueuse a permis de réduire l'arriéré, passé de 82.558 plaintes en 2023 à 66.651 en 2024.
Le traitement des procès-verbaux affiche des tendances similaires. Sur un total de 2.423.119 procès-verbaux en circulation, 2.303.029 ont été traités, soit un taux d'accomplissement avoisinant les 95%. Le passif résiduel est passé de 137.311 à 120.090, confirmant l'efficacité des mécanismes de coordination mis en place avec la police judiciaire. «Ces résultats reflètent l'engagement quotidien des magistrats du parquet et l'efficience des dispositifs de suivi instaurés par la présidence du Ministère public», peut-on lire dans le document présenté au Conseil. Une efficience qui se vérifie également dans le domaine de l'exécution pénale, où 473.973 actes ont été accomplis sur un total de 496.211 procédures en cours.
Le traitement des procès-verbaux affiche des tendances similaires. Sur un total de 2.423.119 procès-verbaux en circulation, 2.303.029 ont été traités, soit un taux d'accomplissement avoisinant les 95%. Le passif résiduel est passé de 137.311 à 120.090, confirmant l'efficacité des mécanismes de coordination mis en place avec la police judiciaire. «Ces résultats reflètent l'engagement quotidien des magistrats du parquet et l'efficience des dispositifs de suivi instaurés par la présidence du Ministère public», peut-on lire dans le document présenté au Conseil. Une efficience qui se vérifie également dans le domaine de l'exécution pénale, où 473.973 actes ont été accomplis sur un total de 496.211 procédures en cours.
Détention préventive : le taux le plus bas de la décennie
L'un des enseignements majeurs du rapport 2024 réside dans l'évolution du recours à la détention préventive. En application des orientations de politique pénale définies par la présidence du Ministère public, les parquets ont significativement réduit le recours à cette mesure privative de liberté. Les chiffres sont éloquents : sur les 664.637 personnes déférées devant les parquets pour suspicion d'infractions – 632,855 devant les tribunaux de première instance et 31,782 devant les Cours d'appel –, seules 94.293 ont fait l'objet de poursuites en état de détention, soit 14,19% du total. Le rapport précise que le Ministère public a directement ordonné l'incarcération de 77.148 personnes, tandis que les juges d'instruction en ont placé 17.145 sous mandat de dépôt. Le taux d'incarcération directe imputable au parquet s'établit ainsi à 11,61%.
Cette politique de rationalisation a porté ses fruits : à la fin décembre 2024, la population carcérale s'élevait à 105.094 détenus, dont 31,79% en détention préventive. Il s'agit, selon le rapport, du taux le plus faible enregistré au cours de la dernière décennie. Hicham Balaoui attribue cette évolution à «une approche globale de rationalisation de la détention provisoire, fondée sur le renforcement des mécanismes de suivi statistique, le contrôle de la conformité des mandats de dépôt aux dispositions légales et l'activation des canaux de coordination institutionnelle aux niveaux central et régional». Les alternatives à l'incarcération ont été pleinement mobilisées : 46.309 poursuites ont été engagées moyennant caution financière, et 15.862 procédures de conciliation ont été conclues dans le cadre de l'article 41 du Code de procédure pénale. Par ailleurs, 26.357 procès-verbaux ont été classés sans suite lors de la présentation, représentant 3,97% des défèrements.
Cette politique de rationalisation a porté ses fruits : à la fin décembre 2024, la population carcérale s'élevait à 105.094 détenus, dont 31,79% en détention préventive. Il s'agit, selon le rapport, du taux le plus faible enregistré au cours de la dernière décennie. Hicham Balaoui attribue cette évolution à «une approche globale de rationalisation de la détention provisoire, fondée sur le renforcement des mécanismes de suivi statistique, le contrôle de la conformité des mandats de dépôt aux dispositions légales et l'activation des canaux de coordination institutionnelle aux niveaux central et régional». Les alternatives à l'incarcération ont été pleinement mobilisées : 46.309 poursuites ont été engagées moyennant caution financière, et 15.862 procédures de conciliation ont été conclues dans le cadre de l'article 41 du Code de procédure pénale. Par ailleurs, 26.357 procès-verbaux ont été classés sans suite lors de la présentation, représentant 3,97% des défèrements.
