C’est inquiétant. Le Maroc ne compte actuellement que six médecins légistes et 76 personnes ayant des compétences dans ce domaine, d’après le ministre de la Santé et de la protection sociale, Khalid Aït Taleb. Interpellé sur ce sujet lors de la séance des questions orales du 6 mai à la Chambre à des représentants, le ministre reconnaît clairement qu’il s’agit d’un vrai problème, tout en soulignant qu’il n’existe pas de solution efficace pour le moment. «Nous avons mis en place plusieurs mesures pour faire face à cette problématique, mais je ne peux pas vous dire que nous avons actuellement des solutions radicales», a-t-il précisé.
La médecine légale, une spécialité très peu attractive
«La médecine légale est une spécialité extrêmement importante, que ce soit sur le plan légal, social ou même scientifique», explique au «Matin» Pr Jaâfar Heikel, épidémiologiste, spécialiste en maladies infectieuses et économiste de la santé. «Outre les actes d’autopsie qui contribuent à identifier les causes et les circonstances de décès, notamment dans les affaires criminelles, le médecin légiste est souvent sollicité pour les expertises médicales lors des enquêtes judiciaires et scientifiques», ajoute-t-il. Et de préciser que le médecin légiste intervient également dans les affaires liées aux agressions et aux violences faites aux femmes et aux enfants. C’est donc une spécialité qui a tout son intérêt dans la société. Mais pourquoi n’est-elle pas attractive pour les jeunes ?
Pr Heikel est convaincu que le manque de communication y est pour beaucoup. «Pour qu’une spécialité soit demandée par nos jeunes dans leur cursus de formation, il faut qu’elle soit attractive, expliquée, marketée et surtout mieux valorisée. Ce qui n’est malheureusement pas le cas pour la médecine légale», regrette-t-il. Un autre professionnel ayant requis l’anonymat estime que la spécialité n’est pas attractive à cause de la rémunération. «La rétribution est tout sauf alléchante, puisque les médecins légistes perçoivent 100 dirhams par acte d’autopsie dans le cadre de l’assistance judiciaire», précise-t-il.
Quelles solutions pour augmenter le nombre de médecins légistes ?
Pr Heikel estime que des efforts en termes de communication sont nécessaires. «Il faut bien expliquer aux jeunes les enjeux de la spécialité et les possibilités d’installation sur le territoire. Il faut aussi accorder les moyens nécessaires aux médecins pour leur permettre d’exercer leur métier sans grandes contraintes», explique notre interlocuteur. Pour lui, cette réflexion sur la médecine légale doit s’appliquer à toutes les spécialités qui ne sont pas réparties de façon équitable dans notre pays.
Les autres professionnels appellent plutôt à améliorer la rémunération de l’acte pour inciter les jeunes à choisir cette spécialité dont la durée de formation n’est pas courte. «Pour former un cadre en médecine légale, il faut au minimum 4 ans de formation après la médecine générale», précise-t-on, avant de souligner qu’il faut vraiment que la spécialité soit attractive pour attirer un jeune fraîchement diplômé et le convaincre d’abandonner les autres spécialités, plutôt «prometteuses» en termes de carrière, en faveur de la médecine légale.