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Les scorpions et serpents sortent de l’ombre... Ils rampent, ils piquent et ils sont déjà là

Alors que des vidéos de reptiles et d’arachnides envahissent les réseaux sociaux, une réalité plus inquiétante se profile : la saison des piqûres et des morsures commence tôt cette année. En cause, la chaleur et l’intensification des activités humaines. Le Centre Antipoison tire la sonnette d’alarme et appelle à la vigilance. Pourquoi cette recrudescence ? Quelles sont les zones les plus touchées ? Et surtout, que faire en cas d’urgence ? Décryptage.

Ces derniers jours, des vidéos montrant serpents et scorpions infiltrant maisons et chemins poussiéreux, de Marrakech à Casablanca en passant par les zones rurales du Sud, ont largement circulé sur les réseaux sociaux. Si ces images ont provoqué une vague d’inquiétude, elles mettent surtout en lumière une réalité préoccupante : chaque année, le Maroc recense près de 25.000 piqûres de scorpions et environ 200 morsures de serpents. Or cette année, le phénomène s’amplifie dès le printemps, selon le Dr Fatima Daghouane, spécialiste en toxicologie au Centre Antipoison et de Pharmacovigilance du Maroc (CAPM). En cause : la hausse des températures et la multiplication des activités humaines en extérieur.

Quand la chaleur réveille le danger

Depuis le mois d’avril, le CAPM a commencé à enregistrer une nette hausse des cas de morsures de serpents, notamment ces deux dernières semaines. « L’été est une période où les serpents deviennent plus actifs après leur hibernation. Ils sortent pour chasser, se reproduire, ou simplement réguler leur température », explique Dr. Daghouane. À cela s’ajoute l’intensification des activités humaines en extérieur : agriculture, jardinage, loisirs... autant de contextes qui favorisent leurs déplacements indésirables.



Les scorpions obéissent à la même logique. « On les voit tout au long de l’année, mais les piqûres augmentent entre mai et octobre, avec un pic sur tous les mois d'été, juin, juillet et août », a fait savoir Dr. Rhizlane El Oufir, médecin chargée du programme des piqûres de scorpions au CAPM. Le mode de vie du scorpion le pousse à sortir la nuit, à la recherche de fraîcheur et de nourriture, notamment les moustiques, eux aussi très présents l’été.

Les zones les plus touchées

Les données nationales parlent d’elles-mêmes. Chaque année, le Maroc enregistre en moyenne 200 cas de morsures de serpents et environ 25.000 piqûres de scorpions. Les régions les plus exposées aux serpents sont Souss-Massa, Tanger-Tétouan-Al Hoceïma, Marrakech-Safi, Fès-Meknès, et Béni Mellal-Khénifra. Quant aux scorpions, les zones les plus touchées se situent principalement au centre du pays : Marrakech-Safi, Souss-Massa, Béni Mellal-Khénifra et Drâa-Tafilalet figurent en tête de liste. À ces régions s’ajoutent celles de Settat, El Jadida et Sidi Bennour, toutes régulièrement confrontées à un nombre élevé de piqûres, mais aussi de cas parfois mortels.

Si le Grand Casablanca enregistre également des cas, son exposition reste moindre comparée aux zones rurales et semi-rurales, où les conditions de vie et l’accès aux soins rendent les populations particulièrement vulnérables.

Entre chaque piqure et morsure, une gravité variable

Dr. El Oufir distingue trois types de réactions face aux piqûres de scorpions. La majorité des cas (90 %) relèvent de la « classe 1 » : douleur locale, rougeur, engourdissement, sans envenimation. Environ 8 % des patients développent des signes généraux comme la fièvre ou les vomissements, classés en « classe 2 ». Mais dans 1,5 % des cas, la situation devient plus critique : détresse cardiovasculaire, troubles neurologiques, état de choc... Ces cas, classés en « classe 3 », nécessitent une hospitalisation immédiate.

