Longtemps considérée comme une maladie du passé, maîtrisée grâce à la vaccination,
la diphtérie refait surface avec inquiétude dans plusieurs régions du monde, particulièrement en Europe. Le Maroc n’échappe pas à cette tendance alarmante. Depuis plusieurs mois, des
médecins-pédiatres de divers hôpitaux alertent sur une augmentation des cas. Pour l’heure, le ministère de la Santé et de la protection sociale n’a pas communiqué officiellement sur le sujet. Nos sources lient cette résurgence à une baisse généralisée de la
couverture vaccinale dans le pays. Rappelons que cette baisse a d’abord provoqué une recrudescence massive de la rougeole, avec près de 25.000 cas suspects et plus d’une centaine de décès depuis septembre 2023. Certes, la situation a été maîtrisée grâce aux efforts de l’État, mais il apparaît clairement que le problème ne se limite pas à la
rougeole : d’autres maladies évitables, comme la diphtérie, menacent à nouveau.
Au Maroc, les efforts déployés pour lutter contre l’épidémie de la rougeole commencent à porter leurs fruits. Selon le Dr Saïd Afif, président de l’Association marocaine des sciences de la santé, les cas de rougeole ont diminué de 15% par rapport à la semaine dernière, un signe encourageant d’amélioration. Toutefois, si les autorités sanitaires, soutenues par les ministères concernés, mènent des actions coordonnées pour endiguer l’épidémie, la méfiance des citoyens, exacerbée par la désinformation, constitue un autre combat qui n’est pas gagné d’avance. Experts et journalistes appellent donc à une coopération renforcée entre les autorités publiques et les médias afin de restaurer la confiance du public, indispensable pour faire face à cette crise sanitaire de manière durable.
La diphtérie, une maladie à prendre au sérieux
Joint par «Le Matin», le Dr
Tayeb Hamdi, médecin chercheur en politiques et systèmes de santé, insiste sur la
gravité de la maladie. «La diphtérie est une
infection bactérienne causée par une bactérie qui sécrète une toxine extrêmement dangereuse, capable d’entraîner des lésions sévères, notamment au cœur et au système nerveux, avec des complications parfois fatales», explique-t-il. «Bien que la maladie touche majoritairement les enfants, elle peut affecter toutes les tranches d’âge», précise-t-il. Interrogé sur les signes qui doivent alerter, le
Dr Hamdi cite une angine douloureuse accompagnée d’une membrane grisâtre recouvrant la gorge et les amygdales, associée à de la fièvre, des maux de gorge et un enrouement. Ce qui inquiète particulièrement les spécialistes aujourd’hui, c’est le gonflement caractéristique du cou, appelé «cou en sabot». «Au-delà des symptômes locaux, la
toxine bactérienne peut circuler dans le sang et provoquer des complications graves telles que myocardite, paralysie ou insuffisance respiratoire», précise-t-il. «Sans traitement rapide, ces complications peuvent être mortelles», avertit-il, appelant à une vigilance accrue face à tout changement clinique. Le Dr Hamdi souligne également que la diphtérie se transmet principalement par voie aérienne, via les
gouttelettes respiratoires émises par une personne infectée. «Elle peut aussi se propager par contact direct avec des lésions cutanées, dans le cas de la diphtérie cutanée», ajoute-t-il.
La vaccination : la clé pour endiguer la maladie
Pour le Dr Hamdi, la
vaccination demeure le seul moyen efficace de protection contre la diphtérie. «Grâce à une couverture vaccinale élevée, le Maroc n’avait plus enregistré de cas notables de diphtérie depuis plusieurs années. Mais la situation se dégrade actuellement, d’où l’urgence d’agir», alerte-t-il. Il insiste sur la nécessité de renforcer les campagnes de rattrapage vaccinal pour combler les lacunes et garantir une couverture suffisante. «Il est aussi essentiel de réactiver la
sensibilisation des populations et des professionnels de santé à l’importance de la
vaccination et au diagnostic précoce», ajoute-t-il. Le médecin appelle à faciliter et rendre équitable l’accès aux vaccins, notamment dans les
zones rurales et isolées, souvent les plus vulnérables. Enfin, il souligne l’importance d’une surveillance épidémiologique rigoureuse pour détecter rapidement tout nouveau cas et intervenir efficacement.