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Révision du cadre électoral : l'USFP dévoile sa vision

Après avoir fait mystère, durant des semaines, de ses propositions de réforme du cadre électoral, préférant dialoguer directement avec le ministère de l'Intérieur plutôt qu'avec l'opinion publique, l'Union socialiste des forces populaires (USFP) a organisé, mardi 16 septembre 2025, une conférence de presse pour décliner sa vision, mais aussi ses préoccupations. Le parti de la Rose a présenté un mémorandum de 46 propositions réparties en quinze axes, dont une section révolutionnaire consacrée à l'intelligence artificielle, au numérique et aux dangers qu’elle renfermerait en termes de manipulation et de désinformation.

Dans le cinquième étage du siège central de l'Union socialiste des forces populaires (USFP) à Rabat, représentants des médias, universitaires, chercheurs en droit public, mais également militants du parti ont pris place, tôt le matin de ce mardi 16 septembre 2025, à la salle des réunions du parti pour assister à une rencontre de presse attendue depuis des semaines. En effet, après des semaines de consultations, tenues secrètes, avec le ministère de l'Intérieur, le parti de la rose vient enfin de dévoiler ses batteries. «Nous avons préféré dialoguer avec notre interlocuteur institutionnel plutôt qu'avec l'opinion publique», avait laissé entendre la formation socialiste, avant de convoquer finalement les médias pour exposer ses ambitions s’agissant de la révision de l'arsenal juridique relatif aux élections.

C'est le premier secrétaire de l’USFP, Driss Lachgar, qui a ouvert les débats, précisant d'emblée que son parti fut «le premier à soumettre le mémorandum le 22 août 2025», dans le cadre des consultations menés par le ministre de l’Intérieur avec les formations politiques marocaines. Un engagement précoce qui témoigne de l'enjeu stratégique, indique le chef du parti, en laissant entendre que le draft final issu de ces consultations devra être prêt fin septembre, avant la rentrée politique prévue le deuxième vendredi d’octobre.

Une démarche participative au service de l'ambition démocratique

Selon le parti, la genèse de ce mémorandum révèle une méthodologie rigoureuse, presque chirurgicale, dans l'approche des questions électorales. «Après les discours Royaux et les consultations début août avec le ministre de l'Intérieur, le Bureau politique a mis en place des commissions fonctionnelles» couvrant la représentativité féminine, la jeunesse, le découpage électoral et les listes électorales, a expliqué Driss Lachgar lors de la conférence de presse.

L'USFP a ainsi mobilisé ses secrétaires régionaux, créant une «dynamique ascendante», a-t-il expliqué. «Une commission spécialisée sur l'intelligence artificielle et la révolution numérique» fut également constituée, anticipant «l'effet de l'IA sur les élections à venir». Mohamed Mohib, figure du parti et «doyen des interlocuteurs du ministère de l'Intérieur», ainsi que l’a présenté M. Lachgar, a tenu à préciser qu’il s'agit «du neuvième mémorandum» de l'USFP, s'inscrivant dans «le processus de réformes présentées par le parti par le passé à l’effet d’améliorer les élections». Pour M. Mohib, cette continuité historique confère une légitimité particulière aux propositions actuelles, d'autant que le parti revendique avoir toujours fait de «la démocratie une question centrale».

Supervision électorale

Le mémorandum de l’USFP s'ouvre sur un chantier fondamental : la supervision électorale. Le parti préconise «la réactivation de la Commission nationale pour les élections». Cette instance serait chargée de veiller «à la probité, l'intégrité et la transparence de toutes les phases électorales au niveau national». Innovation institutionnelle majeure, le parti propose la création de «commissions régionales et provinciales pour les élections», calquées sur le modèle national. Ces structures décentralisées auraient vocation à assurer «l'accompagnement et le contrôle des différentes phases du processus électoral», depuis l'établissement des listes électorales générales jusqu'à la proclamation des résultats. Cette architecture pyramidale répond à une logique de territorialisation du contrôle électoral, permettant une surveillance rapprochée des opérations de vote, explique-t-on.

Listes électorales : automatisation et inclusion

L'USFP ambitionne une refonte complète du système d'inscription électorale. Le parti propose «l'établissement de nouvelles listes électorales générales» basées sur la base de données de la carte d'identité nationale, gérée par la Direction générale de la Sûreté nationale. Cette dématérialisation permettrait «l'inscription automatique et systématique des jeunes ayant atteint l'âge de 18 ans avant la date des élections». L'attribution d'un «numéro électoral fixe et permanent à chaque électrice et électeur» constituera selon l’USFP, une avancée technique considérable, facilitant le suivi longitudinal des inscriptions et réduisant les risques de doublons. Cette mesure proposée s'accompagne d'un «dépôt immédiat d'une copie des listes électorales générales» auprès des greffes des tribunaux de première instance compétents. La dimension inclusive de cette réforme transparaît dans l'attention portée aux Marocains résidant à l'étranger (MRE). L'USFP préconise «l'adoption de listes électorales générales pour les Marocains du monde dans les consulats», avec des «mécanismes simplifiés» pour leur permettre une «participation effective aux opérations électorales».

