Le Matin : Quel impact ont les images fréquentes des guerres et des catastrophes naturelles (telles que le séisme) sur les réseaux sociaux, sur notre psychologie ?
Bernard Corbel : Je commencerai tout d’abord par un rappel de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) : «La santé est un état complet de bien-être physique mental et social et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité». Ainsi, plus particulièrement, la santé mentale va bien au-delà de l’absence de troubles mentaux.
Si je peux me permettre, je la définirais moi-même comme un fonctionnement harmonieux du système mental, facilement intégré à la vie, dans un bon rapport à soi et aux autres grâce à des émotions saines, telle serait au moins un aspect de la santé mentale.
>>Lire aussi : Séisme d’Al Haouz : ces «influenceurs» qui bafouent allègrement le droit à l’image
Alors quel est vraiment l’intérêt, et quel est vraiment l’impact des images atroces de violence liées aux guerres et aux cataclysmes ?
Il tombe donc sous le sens que celles-ci ne peuvent avoir qu’un effet dévastateur. Pour mémoire, de tels risques, particulièrement dans la population jeune, à moyen ou long terme, concernent l’agressivité, l’augmentation des actes antisociaux, la tendance suicidaire, la dépression et en cortège l’augmentation de la consommation de psychotropes.
Sous le prétexte d’informer – certes, nous avons besoin de savoir ce qui se passe un peu plus loin que notre champ d’observation –, les réseaux sociaux numériques nous abreuvent d’images en boucle, souvent virales, qui répondent à la fois à la logique de consommation (consumérisme) basée sur une addiction provoquée qui repose sur le principe du déclenchement d’une vive émotion à laquelle on répond par des clics, des Likes et, en bonus, on recevra des notifications qui sont des alertes afin de nous faire passer d’autres images semblables et d’enchaîner indéfiniment sur les mêmes thèmes.
Selon la structure psychologique de chaque individu, l’émotion n’est pas toujours perçue. Pourtant, chaque image de violence extrême peut engendrer une réaction traumatique qui est enregistrée dans le cerveau. Selon la sensibilité de chacun, celle-ci se logera plus ou moins profondément dans la structure interne.
Au-delà de ce processus, un second processus est constitué par le fait d’échanger les images, de les partager en grand groupe. Ces dernières deviennent donc des objets de partage en même temps qu’elles continuent à déployer leurs effets délétères sur le cerveau. Certaines de ces images, et notamment celles liées à la guerre, participent (en principe) à des campagnes de désinformation, elles sont parfois de fausses images ou bien sont accompagnées de commentaires qui leurrent les auditeurs. La violence est ainsi banalisée en apparence, car l’image des réseaux numériques est coupée de ses sources, et souvent de son contexte, et envoyée directement dans le cerveau de chacun sous la forme d’un pack contenant le message final. Ainsi ces images déstabilisent le cerveau et orientent les émotions et les comportements des individus qui sont donc attaqués en masse par la diffusion de celles-ci. En d’autres termes, nous sommes transformés en une espèce de troupeau de moutons passifs, mais nourris de violence.
Quels sont vos conseils pour limiter l’impact de ces images sur notre santé mentale ?
Pour limiter l’impact de ces images violentes sur notre santé mentale, il convient de sortir d’abord des phénomènes d’addiction que représentent les réseaux sociaux. Pour cela, accéder à une information, la comprendre avec quelques images et s’en arrêter là. En d’autres termes, éviter le phénomène collectif, ne pas relayer, et en parler à ses proches en étant critique par rapport aux images qui nous sont transmises directement dans les réseaux sociaux. Il faut éviter l’effet de saturation et de banalisation qui est recherché par les manipulateurs dans les réseaux sociaux. Pour les personnes plus intellectuelles, une recherche sur différents canaux permettra de se faire une opinion plus raisonnable de la réalité et d’obtenir des émotions atténuées.
En revanche, si je suis choqué par une image, il est important que je puisse partager mes émotions, mon impression avec d’autres personnes, et si possible des personnes sensées, capables de me faire partager leur recul.
Notons que certaines personnes ne sont pas conscientes de leurs émotions. C’est très gênant, car dans ce cas elles ne peuvent pas être verbalisées. C’est la mise en mots et le partage avec des individus sains qui va permettre la réparation. Le silence, l’isolement, le partage silencieux sur les réseaux sociaux vont avoir les effets les plus dévastateurs.
Comment parler de ce genre de sujet aux enfants, puisqu’ils y sont forcément exposés de façon directe ou indirecte ?
En effet, parler avec les enfants revient à considérer qu’ils ont vu ces images et qu’ils ont des parents ou un entourage capable de réagir à leurs émotions et d’ouvrir un dialogue afin qu’ils expriment plus profondément ces émotions. Pour avoir un effet salutaire sur les enfants, il faut que les éducateurs aient déjà pris du recul sur les contenus et réfléchi, quelques instants au moins, à leurs propres émotions et sans doute qu’ils aient procédé comme il a été indiqué dans le paragraphe précédent pour limiter les impacts. Qu’ils cherchent alors à comprendre et à entreprendre cette écoute des émotions de leurs enfants (demander qu’est-ce que ça te fait, qu’est-ce que tu ressens) et de partager des éléments de réponse (ce que j’en pense) qui contiennent des orientations positives d’amour et de bienveillance en opposition aux émotions de crainte, d’indifférence ou de haine (les enfants s’identifient facilement aux images et aux scènes qu’ils ont vues). Ce n’est pas le moment de faire la morale ni de solliciter des réactions agressives par un discours incendiaire qui rajouterait des émotions de haine aux émotions déjà contenues dans l’information !