La révolution numérique en marche
L'année 2024 a constitué une étape charnière dans le processus de modernisation de la présidence du Ministère public. La révision de l'organigramme a abouti à la création d'un sixième pôle, dénommé «Pôle de modernisation et systèmes d'information», auquel sont dévolues des missions stratégiques en matière de transformation digitale. Selon le rapport, ce nouveau pôle est chargé «d'élaborer la vision globale de la transformation numérique et de préparer puis exécuter la stratégie digitale de la présidence, en cohérence avec les orientations nationales dans le cadre du projet Maroc Digital 2030». La nouvelle architecture administrative comprend désormais six pôles, dix-sept divisions et soixante-trois unités, outre le cabinet et le secrétariat général.
Les avancées concrètes sont multiples : adoption de la signature électronique dans plusieurs procédures, développement d'applications de suivi des dossiers de contrainte par corps et des mandats de dépôt, mise en place d'interfaces informatiques et de tableaux de bord intelligents pour le suivi en temps réel des affaires, renforcement de l'infrastructure technique et de la cybersécurité. Un guide pratique d'amélioration des enquêtes judiciaires a également été élaboré en coordination avec la Direction générale de la Sûreté nationale et le Commandement de la Gendarmerie Royale. Sur le plan normatif, la présidence du Ministère public a émis dix-neuf circulaires au cours de l'année, portant sur des sujets aussi variés que la mise en œuvre de la loi n°43.22 relative aux peines alternatives, le renforcement de la coopération judiciaire internationale ou encore l'amélioration de la gestion interne des parquets.
Les avancées concrètes sont multiples : adoption de la signature électronique dans plusieurs procédures, développement d'applications de suivi des dossiers de contrainte par corps et des mandats de dépôt, mise en place d'interfaces informatiques et de tableaux de bord intelligents pour le suivi en temps réel des affaires, renforcement de l'infrastructure technique et de la cybersécurité. Un guide pratique d'amélioration des enquêtes judiciaires a également été élaboré en coordination avec la Direction générale de la Sûreté nationale et le Commandement de la Gendarmerie Royale. Sur le plan normatif, la présidence du Ministère public a émis dix-neuf circulaires au cours de l'année, portant sur des sujets aussi variés que la mise en œuvre de la loi n°43.22 relative aux peines alternatives, le renforcement de la coopération judiciaire internationale ou encore l'amélioration de la gestion interne des parquets.
Droits de l'Homme : une vigilance de tous les instants
Le rapport consacre un développement substantiel aux efforts déployés pour prévenir et sanctionner les atteintes aux droits fondamentaux. En 2024, les parquets ont enregistré 150 plaintes relatives à des allégations de violences et 7 plaintes pour torture présumée. Dans un souci de transparence et d'objectivité, 379 examens médicaux ont été ordonnés dans le cadre des enquêtes diligentées.
La dimension préventive n'a pas été négligée. Les magistrats du parquet ont effectué 22.375 visites dans les locaux de garde à vue, 1.116 visites dans les établissements pénitentiaires et 186 visites dans les établissements psychiatriques. Ces chiffres, précise le document, dépassent les seuils légalement prescrits, témoignant d'«une vigilance redoublée des parquets dans l'accomplissement de leurs obligations légales en la matière».
La dimension préventive n'a pas été négligée. Les magistrats du parquet ont effectué 22.375 visites dans les locaux de garde à vue, 1.116 visites dans les établissements pénitentiaires et 186 visites dans les établissements psychiatriques. Ces chiffres, précise le document, dépassent les seuils légalement prescrits, témoignant d'«une vigilance redoublée des parquets dans l'accomplissement de leurs obligations légales en la matière».
Coopération internationale : le Maroc, acteur incontournable
L'activité des parquets s'étend bien au-delà des frontières nationales. Dans le domaine pénal, les parquets marocains ont reçu 322 commissions rogatoires émanant de 35 pays, dont 140 ont été exécutées. En sens inverse, 44 commissions rogatoires ont été émises par les autorités judiciaires marocaines, dont 9 ont abouti. Le taux de notification des plis judiciaires pénaux s'établit à 91% pour les 970 plis reçus et à 90,5% pour les 660 plis émis.
Les parquets ont par ailleurs émis 102 mandats d'arrêt internationaux et traité 125 mandats reçus de l'étranger. Dans le registre de l'extradition, 83 dossiers ont été instruits, dont 54 ont été menés à terme. En matière civile et familiale, 720 plis judiciaires ont été reçus avec un taux d'exécution de 49%, tandis que 87 dossiers d'enlèvement d'enfants au titre de la Convention de La Haye ont été traités, dont 35 ont été résolus. «Ces indicateurs attestent l'engagement effectif des parquets dans l'exécution des obligations internationales du Royaume, contribuant ainsi à l'efficacité de la justice et à la lutte contre l'impunité», souligne le rapport.
