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Résolution 2797 : un tournant diplomatique dans un espace géopolitique encore mouvant (Rapport)

Reconnaissance explicite de l’autonomie, abandon du référendum, repositionnement d’Alger… selon le Moroccan Institute for Policy Analysis (MIPA), la résolution 2797 adoptée le 31 octobre 2025 par le Conseil de sécurité de l’ONU change radicalement la donne dans le dossier du Sahara. Un basculement d’ampleur, porteur d’opportunités historiques pour le Maroc, mais qui reste suspendu à de lourds héritages politiques et à des tensions régionales persistantes.

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C’est la première fois que le Conseil de sécurité reconnaît sans ambiguïté l’initiative marocaine d’autonomie, proposée en 2007, comme unique base de solution politique, sous souveraineté marocaine. Une rupture nette avec les formulations antérieures. «La résolution exclut les autres options, y compris celle du référendum portée par le Polisario, en rupture avec les résolutions précédentes», analysent les auteurs du rapport, Mohammed Masbah et Saïd Saddiki. Pour le MIPA, ce tournant marque «la montée en puissance de la proposition marocaine comme option réaliste et durable».



Ce repositionnement offre, selon les chercheurs, «une fenêtre de possibilité rare» pour sortir de l’impasse diplomatique qui dure depuis un demi-siècle. Mais il implique également un réalignement des postures régionales, à commencer par celle de l’Algérie, désignée pour la première fois comme «partie essentielle au conflit». Le MIPA voit là une opportunité pour engager une logique coopérative entre Rabat et Alger, à condition que cette dernière s’implique «de manière constructive» dans le processus. Ce nouveau cadre pourrait également réactiver des mécanismes d’intégration régionale. Le rapport évoque ainsi l’Initiative Atlantique lancée par le Maroc en 2023, qui pourrait offrir à l’Algérie des «avantages géopolitiques sur la façade atlantique», comme l’avait suggéré Sa Majesté le Roi Mohammed VI dans Son discours de novembre 2024.

Affirmation marocaine, flottement algérien, isolement des Sahraouis Au niveau interne, la résolution 2797 agit comme un catalyseur politique. «Elle renforce la légitimité de la Monarchie, acteur central de la diplomatie saharienne», souligne le MIPA. Le ministre des Affaires étrangères, Nasser Bourita, a lui-même salué le «suivi personnel et constant de Sa Majesté Roi Mohammed VI du dossier». Cette reconnaissance internationale se double d’une réappropriation nationale forte. Des scènes de joie ont émaillé les villes marocaines dès l’annonce du vote. Et l’État a entériné cette dynamique en décidant de faire du 31 octobre une journée nationale. «Le 31 octobre prend ainsi une dimension comparable à celle de la Marche Verte», souligne le rapport.

Mais pendant que le Maroc consolide sa position, ses voisins réajustent leurs discours. L’Algérie, d’abord virulente, a accusé le Conseil de sécurité de favoriser l’approche marocaine «au détriment du processus classique de décolonisation». Mais très vite, le ton a changé. «Les déclarations algériennes ont progressivement évolué vers une relecture plus souple du texte», observe le MIPA. Le ministre algérien des Affaires étrangères, Ahmed Attaf, a même reconnu que certains éléments portés par le Polisario pourraient être lisibles en filigrane dans la résolution. Donc après le rejet en bloc du texte, on se résigne à en faire une lecture tendancieuse quitte à se livrer à des interprétations contorsionnées. Ce changement de ton semble dicté par un contexte diplomatique peu favorable. Ni la Russie ni la Chine n’ont soutenu la position algérienne. Les États-Unis, eux, apparaissent plus que jamais comme les parrains du nouveau cadre. Dans ce jeu de pressions croisées, le recalibrage algérien relève moins de l’adhésion que d’un réflexe d’adaptation.

Côté sahraoui, le discours reste figé. Le Polisario a dénoncé la résolution comme une «légitimation de l’occupation militaire marocaine» et refusé toute négociation fondée sur l’autonomie. Mais le rapport note une réalité moins nuancée : «Il est peu probable que le Polisario opte pour l’escalade militaire, compte tenu du déséquilibre des forces et du contexte international». D’autant qu’un projet de loi déposé au Congrès américain propose de classer le mouvement comme organisation terroriste étrangère. Si ce texte est adopté, il pourrait redessiner la carte des alliances et couper l’accès du Polisario à plusieurs soutiens internationaux. Dans cette configuration mouvante, le MIPA identifie trois priorités stratégiques pour Rabat : d’abord, renforcer les reconnaissances internationales via l’ouverture de consulats et l’ancrage d’investissements étrangers dans les provinces du Sud ; ensuite, tester les voies d’un dégel algéro-marocain par des canaux directs ou par l’entremise de partenaires comme les États-Unis ; enfin, finaliser une nouvelle mouture du projet d’autonomie, plus détaillée, en concertation avec les forces politiques nationales.

Mais quel modèle pour cette autonomie ?

Le MIPA invite à regarder du côté de l’Espagne, avec son système de régions dotées de pouvoirs larges sans remettre en cause l’unité de l’État. L’Italie offre une autre piste, plus limitative : elle reconnaît un statut d’autonomie à certaines régions, selon des critères historiques et culturels. Deux approches dont le Maroc pourrait s’inspirer pour combiner souplesse et maîtrise institutionnelle. Mais l’avenir de cette dynamique dépend surtout du terrain régional. Le MIPA alerte sur trois freins majeurs : l’héritage non réglé des frontières entre le Maroc et l’Algérie ; l’investissement politique algérien de longue date dans le soutien au Polisario, difficile à remettre en question sans coût interne ; et une méfiance mutuelle tenace entre les deux pays, nourrie par des décennies de rivalité stratégique. Malgré cela, les auteurs parlent d’une «fenêtre de désescalade partielle». L’intérêt américain pour un apaisement bilatéral, la baisse de l’influence russe et un contexte international plus réaliste créent une conjoncture favorable. Encore faut-il la saisir. Car la résolution 2797, aussi décisive soit-elle, ne solde pas le conflit. Elle redessine les contours de la solution. «Cette résolution n’est pas la fin du chemin, mais le début d’un nouveau cycle», conclut le MIPA. Un cycle plus exigeant, où chaque pas compte.
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