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Comment le braconnage fragilise le secteur de la chasse au Maroc

Bien que le secteur de la chasse au Maroc soit en plein essor, générant 1 milliard de dirhams par an et soutenant l'économie rurale, il demeure sous la menace constante du braconnage. Ce fléau met en péril la biodiversité et fragilise les efforts de préservation des écosystèmes. L’Agence nationale des eaux et forêts, en collaboration avec la société civile et les autorités locales, redouble d'efforts pour concilier développement économique et protection de la faune marocaine.

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La saison de chasse 2024-2025 a officiellement débuté le 6 octobre dernier. Avec plus de 68.000 chasseurs actifs et des zones de chasse amodiées couvrant 4 millions d’hectares, le secteur génère chaque année un chiffre d'affaires d'environ 1 milliard de dirhams. Toutefois, derrière cette dynamique économique, le braconnage continue de peser lourdement sur la biodiversité marocaine, mettant en danger des espèces déjà fragilisées.

Avant même le lancement de la saison, les autorités, en particulier l'Agence nationale des eaux et forêts (ANEF), ont renforcé les contrôles pour surveiller les prélèvements et combattre la chasse illégale. «La lutte contre le braconnage est une priorité absolue pour cette saison de chasse», a rappelé Houmy Abderrahim, directeur général de l’ANEF, lors d'une journée de sensibilisation organisée fin septembre dernier. En réponse à une recrudescence des actes de braconnage, notamment dans les régions montagneuses et reculées, l'ANEF a mis en place un dispositif de contrôle renforcé pour protéger la faune et poursuivre les contrevenants avec une rigueur accrue.

Le braconnage, bien que difficile à quantifier en raison de son caractère clandestin, est suivi de près par l’ANEF grâce à des systèmes de surveillance rigoureux. «Entre 250 et 400 procès-verbaux sont dressés chaque année, avec une moyenne d’environ 300», confie au journal «Le Matin» une source de l’ANEF. Ces chiffres incluent également les saisies d’armes, les espèces protégées interceptées, et les signalements des populations locales ou des réseaux sociaux. Ce suivi, renforcé par l’engagement constant de l’ANEF, a permis de stabiliser le phénomène malgré la complexité de ce fléau.

Des régions plus à risque que d’autres

Il est à noter que l’ANEF a identifié plusieurs zones où la chasse illégale est plus fréquente en raison de multiples facteurs, et elle adapte ses interventions en fonction des particularités de chaque région. «Les zones montagneuses du Souss-Massa, par exemple, abritent des espèces emblématiques comme le mouflon à manchettes et la gazelle de Cuvier, qui attirent les braconniers. Ces derniers, souvent organisés en réseaux, représentent un défi majeur. La géographie accidentée et l'isolement de ces zones compliquent les efforts de surveillance, mais ces dernières années les prises faites témoignent de l’efficacité de l’intervention», précise notre source. Et d’ajouter que «dans d'autres régions comme le Rif, la chasse illégale est davantage motivée par des besoins de subsistance, où des habitants locaux chassent la perdrix gambra pour des raisons alimentaires». L'ANEF intervient en adaptant ses stratégies de surveillance et de sensibilisation, tout en prenant en compte ces réalités sociales. Outre la dimension géographique, des facteurs tels que l’intérêt économique, les coutumes locales, et la proximité de marchés illégaux compliquent la lutte contre le braconnage.

Un cadre juridique renforcé contre les contrevenants

La loi marocaine impose des sanctions sévères pour les actes de braconnage. «L'ANEF veille à l’application rigoureuse des sanctions prévues par la Loi 29-05 sur la protection des espèces de faune et de flore sauvages qui impose des amendes pouvant atteindre 100.000 dirhams par spécimen illégalement capturé, en plus des sanctions prévues par la Loi 54-03 sur la Police de la chasse, qui inclut des peines d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à six mois. Ces sanctions, déjà parmi les plus strictes de la région, ont été renforcées pour mieux dissuader les contrevenants», souligne l’Agence.

Grâce à cette fermeté, l’ANEF a constaté une réduction notable du braconnage dans certaines zones sensibles. L’impact de ces mesures est tangible, bien que des efforts supplémentaires soient nécessaires pour consolider ces résultats et garantir une protection durable de la faune marocaine.

Les actions de l’ANEF pour protéger la faune marocaine

L’Agence nationale des eaux et forêts a récemment intensifié ses efforts pour lutter contre le braconnage, un fléau qui menace la biodiversité du Maroc. Sa stratégie repose sur trois axes principaux : la surveillance, la sensibilisation et la répression. L’Agence, en partenariat avec divers acteurs locaux et nationaux, s’emploie à intensifier ses actions pour protéger la faune marocaine et faire face à ce fléau.