Découpage électoral : des «déséquilibres à corriger»

Le découpage électoral, nerf de guerre de toute réforme électorale, fait lui aussi l'objet de propositions audacieuses. L'USFP considère que «le découpage électoral n'est pas un simple décret organisationnel ou une procédure technique, mais un cadre réel et effectif de représentation démocratique». Le parti propose dès lors des circonscriptions locales, des circonscriptions dédiées aux femmes, et des circonscriptions pour les Marocains du monde. Cette segmentation vise à «corriger les déséquilibres du découpage électoral actuel» tout en garantissant «l'égalité représentative et l'efficacité nécessaire».

L’USFP propose que la répartition des circonscriptions s'appuie sur «le critère du nombre d'habitants selon le dernier recensement général de la population de 2024», introduisant une logique démographique rigoureuse. L'USFP préconise également la «modification de l'article 2 de la loi organique n°27.11 relative à la Chambre des représentants» pour permettre la fusion des petites circonscriptions électorales.

Représentativité féminine : vers le tiers constitutionnel

Le souci de l'USFP d’instaurer une véritable parité se traduit par des propositions concrètes et chiffrées. Le parti souhaite «porter la représentativité des femmes à la Chambre des représentants au tiers (132 sièges)» comme étape vers la parité constitutionnelle. Cette progression s'appuierait sur la création de «circonscriptions dédiées aux femmes», avec des seuils variant entre 4 et 7 sièges. Le mécanisme incitatif imaginé par l'USFP lie le financement public des partis à leur performance en matière de représentativité. Le parti propose de «considérer la représentativité politique des femmes et des jeunes dans les institutions électorales lors de l'octroi du soutien annuel aux partis», suivant une logique de récompense financière.

Participation des MRE : une circonscription dédiée

L'USFP franchit un pas décisif en proposant la création d'une «circonscription électorale» spécifiquement dédiée aux Marocains résidant à l'étranger. Cette innovation institutionnelle s'accompagne de «l'inscription automatique et systématique des MRE dans les listes électorales générales des consulats» et de «l'adoption du vote direct dans les bureaux agréés des ambassades et consulats concernés». Cette proposition répond à une demande récurrente de la diaspora marocaine, longtemps privée d'une représentation parlementaire directe.

Campagne électorale : moralisation et régulation

Le chapitre consacré aux campagnes électorales révèle une préoccupation centrale : la lutte contre l'achat des votes. L'USFP demande expressément «la révision des dispositions légales permettant aux candidates et candidats de recourir à des employés rémunérés», considérant que cette pratique s'est «transformée en processus d'achat de votes» lors des derniers scrutins. Mohamed Mohib dénonce avec virulence ce qu'il qualifie de «décret légitimant le nombre de prestataires de services», appelant à «abroger cette disposition» qui «représente un achat de voix». L'USFP propose également d'encadrer strictement les sondages d'opinion, préconisant leur interdiction «en l'absence d'une loi organisant les sondages d'opinion publique», afin d'éviter toute manipulation de l'électorat.

Digitalisation et intelligence artificielle : l'enjeu du XXIe siècle

La section la plus novatrice du mémorandum concerne l'intelligence artificielle et la transformation numérique. L'USFP y consacre 32 propositions spécifiques, témoignant d'une prise de conscience aiguë des défis technologiques contemporains. Le parti considère que «l'une des principales menaces pour la démocratie émergente est la transformation de l'intelligence artificielle en outil de domination numérique».

Cette approche prospective identifie quatre risques majeurs : l'exploitation des données des citoyens «à leur insu pour orienter leurs choix», l'utilisation de «l'argent politique pour acheter des services algorithmiques contrôlant le contenu présenté aux électeurs», la création de «comptes fictifs et robots influents produisant du contenu manquant d'intégrité et de transparence», et la «diffusion de fausses nouvelles et d'informations trompeuses assistées par l'intelligence artificielle».

Face à ces défis, l'USFP préconise l'élaboration d'une «loi-cadre nationale régulant l'usage de l'intelligence artificielle dans le domaine politique», la création d'une «autorité nationale de surveillance numérique indépendante du gouvernement», et l'adoption d'une «charte nationale entre partis politiques» signée avant le début de la campagne électorale.

Sanctions et incompatibilités

L'USFP propose de «considérer les bulletins de vote et procès-verbaux des bureaux comme des documents officiels» passibles des mêmes sanctions que celles prévues par le Code pénal en matière de falsification. Le parti préconise également un «durcissement des sanctions dans le domaine électoral» et un élargissement des cas d'incompatibilité «pour empêcher le cumul de responsabilités électives multiples».

Innovation procédurale notable, l'USFP propose de limiter l'exercice des recours électoraux aux seules «personnes ayant un intérêt, comme les candidats de la circonscription ou les partis politiques», afin d'éviter l'engorgement judiciaire observé lors des scrutins précédents. L'USFP n'oublie pas le rôle crucial des médias dans le processus démocratique. Le parti propose une «révision du mode d'utilisation des médias audiovisuels publics» pour les rendre «plus proches et interactifs avec les citoyens pendant les campagnes électorales».

Financement équitable : la représentativité comme critère

Le mémorandum de l’USFP introduit une conception renouvelée du financement public des partis. L'Union propose d'adopter «des critères précis permettant aux formations politiques de bénéficier d'un financement équitable tenant compte de leur taille représentative», avec une classification affinée distinguant les partis selon leur implantation parlementaire. Cette approche vise à dépasser la logique binaire actuellement en vigueur, pour introduire une gradation plus nuancée du soutien public, favorisant l'émergence de nouvelles forces politiques tout en consolidant les formations établies.
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