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Dyslexie ou trouble visuel ? Tout savoir sur une confusion fréquente

Un enfant qui peine à lire ou à se concentrer sur un texte n’est pas forcément dyslexique. Il peut aussi souffrir d’un trouble visuel non détecté. Dans cet entretien, Wiam El Jaï, orthoptiste, nous explique comment différencier les deux situations et l’apport de l’orthoptie dans le parcours de soin.

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Le Matin : Existe-t-il un lien entre la dyslexie et certains troubles visuels pouvant contribuer aux difficultés de lecture ?

Dyslexie ou trouble visuel ? Tout savoir sur une confusion fréquente



Wiam El Jaï :
En tant qu’orthoptiste, je vois régulièrement des enfants adressés pour des difficultés de lecture, parfois suspectées de dyslexie. Il est important de rappeler que la dyslexie est un trouble neuro-développemental spécifique du langage écrit. Elle n’est pas causée par un problème de vue. Cependant, certains troubles visuels peuvent aggraver les difficultés rencontrées par ces enfants.

Par exemple, une mauvaise coordination des mouvements oculaires peut rendre la lecture laborieuse : l’enfant saute des lignes, perd sa place, lit lentement. Un défaut de convergence (c’est-à-dire la capacité à faire travailler les deux yeux ensemble en vision de près) peut provoquer une vision double ou floue, ce qui fatigue rapidement et décourage. Ces troubles ne causent pas la dyslexie, mais ils peuvent s’y ajouter et amplifier les difficultés.



Peut-on confondre un trouble visuel avec une dyslexie ? Quels sont les signes qui permettent de les différencier ?

Oui, il peut y avoir confusion, surtout en début de parcours scolaire. Un enfant qui a du mal à lire ou à se concentrer sur un texte peut être perçu comme dyslexique, alors qu’il souffre d’un trouble visuel non diagnostiqué. À l’inverse, on peut aussi passer à côté d’une vraie dyslexie en pensant que tout vient des yeux.

Il y a quelques signaux qui peuvent aider à orienter le diagnostic. Par exemple, un enfant qui se plaint de maux de tête en fin de journée, qui colle son nez au livre, qui se frotte souvent les yeux ou qui évite les activités demandant un effort visuel soutenu (comme la lecture ou le coloriage) mérite un examen visuel. S’il lit mot à mot, saute des mots ou relit la même ligne, cela peut être lié à des troubles oculomoteurs.

Les enseignants ont un rôle essentiel dans le repérage. Dès qu’un doute persiste, surtout si les progrès ne sont pas au rendez-vous malgré les efforts, un bilan visuel est indiqué.

À quel moment est-il recommandé de consulter un spécialiste de la vue lors d’un suivi pour dyslexie ?

L’idéal est de ne pas attendre. Dès les premières observations d’un trouble de la lecture, il est pertinent de vérifier l’état visuel de l’enfant. Cela permet d’écarter une cause visuelle ou, si besoin est, de corriger un trouble qui pourrait compliquer la lecture.

Dans la plupart des cas, un passage chez l’ophtalmologiste est la première étape pour vérifier la santé des yeux et l’éventuelle nécessité de lunettes. Ensuite, le bilan orthoptique complète cette évaluation en analysant la façon dont les yeux travaillent ensemble. L’objectif n’est pas de confirmer une dyslexie, mais d’apporter un éclairage sur le confort visuel de l’enfant et de déterminer s’il existe des éléments à améliorer.

En quoi consiste un bilan orthoptique dans ce contexte ? Quels tests spécifiques sont utilisés ?

Le bilan orthoptique permet d’évaluer les fonctions visuelles qui ne sont pas testées par une simple mesure de l’acuité visuelle. Il s’agit notamment des mouvements oculaires (saccades, poursuites), de la convergence, de l’accommodation (capacité de mise au point de près) et de la vision binoculaire (coopération des deux yeux).

On utilise des tests simples et adaptés à l’âge : suivi d’un objet, lecture de lettres ou de chiffres en mouvement, test de convergence avec un stylo ou un prisme, mesure de l’endurance visuelle sur une tâche prolongée. L’objectif est de repérer d’éventuelles faiblesses qui, une fois rééduquées, pourraient soulager l’enfant et l’aider à mieux se concentrer sur les aspects cognitifs de la lecture.

Une prise en charge orthoptique peut-elle améliorer les capacités de lecture d’un enfant dyslexique ?

La rééducation orthoptique n’a pas vocation à «soigner» la dyslexie, mais elle peut être d’un grand soutien. Si l’enfant présente un trouble visuel fonctionnel (par exemple un défaut de convergence ou une instabilité oculaire), le corriger permet souvent d’alléger la charge mentale liée à l’acte de lire.

Certains enfants nous disent après quelques séances : «Je ne vois plus double», «Je vais plus vite pour lire» ou tout simplement «Je suis moins fatigué». Cela ne résout pas la dyslexie en soi, mais cela retire un obstacle. En complément du travail orthophonique, l’orthoptie contribue à créer de meilleures conditions pour les apprentissages.

Quelles sont les approches thérapeutiques pour ces enfants ? Et que peuvent faire les parents à la maison ?

En séance, nous proposons des exercices ludiques et progressifs : entraînement à la convergence, aux saccades, au maintien de l’attention visuelle. Cela se fait souvent sous forme de jeux, avec des supports visuels variés, pour maintenir la motivation.

À la maison, les parents peuvent participer en instaurant un environnement visuel calme, bien éclairé, en favorisant des temps de lecture courts, mais réguliers, et en respectant les pauses. Il existe aussi des petits outils utiles comme les caches de lecture, les règles colorées pour mieux suivre la ligne, ou les supports inclinés pour soulager la posture.

Enfin, le dialogue avec l’enfant est primordial : l’écouter, lui permettre d’exprimer ce qu’il ressent dans sa lecture, ses frustrations comme ses progrès. L’accompagnement bienveillant et coordonné entre famille, enseignants et professionnels de santé est la clé d’un meilleur épanouissement.

Pour conclure, on peut dire que les troubles de vision ne causent pas la dyslexie, mais ils peuvent fortement influencer les capacités de lecture. S’assurer que l’enfant voit bien et que ses yeux fonctionnent efficacement ensemble est une étape incontournable dans tout parcours de diagnostic. L’orthoptiste, en collaboration avec les autres professionnels, joue un rôle complémentaire précieux dans l’accompagnement de ces enfants, pour qu’ils puissent apprendre dans les meilleures conditions possible.
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