Les parquets ont par ailleurs émis 102 mandats d'arrêt internationaux et traité 125 mandats reçus de l'étranger. Dans le registre de l'extradition, 83 dossiers ont été instruits, dont 54 ont été menés à terme. En matière civile et familiale, 720 plis judiciaires ont été reçus avec un taux d'exécution de 49%, tandis que 87 dossiers d'enlèvement d'enfants au titre de la Convention de La Haye ont été traités, dont 35 ont été résolus. «Ces indicateurs attestent l'engagement effectif des parquets dans l'exécution des obligations internationales du Royaume, contribuant ainsi à l'efficacité de la justice et à la lutte contre l'impunité», souligne le rapport.
Les défis à venir : un appel à l'action
Au-delà du bilan, le rapport formule des recommandations opérationnelles articulées autour de trois axes. En matière de ressources humaines, la priorité est donnée au recrutement massif de magistrats pour combler le déficit estimé à 800 postes. Le document insiste également sur la nécessité de recruter des assistants sociaux, appelés à jouer un rôle central dans la mise en œuvre des peines alternatives, ainsi que des spécialistes en statistiques et en informatique.
Sur le plan logistique et technique, le rapport préconise la modernisation du système informatique SAJ2 pour couvrir l'ensemble des phases procédurales, l'aménagement d'espaces d'accueil adaptés dans les tribunaux et le développement d'une interconnexion sécurisée avec la police judiciaire permettant la transmission électronique des procès-verbaux. Quant à l'exécution de la politique pénale, le document appelle à l'adoption rapide du nouveau Code pénal, à la dématérialisation des notifications aux parties, à la mise en place du système «Apostille électronique» et à la création de structures institutionnelles dédiées à la protection des victimes de traite des êtres humains et des femmes et enfants victimes de crimes.
Sur le plan logistique et technique, le rapport préconise la modernisation du système informatique SAJ2 pour couvrir l'ensemble des phases procédurales, l'aménagement d'espaces d'accueil adaptés dans les tribunaux et le développement d'une interconnexion sécurisée avec la police judiciaire permettant la transmission électronique des procès-verbaux. Quant à l'exécution de la politique pénale, le document appelle à l'adoption rapide du nouveau Code pénal, à la dématérialisation des notifications aux parties, à la mise en place du système «Apostille électronique» et à la création de structures institutionnelles dédiées à la protection des victimes de traite des êtres humains et des femmes et enfants victimes de crimes.
Anticorruption, protection de l'enfance, diplomatie judiciaire : les autres révélations du rapport
Le rapport de la présidence du ministère public recèle d'autres enseignements majeurs que nous développerons dans nos prochains numéros. La ligne directe anti-corruption a ainsi enregistré 8.967 appels en 2024, débouchant sur 61 flagrants délits transmis aux juridictions compétentes. Une efficacité qui traduit la confiance croissante des citoyens dans ce dispositif, mais qui pose aussi la question de l'ampleur du phénomène. Par ailleurs, si les violences contre les femmes ont enregistré un recul notable – passant de 29.950 affaires en 2023 à 26.884 en 2024 –, les violences contre les enfants suivent une trajectoire inverse et préoccupante, avec 9.618 affaires recensées et 9.948 victimes mineures identifiées. Une réalité qui interpelle.
Enfin, les 322 commissions rogatoires reçues de 35 pays illustrent le positionnement stratégique du Maroc dans l'architecture de la coopération judiciaire internationale. Entre engagement multilatéral et partenariats bilatéraux, le Royaume affirme sa vocation de hub régional en matière de lutte contre la criminalité transfrontalière. Autant de thématiques que nous approfondirons dans nos prochains numéros, sur la base de ce rapport exhaustif qui dresse un état des lieux sans complaisance de la justice pénale marocaine.
Enfin, les 322 commissions rogatoires reçues de 35 pays illustrent le positionnement stratégique du Maroc dans l'architecture de la coopération judiciaire internationale. Entre engagement multilatéral et partenariats bilatéraux, le Royaume affirme sa vocation de hub régional en matière de lutte contre la criminalité transfrontalière. Autant de thématiques que nous approfondirons dans nos prochains numéros, sur la base de ce rapport exhaustif qui dresse un état des lieux sans complaisance de la justice pénale marocaine.
