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Cancer du col de l’utérus : état des lieux, symptômes et traitements...

Dédié à la sensibilisation au cancer du col de l’utérus à l’échelle mondiale, le mois de janvier rappelle l’urgence d’agir. «Avec plus de 3.300 nouveaux cas et près de 2.500 décès chaque année au Maroc, cette maladie demeure un fléau», explique le Pre Fadila Kouhen, professeur en oncologie-radiothérapie à l’Université Mohammed VI des sciences et de la santé et praticienne aux Hôpitaux universitaires Cheikh Khalifa et Mohammed VI. Dans cet entretien, cette experte détaille les causes, les symptômes à surveiller et les traitements disponibles, tout en mettant l’accent sur les solutions à privilégier pour s’en prémunir.

Le Matin : Le cancer du col de l’utérus : quel état des lieux au Maroc et quelles en sont les principales causes ?

Pre Kouhen Fadila : Je tiens tout d’abord à préciser que le cancer du col de l'utérus est une maladie en grande partie évitable grâce à des mesures de prévention efficaces, telles que la vaccination et le dépistage systématique. Cependant, malgré la disponibilité de ces outils, le cancer du col de l'utérus continue d'affecter des milliers de femmes, particulièrement dans les pays à revenu limité. Cela met en lumière les défis rencontrés dans la mise en œuvre effective de ces stratégies de prévention, tels que l'accès limité aux soins, les disparités socio-économiques et les lacunes dans la sensibilisation et l'éducation sanitaire. Au Maroc, le cancer du col de l’utérus se classe au quatrième rang des cancers féminins les plus fréquents, après ceux du sein, de la thyroïde et colorectal. Il représente 6,5% des cas de cancers chez les femmes. Selon les données du registre du Grand Casablanca pour la période allant de 2018 à 2021, ce cancer touche environ 8,7 femmes pour 100.000 chaque année. Au niveau national, on recense environ 3.300 nouveaux cas chaque année et près de 2.500 décès liés à cette maladie. Le cancer du col de l’utérus se développe dans les cellules du col de l’utérus, la partie inférieure de l’utérus qui s’ouvre sur le vagin. La majorité des cas sont causés par une infection persistante par certains types de papillomavirus humains (HPV), un virus très commun transmis par contact sexuel. Bien que la plupart des infections à HPV soient bénignes et transitoires, certaines souches à haut risque, telles que les HPV 16 et 18, peuvent entraîner des lésions précancéreuses qui, si elles ne sont pas traitées, peuvent évoluer en cancer.



Quels sont les symptômes qui doivent alerter et quels sont les traitements dont on dispose aujourd’hui ?

Le cancer du col de l’utérus est souvent asymptomatique à ses débuts, ce qui rend le dépistage précoce d'autant plus crucial. Cependant, certains signes doivent alerter les femmes, tels que des saignements vaginaux anormaux en dehors des menstruations, après un rapport sexuel ou après la ménopause, des pertes vaginales inhabituelles, souvent malodorantes ou teintées de sang, et des douleurs pelviennes persistantes, notamment lors des rapports sexuels. En cas de détection d'anomalies lors de l'examen clinique ou paraclinique, des biopsies ciblées doivent être effectuées afin de confirmer la présence de cellules cancéreuses et d’établir un diagnostic précis. Le traitement de cette maladie varie en fonction du stade et peut inclure la chirurgie, la radiothérapie et la chimiothérapie, souvent combinées pour une efficacité optimale. Cependant, ces traitements restent invasifs, s’accompagnent souvent d’effets secondaires significatifs et représentent une charge financière importante pour les systèmes de santé. À titre d’exemple, en France, le coût moyen des traitements varie de 9.164 euros pour un stade I à 26.886 euros pour un stade IV. Ces chiffres soulignent l'importance d'investir dans des stratégies de prévention efficaces. Parmi celles-ci, le dépistage précoce occupe une place centrale, offrant la possibilité d’identifier les lésions précancéreuses à un stade où les interventions sont moins invasives, plus efficaces et nettement moins coûteuses.
Au Maroc, le programme national de détection précoce cible les femmes âgées de 30 à 49 ans en utilisant principalement l'inspection visuelle du col utérin avec application d'acide acétique. Que pensez-vous de cette méthode ?

Effectivement, l’inspection visuelle du col utérin avec application d’acide acétique (IVA) est utilisée au Maroc pour la détection précoce du cancer du col de l’utérus, principalement chez les femmes âgées de 30 à 49 ans. Cette méthode, simple, peu coûteuse et efficace, permet d’identifier les lésions précancéreuses dans les centres de santé et les centres de santé reproductive à travers le pays. Cependant, bien que l'IVA soit privilégiée pour sa facilité d’application, le frottis cervical vaginal (FCV) reste la méthode de référence pour détecter les anomalies cellulaires. Les recommandations actuelles préconisent un dépistage par FCV pour les femmes âgées de 25 à 65 ans, avec un suivi initial comprenant trois examens annuels consécutifs. Si les résultats sont normaux, un dépistage tous les trois ans est ensuite recommandé. En cas de résultats anormaux, une prise en charge rapide et un suivi rapproché sont nécessaires pour éviter l’évolution vers un cancer invasif. En parallèle du dépistage, la prévention primaire grâce à la vaccination contre le papillomavirus humain (HPV) joue un rôle capital. Depuis octobre 2022, le Maroc a intégré le vaccin quadrivalent contre le HPV dans son programme national d’immunisation. Ce vaccin, administré gratuitement dans les centres de santé, cible principalement les jeunes filles de 11 ans, notamment celles scolarisées, avec un schéma à deux doses espacées de six mois. En associant des programmes de dépistage réguliers à une vaccination systématique des jeunes filles, le Maroc se dote de moyens puissants pour réduire l’incidence de cette maladie et améliorer la santé publique.

Sur le plan mondial, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) s’est fixé un objectif ambitieux : éliminer le cancer du col de l’utérus comme problème de santé publique d’ici 2030. Cette vision repose sur la stratégie «90-70-90», qui vise à :
  • Vacciner 90% des filles contre le HPV avant l’âge de 15 ans.
  • Dépister 70% des femmes avant 35 ans, puis une deuxième fois avant 45 ans.
  • Assurer que 90% des femmes diagnostiquées reçoivent un traitement adéquat.
Cette initiative pourrait prévenir plus de 40% des nouveaux cas et sauver 5 millions de vies d’ici 2050. Pour atteindre cet objectif, il est impératif de renforcer l’engagement politique, de mobiliser des ressources suffisantes et d’intensifier les campagnes de sensibilisation, particulièrement dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, où le cancer du col de l’utérus demeure un problème de santé publique majeur. En ce mois de janvier, mois de sensibilisation dédié à cette maladie, il est donc essentiel de rappeler l’importance de ces actions combinant la vaccination, le dépistage et le traitement pour lutter efficacement contre un cancer évitable et sauver des vies.
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