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Lundi 20 Mai 2024
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Un bilan politique mi-figue mi-raisin en 2023 selon Mustapha Sehimi

En guise de bilan politique de 2023, le politologue Mustapha Sehimi affiche un satisfecit tout en nuances. C’est une année politique difficile, explique-t-il, marquée par nombre de projets inaboutis, en dehors du chantier de État social porté par le Souverain.

Mustapha Sehimi.
Mustapha Sehimi.
C’est l’heure des bilans ! En cette fin
d’année, il est opportun d’analyser les faits politiques, économiques et sociaux ayant marqué l’année qui s’achève, mais également d’anticiper les perspectives de l’année prochaine. C’est dans cette optique que L’Info en Face, émission débat du Groupe Le Matin, a programmé un spécial «Rétro’Prospective» 2023 avec des analystes de la scène politique, sociale et économique nationale.

Le premier épisode de ce spécial est consacré au bilan politique avec le politologue et professeur de droit, Mustapha Sehimi. En fin connaisseur de la scène politique marocaine, ce dernier est plutôt critique par rapport à la dynamique politique au Royaume. Il a dans ce sens émis un certain nombre d’interrogations et de constats pour expliquer son point de vue.

«Le Cabinet Aziz Akhannouch arrive cette année à mi-mandat, si l’on considère que 2026 sera une année des élections. On est donc en droit de s’interroger si ce gouvernement arrivera à mener à terme les chantiers de réforme lancés», indique M. Sehimi. Il tient toutefois à rappeler que les grands chantiers qui ont marqué cette année étaient principalement orientés vers la consolidation de l’État social et ont tous été initiés et impulsés par Sa Majesté le Roi Mohammed VI. «Je suis interrogatif, je pense qu’il manque à ce cabinet une forte volonté réformatrice. Toutes les grandes réformes sont initiées par le Souverain dans le cadre de Sa vision de l’État social. Et si le chantier de la protection sociale avance, d’autres sont en suspens ou pas entamés», indique le politologue. Il cite à ce sujet le projet de création d’un mécanisme d’accompagnement en faveur de la diaspora marocaine, la réforme de la fiscalité, la lutte contre la corruption, la réforme du Code pénal, la régionalisation avancée et la question de l’éducation. Et de conclure : L’État social, on n’en est pas là encore !

Quelle gestion de l’inflation ?

Le grand défi du gouvernement Akhannouch en 2023 a été la tendance inflationniste. La question est donc de savoir si le gouvernement a bien géré l’inflation et le problème de la cherté de la vie. «Le choc inflationniste n’a pas été jugulé, on va finir l’année avec un taux de 5%. Les produits de grande consommation, c’est-à-dire le panier de la ménagère, accusent une hausse de 10 à 15%», note l’invité de L’Info en Face. Selon lui, plusieurs raisons exogènes peuvent expliquer cette situation, notamment la logistique, les prix des carburants et des intrants.

Toutefois, le politologue épingle une autre raison sur laquelle, selon lui, le gouvernement n’est pas parvenu à agir. «La chaîne de commercialisation pose problème. Ce gouvernement, comme d’autres, ne s’est pas attelé à la réforme de la chaîne de commercialisation et notamment aux structures intermédiaires qui pénalisent le consommateur final. Le gouvernement n’y arrive pas parce que dans cette chaîne de commercialisation qui nourrit l’inflation, il y a une économie de rente. Ce sont principalement les intermédiaires qui n’investissent pas et qui se remplissent les poches au détriment du consommateur. Pour réussir cette réforme du système de commercialisation, le gouvernement doit avoir la capacité d’arbitrage nécessaire pour déployer les mesures nécessaires», explique l’invité.

Le gouvernement manque d’élan selon Sehimi

Très attendu sur de grands chantiers annoncés dans leur programme, ce gouvernement est, selon Mustapha Sehimi, dans une situation difficile et manque d’élan pour aller jusqu’au bout des réformes.

L’analyste évoque également une problématique de fragmentation du travail gouvernemental en citant des dossiers censés être gérés par certains départements et qui se retrouvent entre les mains du Chef du gouvernement. En parallèle, M. Sehimi fait le bilan d’une majorité qui n’est pas très forte.

«La coalition majoritaire ne fonctionne pas dans des conditions optimales. La charte de la majorité est presque mise de côté, ce qui se reflète par un manque de concertations et de réunions entre les partis politiques. Il y a aussi le point relatif aux déclinaisons régionales des principes de base de la charte de la majorité qui n’avance pas», souligne l’analyste.

Politiques interne et externe avancent à deux vitesses

Saluant la dynamique de la diplomatie marocaine, Mustapha Sehimi relève un «déphasage entre la politique interne et internationale». Il explique ainsi qu’en interne il y a un certain nombre de dossiers qui doivent être traités et pour lesquels le gouvernement doit faire un arbitrage qui répond à une vision. «La difficulté pour ce gouvernement tient au fait qu’il n’arrive pas à inscrire l’addition des politiques publiques sectorielles dans une approche globale», ajoute l’expert. De plus, les partis politiques de la majorité, note l’invité, avaient peu d’activités organiques en 2023 et certains vivent au rythme de tensions internes. Et ce n’est guère mieux du côté de l’opposition.

Il note toutefois l’action de l’USFP qui semble reprendre sa place au sein de l’opposition et se rapproche du PPS. Le MP qui joue son rôle d’interpellation du gouvernement, mais l’UC qui reste inaudible, souligne le politologue. n
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