Sur le terrain, l’ANEF a renforcé sa présence grâce à la politique d’amodiation. Ce dispositif permet à plus de 1.600 associations de chasse de surveiller activement une superficie dépassant les 4 millions d’hectares. Ces associations, en partenariat avec l’ANEF, jouent un rôle crucial en tant qu’acteurs locaux dans la protection de la faune, contribuant directement à la surveillance et à la prévention du braconnage.

Parallèlement, l’ANEF mène régulièrement des campagnes de sensibilisation, en particulier auprès des communautés rurales et des chasseurs, pour souligner l’importance de la protection des espèces et rappeler les sanctions légales qui s’appliquent aux actes de braconnage. Ces campagnes s’intensifient à l’approche de la saison de chasse, afin de renforcer les messages sur le respect des règles en vigueur. Des résultats concrets ont été enregistrés ces derniers mois, avec la détection et la sanction de plusieurs infractions dans des régions comme Driouch, Tiznit et Ifrane, où des cas de chasse illégale, l’utilisation de moyens interdits et la capture d’espèces protégées ont été constatés. Ces interventions montrent l’efficacité croissante des actions de l’ANEF sur le terrain.

En termes de répression, l’ANEF travaille en étroite coopération avec des ONG, les associations de chasse et les services sécuritaires, y compris la Gendarmerie Royale et les autorités locales. Des conventions de partenariat ont été signées avec la Direction générale de la Sûreté nationale et l’Administration des douanes pour améliorer la réactivité et la coordination face aux infractions de braconnage. La Gendarmerie Royale, particulièrement active dans les zones rurales, collabore avec les agents de l’ANEF pour assurer des interventions rapides en cas de signalement d’infractions. «Malgré ces efforts, certains défis subsistent, notamment la couverture des vastes zones rurales et montagneuses, où il est parfois difficile de surveiller efficacement les activités illégales. La coordination entre les différents acteurs est renforcée par des réunions régulières avec les autorités locales et la société civile pour mieux organiser la surveillance et les interventions. L’ANEF mise aussi sur un dialogue continu avec les citoyens pour favoriser leur engagement dans la protection de la biodiversité», explique l’Agence.

En ce qui concerne la sensibilisation, l’ANEF collabore étroitement avec la Fédération Royale marocaine de chasse pour organiser, chaque année, une vingtaine de journées de sensibilisation à l’échelle provinciale et régionale. Ces initiatives visent non seulement à éduquer les chasseurs sur les réglementations en vigueur, mais aussi à impliquer les citoyens dans la protection des espèces sauvages. L’ANEF souhaite multiplier les partenariats avec des ONG environnementales pour élargir la portée de ces campagnes et toucher un public plus large, notamment dans les établissements scolaires, où des actions éducatives sont organisées pour promouvoir la biodiversité et sensibiliser les jeunes générations à l’importance de la préservation de l’environnement.

La biodiversité marocaine en danger à cause de la chasse illégale

L'ANEF place la protection de la biodiversité marocaine au centre de ses actions, consciente que la chasse illégale représente une menace directe pour de nombreuses espèces animales. «Chaque espèce occupe un rôle fondamental dans le maintien de l'équilibre écologique, et la disparition de l'une d'entre elles peut avoir des répercussions importantes sur l'ensemble de la chaîne trophique. Par exemple, la disparition de prédateurs naturels tels que la panthère a entraîné, dans certaines régions, une prolifération incontrôlée du sanglier, perturbant ainsi l'équilibre des écosystèmes», nous indique une source de l’ANEF. Et d’ajouter que «certaines espèces sont particulièrement vulnérables en raison de leur faible taux de reproduction ou de leur habitat restreint, ce qui les rend encore plus exposées aux risques liés au braconnage et aux trafics».

L'ANEF, en s'appuyant sur les mécanismes internationaux de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) et sur des conventions internationales comme la «Cites», surveille de près ces espèces menacées et ajuste ses interventions en fonction des besoins.

Un exemple récent des efforts de l'ANEF est la protection renforcée du chardonneret élégant, une espèce victime de trafic international. Ce petit oiseau est particulièrement prisé dans le cadre du commerce illégal, notamment en direction de l'Algérie, où il a presque disparu à l'état sauvage. Les opérations de saisie annuelles menées par l'ANEF, ainsi que les actions sur le terrain, visent à réduire ces exportations illégales et à protéger les populations locales de cette espèce menacée.
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