Menu
Search
Vendredi 05 Décembre 2025
S'abonner
close
Vendredi 05 Décembre 2025
Menu
Search

Procédure pénale : un collectif appelle à l'arbitrage de la Cour constitutionnelle

Dans un communiqué publié le 14 août, le collectif Rabii Al Karama salue la décision de la Cour constitutionnelle ayant censuré certaines dispositions du Code de procédure civile, mais déplore toutefois le maintien, dans le nouveau Code de procédure pénale, d’articles jugés discriminatoires et attentatoires aux droits fondamentaux. L’alliance féministe et citoyenne appelle à une réforme en profondeur pour garantir une justice équitable et conforme aux engagements internationaux du Maroc.

No Image
La décision rendue récemment par la Cour constitutionnelle, invalidant certaines dispositions du Code de procédure civile jugées contraires à la Loi fondamentale, a suscité une réaction mesurée de la part du collectif Rabii Al Karama. S’il salue une avancée notable en matière de garanties du procès équitable, le collectif n’en exprime pas moins une vive inquiétude face au nouveau Code de procédure pénale adopté par le Parlement. Selon lui, ce texte reconduit des mécanismes discriminatoires qui fragilisent les droits des femmes, entretiennent l’impunité et compromettent les engagements internationaux du Maroc.
Entre satisfaction institutionnelle et inquiétude législative
Dans son communiqué daté du 14 août, le collectif Rabii Al Karama s’est félicité de l’arrêt rendu par la Cour constitutionnelle, estimant qu’en censurant certaines dispositions du Code de procédure civile, la haute juridiction avait contribué à réaffirmer des principes essentiels : le droit à un procès équitable, l’égalité des justiciables devant la loi et la préservation des garanties de la défense. Une telle décision, souligne le collectif, marque une avancée notable dans la consolidation de l’État de droit.

Toutefois, cette satisfaction se double d’une profonde inquiétude. Rabii Al Karama alerte en effet sur la persistance, dans le nouveau Code de procédure pénale, récemment adopté par le Parlement, de dispositions similaires, et parfois plus problématiques encore, que celles censurées dans le domaine civil. À ses yeux, loin de renforcer la protection des droits fondamentaux, ce texte entérine des mécanismes discriminatoires qui risquent de fragiliser davantage l’accès des femmes à la justice et de compromettre la lutte contre l’impunité.

Une philosophie discriminatoire qui fragilise les droits des femmes
Rabii Al Karama relève avec préoccupation que le texte continue de refléter «une philosophie discriminatoire» qui, selon lui, fragilise de manière structurelle les droits des citoyennes et entretient les mécanismes d’impunité. Le collectif insiste particulièrement sur l’absence flagrante de toute prise en considération de la dimension de genre, et ce malgré les appels répétés, depuis des années, du mouvement des droits humains et des associations féminines.

Pour Rabii Al Karama, il ne s’agit pas d’un simple manquement technique ou d’un détail secondaire, mais bien d’une carence qui mine en profondeur la crédibilité du système judiciaire. En écartant la perspective de genre, le Code contribue à reléguer les victimes de violences basées sur le sexe dans une position de marginalité et affaiblit concrètement leurs chances d’accéder à une justice effective. Une telle omission, souligne le collectif, constitue un frein réel à la consolidation de l’État de droit et à l’édification d’un système judiciaire capable de garantir à toutes et à tous une égalité authentique devant la loi.
Les articles 3 et 7 au cœur de la controverse
Le communiqué met en évidence plusieurs failles jugées particulièrement préoccupantes, au premier rang desquelles deux articles emblématiques du nouveau Code. L’article 3 restreint le droit de déposer plainte et d’engager des poursuites à un cercle limité d’acteurs institutionnels, excluant de fait les associations féministes et de défense des droits humains de leur rôle historique d’accompagnement des victimes et de dénonciation des auteurs de violences. Or, rappelle Rabii Al Karama, ces organisations constituent un relais essentiel pour rendre visibles des faits souvent occultés et offrir aux victimes un appui juridique et psychologique. En les écartant du processus, le texte prive de nombreuses femmes d’un soutien déterminant et affaiblit la capacité collective de lutte contre les violences fondées sur le genre.

