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Séisme d’Al Haouz : le commentaire incongru de Benkirane fissure le PJD

Le communiqué ayant sanctionné la réunion du secrétariat général du Parti de la justice et du développement n’en finit pas de susciter des réactions réprobatrices. Et pour cause, ce document établit le lien entre «les péchés en politique» et le séisme du 8 septembre dernier. Le rapprochement est tellement incongru que des figures emblématiques du parti ont pris leur distance avec les propos de Abdelilah Benkirane.

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Le communiqué publié à l’issue de la réunion du secrétariat général du Parti de la justice et du développement (PJD) n’est pas passé inaperçu. Certes, le document a mis en avant la gestion efficace par les pouvoirs publics de cette catastrophe, de même qu’il a relevé l’exceptionnel élan de solidarité ayant animé toutes les composantes du peuple marocain face à ce désastre, mais un passage de quelques mots a provoqué une onde de choc dont la portée est encore difficile à cerner pour le moment. Une chose est sûre toutefois : les dégâts au sein même de cette formation politique sont déjà visibles. De quoi s’agit-il exactement ?

>>Lire aussi : Séisme d’Al Haouz : le PPS, l’USFP et le PJD saluent la pertinence de la réponse des pouvoirs publics

Ce document officiel, rédigé le 24 septembre dernier au nom des 18 membres du secrétariat général, l'organe dirigeant du parti présidé par Abdelilah Benkirane, établit un lien entre le récent séisme du 8 septembre et «nos péchés et notre inconduite, non seulement sur le plan individuel, mais dans l’exercice de la politique et de la gestion de la chose publique». Le parallèle est clair et ne souffre aucune ambiguïté. Ce tremblement de terre «serait aussi la conséquence des péchés de la vie politique», selon M. Benkirane. Il n’en fallait pas plus pour que les réseaux sociaux s’enflamment et pour que les réactions réprobatrices fusent de toute part, y compris parmi des membres affiliés au parti de longue date.

Abdelkader Amara quitte le PJD, Mohammed Yatim désapprouve



Le premier à réagir a été Abdelkader Amara, membre fondateur du PJD, ancien trésorier du parti et deux fois ministre. Sa réaction a été particulièrement surprenante, car il a annoncé purement et simplement sa démission du parti de la lampe en réaction aux propos de Abdelilah Benkirane tels qu'ils ont été relayés dans le communiqué du secrétariat général. D'autres personnalités du PJD n’ont pas manqué de réagir. C’est le cas Mohamed Yatim, un autre membre fondateur du parti et ancien compagnon de Abdelilah Benkirane, souvent qualifié de philosophe du PJD en raison de ses études en philosophie et en pensée islamique. M. Yatim a rejeté la comparaison faite par Benkirane et la présentation du séisme comme une punition divine infligée à ceux qui désobéissent aux commandements divins. Cette réaction a également été partagée par d'autres, notamment l'ancien ministre de l'Enseignement supérieur, Khalid Samadi, ainsi que l'ancien élu très actif dans la région de l'Oriental, Abdelaziz Aftati.

Saad Dine El Otmani avait pourtant mis en garde contre les raccourcis



Ironie de l’histoire, l’incartade de Abdelilah Benkirane intervient quelques jours seulement après un long article de l’ancien chef du gouvernement et ancien secrétaire général du PJD, Saad Dine El Otmani, dans le lequel il met en garde contre tout rapprochement entre le séisme d’Al Haouz et la colère divine. En effet, le 16 septembre 2023, M. El Otmani avait publié une longue tribune sur le site officiel du parti, intitulée «Les tremblements de terre et les catastrophes entre l'épreuve et la punition».
Dans cet article, M. El Otmani dénonce le fait que «depuis le dernier séisme qui a frappé le Maroc, causant douleurs et tragédies, certaines voix se sont manifestées pour interpréter cette catastrophe comme un châtiment divin. Malheureusement, cette conception est encore très répandue dans notre culture et notre compréhension de la religion», a-t-il expliqué. Et de préciser que «cette conception est le résultat d'une mauvaise interprétation des textes coraniques et des hadiths prophétiques, ainsi que d'une méconnaissance des règles scientifiques expliquant les catastrophes».

Saad Dine El Otmani désapprouve

Pour Saad Dine El Otmani, les partisans de ce discours commettent au moins trois erreurs. Premièrement, ils font preuve d'audace envers Dieu en parlant en Son nom et en prêtant à l’Être suprême telle action ou telle intention, sachant que personne ne peut ni n’a le droit de le faire, écrit-il. Deuxièmement, une telle interprétation porte préjudice aux milliers de victimes et de blessés qui ne portent aucune responsabilité dans la survenue du séisme. «C'est un destin qu'il faut subir avec compassion et dignité dans le respect total pour les victimes». Troisièmement, s’adonner à ce genre de réflexion détourne de l'obligation consistant à réconforter les rescapés et les familles des victimes, à faire preuve de solidarité et à aider ceux qui ont besoin de secours.

L’article de M. El Otmani, dont l’érudition en matière de fikh n’est pas à prouver (il est auteur de plusieurs livres en la matière et il a siégé par le passé au bureau exécutif de l'Association de la Rabita des oulémas de Dar Al Hadith Al Hassania), sonne comme un rappel à l’ordre pour M. Benkirane, qui visiblement n’a pas pris la peine de le lire avant de «commettre» son communiqué du 24 septembre dernier.

Lien entre le séisme et châtiment divin : Benkirane s’explique

Après le tollé provoqué par le communiqué du secrétariat général du PJD, Abdelilah Benkirane a fait une sortie via la chaîne TV du parti pour mieux expliciter sa pensée et préciser les nuances inhérentes au rapprochement fait entre le châtiment divin et le séisme du 8 septembre. À cet égard, il a tenu à souligner qu’en parlant de «péchés», il ne parlait pas des victimes ou des rescapés auxquels il «voue respect et compassion». «J’ai dit que les catastrophes POURRAIENT être expliquées par les péchés. En tant que musulman, en cas de drame, on répète : nous sommes à Allah et à Lui nous retournons. Retourner à Allah c’est se remettre en question. Et ça, tout musulman doit le faire dans l’heur et le malheur», a-t-il souligné.

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