Du côté des serpents, les risques sont aussi bien réels. Si les couleuvres sont inoffensives, les vipères – responsables de la majorité des envenimations – causent douleurs intenses, œdèmes et parfois des phlyctènes. Les morsures de cobras, plus rares, peuvent entraîner une paralysie respiratoire rapide. Chez l’enfant, la gravité est décuplée. « La dose de venin est proportionnellement plus élevée par rapport au poids corporel. Une morsure chez un enfant est une urgence absolue », a avertit Dr. Daghouane.

Les bons réflexes et les gestes qui sauvent

Dans les deux cas – morsure ou piqûre – les professionnels de santé sont formels : évitez les traitements traditionnels. Pas de garrot, pas de succion ou de plantes. Ces gestes aggravent souvent la situation. Voici ce qu'ils conseillent de faire :
  • Rassurer la victime : La calmer est essentiel pour éviter l'accélération du rythme cardiaque et donc la diffusion du venin.
  • Mettre la victime au repos : L'allonger en position de décubitus dorsal (sur le dos) et la maintenir immobile.
  • Immobiliser le membre mordu : Limiter les mouvements du membre mordu ralentit la propagation du venin dans l'organisme.
  • Enlever tout ce qui peut serrer : Retirer bagues, montres, bracelets, chaussures et tout vêtement ou accessoire susceptible de gêner en cas d'œdème.
  • Désinfecter la plaie : Utiliser un antiseptique sans alcool.
  • Calmer la douleur : Administrer un antalgique si possible, mais éviter les AINS (anti-inflammatoires non stéroïdiens) qui peuvent aggraver les troubles de la coagulation.
  • Programmer le transfert immédiat vers une structure de soins hospitaliers.
  • Appeler le Centre Antipoison et de Pharmacovigilance du Maroc (CAPM) : Les numéros sont le 0801000180 ou le 0537686464. Ils pourront fournir des conseils précieux et coordonner la prise en charge.
L’agitation accélère également la diffusion du venin. Il faut rester calme, insistent les spécialistes.

Une prise en charge bien structurée

Le Maroc dispose d’un protocole national standardisé aussi bien pour les morsures de serpents que pour les piqûres de scorpions. Pour les serpents, un sérum antivenimeux polyvalent (Inoserp MENA) est disponible dans les hôpitaux de référence. Il est réservé aux cas graves, conformément aux indications du CAPM.

Concernant les scorpions, la spécialiste a précisé que le sérum antiscorpionique n’est plus utilisé depuis 2001, car jugé "inefficace face à la diversité des espèces présentes au Maroc". Et d’ajouter que la stratégie repose sur la formation du personnel de santé, la sensibilisation de la population, un système d’information sanitaire efficace, et des kits de prise en charge standardisés. Grâce à cela, le taux de mortalité est passé de 2,37 % à 0,14 %.

Anticiper le danger pour éviter le pire

Pour Dr. Ghizlane El Oufir, la prévention reste la meilleure arme. D’abord, il faut empêcher les scorpions d’entrer dans les habitations. Cela passe par un nettoyage régulier des abords des maisons, la fermeture des fissures et ouvertures, l’électrification des espaces sombres, et surtout l’éloignement des ordures ménagères, notamment en été, période propice à l’accumulation de déchets organiques attirant les moustiques — principale nourriture des scorpions.

Elle recommande également, en milieu rural, l’élevage de prédateurs naturels comme les poules ou les hérissons, capables de réguler naturellement la présence des scorpions. À l’intérieur des habitations, la vigilance doit être quotidienne : il faut secouer les vêtements, les draps et les chaussures avant de les utiliser, inspecter les recoins à l’aide d’une lampe (idéalement ultraviolette) et éviter de dormir directement sur le sol. Pour ceux qui travaillent à l’extérieur, le port de gants et de chaussures fermées est vivement conseillé.
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