Faut-il craindre les personnes atteintes de troubles mentaux dans l’espace public ? La question dérange, mais les chiffres rendus publics par le ministre de l’Intérieur Abdelouafi Laftit imposent le débat. Selon les données qu’il a communiquées, 254 affaires criminelles impliquant des personnes souffrant de troubles mentaux ont été enregistrées au Maroc durant les cinq premiers mois de 2025, aboutissant à l’arrestation de 255 individus. Un constat préoccupant qui met en lumière les limites actuelles du suivi psychiatrique dans l’espace public.
Une recrudescence inquiétante des cas
Dans une réponse écrite à une question posée par la députée Khadija Ourhal, du groupe du progrès et du socialisme, Abdelouafi Laftit a dévoilé une évolution préoccupante des crimes commis par des malades mentaux. En 2023, 246 affaires de ce type avaient été recensées, avec 254 interpellations. Ce chiffre a presque doublé en 2024, atteignant 475 affaires et 435 arrestations. Une tendance à la hausse qui alarme les autorités, confrontées à une problématique aussi sensible que complexe.
Un encadrement légal ancien, mais toujours en vigueur
Le ministre a rappelé que les autorités locales, dans les différentes provinces et préfectures du Royaume, agissent en application du dahir du 10 avril 1959, relatif à la prévention et au traitement des maladies mentales, ainsi qu’à la protection des personnes atteintes. Ce texte, toujours en vigueur, encadre l’action des services de l’État en matière de prise en charge psychiatrique. L’intervention se fait en coordination avec les structures de santé, les forces de l’ordre, les collectivités territoriales et les familles des malades.
Des campagnes régulières pour prévenir les dérapages
Pour prévenir les comportements agressifs dans l’espace public, les autorités organisent des campagnes régulières – fixes ou mobiles – dans les zones les plus fréquentées par les citoyens et les touristes. Ces opérations visent à repérer et transférer vers des établissements spécialisés les personnes présentant des signes de troubles mentaux, afin d’éviter des passages à l’acte potentiellement dangereux pour autrui ou pour elles-mêmes.
Le drame de Taroudant ravive les peurs
Cette communication intervient alors que la ville de Taroudant a été secouée par un drame terrible. Le samedi 10 mai 2025, un jeune homme a été tué sur le coup par un individu souffrant de troubles mentaux. L’agresseur, connu dans le quartier et vivant sur les lieux mêmes du drame, a frappé mortellement la victime à la tête à l’aide d’une pierre. Un acte brutal qui a plongé les habitants dans la stupeur.
Le meurtrier hospitalisé deux jours auparavant
Le ministre de l’Intérieur a précisé que l’auteur du crime avait été orienté, deux jours avant les faits, vers les services psychiatriques du centre hospitalier provincial Mokhtar Soussi, le 8 mai 2025. Malgré cette prise en charge, le drame n’a pu être évité. M. Laftit a néanmoins qualifié cet incident de «cas isolé dans le temps et dans l’espace», en appelant à ne pas généraliser.
Une urgence sanitaire et sociale
Face à la multiplication des cas et à la peur qu’ils suscitent dans l’opinion publique, une réflexion d’envergure s’impose sur le système de santé mentale au Maroc. L’enjeu n’est pas seulement sécuritaire : il est avant tout humain. Améliorer la prévention, renforcer les moyens des structures spécialisées, assurer un meilleur suivi des malades et garantir leur dignité tout en protégeant la société sont désormais des priorités pressantes.