Dans le même esprit, l’article 7 maintient des restrictions jugées dénuées de justification objective dans l’accès à la justice. Il ouvre, en outre, la possibilité d’un abandon des poursuites dans des conditions propices aux pressions sociales et familiales, lesquelles peuvent pousser des femmes à se résigner à une réconciliation forcée ou à renoncer à leurs droits. Pour le collectif, un tel dispositif n’aboutit pas seulement à fragiliser les victimes, il contribue aussi à banaliser les mécanismes d’impunité et à décrédibiliser la confiance que les citoyennes et citoyens doivent pouvoir placer dans la justice.
L’absence de protection des victimes et des témoins
Le collectif attire également l’attention sur un déficit majeur du nouveau Code : l’absence de dispositions claires et explicites assurant la protection des victimes et des témoins dans les affaires de violences fondées sur le genre. Une telle lacune, souligne-t-il, n’est pas anodine. Elle dissuade en pratique de nombreuses femmes de recourir à la justice, par crainte de représailles, de pressions ou de stigmatisation sociale. Pour Rabii Al Karama, ignorer cette nécessité revient à fragiliser les victimes au moment même où elles cherchent à faire valoir leurs droits. Le collectif rappelle que l’absence de garanties de protection, loin d’être une simple omission législative, sape la confiance des justiciables dans l’institution judiciaire et contribue à l’érosion du sentiment de sécurité juridique.

Des engagements constitutionnels et internationaux compromis
Au-delà des aspects strictement procéduraux, Rabii Al Karama considère que le maintien de dispositions de cette nature constitue un recul préoccupant au regard des engagements constitutionnels et internationaux du Maroc. Le collectif souligne que ces mécanismes discriminatoires ne relèvent pas de simples détails techniques : ils traduisent une contradiction directe avec les principes d’égalité et de justice consacrés par la Constitution, mais aussi avec les obligations internationales que le Royaume a librement acceptées.
Il rappelle, à cet égard, que les Nations unies ont fixé, à l’horizon 2030, un cap clair : l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et des filles. Or, en conservant dans son Code de procédure pénale des dispositions qui restreignent l’accès des victimes à la justice et fragilisent leur protection, le Maroc prend le risque de compromettre la crédibilité de ses engagements et d’affaiblir la confiance des citoyennes et citoyens dans l’effectivité de son système judiciaire.
Un appel à une réforme profonde et à une mobilisation nationale
Au terme de son analyse, Rabii Al Karama en appelle à une action décisive. Le collectif exhorte la Cour constitutionnelle à exercer un contrôle anticipatif sur le nouveau Code de procédure pénale, afin de déclarer inconstitutionnelles toutes les dispositions qui contreviennent aux principes d’égalité et de protection effective des victimes. Il insiste sur le rôle crucial de cette instance dans la préservation de l’esprit de la Loi fondamentale et dans la garantie des droits fondamentaux.

Parallèlement, Rabii Al Karama plaide pour une mobilisation nationale de grande ampleur, capable de susciter une véritable prise de conscience et d’exercer une pression citoyenne constante en faveur d’une réforme authentique. Selon le collectif, l’effort d’harmonisation ne saurait se limiter à l’amendement ponctuel du Code de procédure civile : c’est l’ensemble des textes procéduraux qui doivent être revisités afin d’être mis en cohérence avec la Constitution et avec les engagements internationaux du Maroc. Une telle démarche, conclut le communiqué, constitue une condition incontournable pour bâtir une justice à la fois équitable et protectrice, une justice qui défend la dignité de toutes et de tous, sans distinction ni discrimination, et qui renforce la confiance des citoyennes et citoyens dans l’institution judiciaire.
Lisez nos e-Papers