Et comment les protéger ?
Si nous sommes désireux de protéger nos enfants, alors il convient d’anticiper et de prévenir. C’est une organisation de la prévention qu’il convient de mettre en place par une initiation. Il convient, en effet, de les initier au fait qu’ils peuvent rencontrer diverses images et scènes de violences (et les images de guerre et de cataclysme ne sont pas les seules, puisqu’il faut ajouter habituellement la pornographie et la manipulation en forme de haine stigmatisant certaines populations).
Leur expliquer avec gentillesse, bienveillance et amour qu’il existe sur les réseaux sociaux beaucoup de choses qui sont abominables et comparables aux ordures ménagères que l’on trouve dans les décharges. Que les individus qui relaient ces scènes et ces images ne sont pas des héros, mais des personnages de l’ombre. Comme dans les décharges, on trouve de tout sur Internet, et il y a beaucoup d’objets particulièrement dégoûtants qui circulent avec un objectif d’asservissement et donc d’eux-mêmes. Pour les manipulateurs il s’agit d’en faire des consommateurs et des individus, sans conscience, avec des comportements de masse, de groupes, agités par des émotions cachées et donc facilement manipulables le moment venu (un peuple manipulé peut se soulever).
Les manipulateurs ou les influenceurs, sous une apparence de solidité ou de supériorité plus ou moins imbécile, mais souvent en vogue, deviennent monstrueux, souvent à leur insu, quand ils relayent ces photos, ces images habilement montées, et ces petites phrases mortifères. Il convient donc de les délivrer de ce péril, car cela pourrait leur faire du mal dans leur cœur, dans leur sentiment dans leurs émotions et dans leurs comportements. Oui, il convient de leur expliquer tout cela avec intelligence gentillesse et amour.
Bernard Corbel : Je commencerai tout d’abord par un rappel de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) : «La santé est un état complet de bien-être physique mental et social et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité». Ainsi, plus particulièrement, la santé mentale va bien au-delà de l’absence de troubles mentaux.
Si je peux me permettre, je la définirais moi-même comme un fonctionnement harmonieux du système mental, facilement intégré à la vie, dans un bon rapport à soi et aux autres grâce à des émotions saines, telle serait au moins un aspect de la santé mentale.
>>Lire aussi : Séisme d’Al Haouz : ces «influenceurs» qui bafouent allègrement le droit à l’image
Alors quel est vraiment l’intérêt, et quel est vraiment l’impact des images atroces de violence liées aux guerres et aux cataclysmes ?
Il tombe donc sous le sens que celles-ci ne peuvent avoir qu’un effet dévastateur. Pour mémoire, de tels risques, particulièrement dans la population jeune, à moyen ou long terme, concernent l’agressivité, l’augmentation des actes antisociaux, la tendance suicidaire, la dépression et en cortège l’augmentation de la consommation de psychotropes.
Sous le prétexte d’informer – certes, nous avons besoin de savoir ce qui se passe un peu plus loin que notre champ d’observation –, les réseaux sociaux numériques nous abreuvent d’images en boucle, souvent virales, qui répondent à la fois à la logique de consommation (consumérisme) basée sur une addiction provoquée qui repose sur le principe du déclenchement d’une vive émotion à laquelle on répond par des clics, des Likes et, en bonus, on recevra des notifications qui sont des alertes afin de nous faire passer d’autres images semblables et d’enchaîner indéfiniment sur les mêmes thèmes.
Selon la structure psychologique de chaque individu, l’émotion n’est pas toujours perçue. Pourtant, chaque image de violence extrême peut engendrer une réaction traumatique qui est enregistrée dans le cerveau. Selon la sensibilité de chacun, celle-ci se logera plus ou moins profondément dans la structure interne.
Au-delà de ce processus, un second processus est constitué par le fait d’échanger les images, de les partager en grand groupe. Ces dernières deviennent donc des objets de partage en même temps qu’elles continuent à déployer leurs effets délétères sur le cerveau. Certaines de ces images, et notamment celles liées à la guerre, participent (en principe) à des campagnes de désinformation, elles sont parfois de fausses images ou bien sont accompagnées de commentaires qui leurrent les auditeurs. La violence est ainsi banalisée en apparence, car l’image des réseaux numériques est coupée de ses sources, et souvent de son contexte, et envoyée directement dans le cerveau de chacun sous la forme d’un pack contenant le message final. Ainsi ces images déstabilisent le cerveau et orientent les émotions et les comportements des individus qui sont donc attaqués en masse par la diffusion de celles-ci. En d’autres termes, nous sommes transformés en une espèce de troupeau de moutons passifs, mais nourris de violence.
Quels sont vos conseils pour limiter l’impact de ces images sur notre santé mentale ?
Pour limiter l’impact de ces images violentes sur notre santé mentale, il convient de sortir d’abord des phénomènes d’addiction que représentent les réseaux sociaux. Pour cela, accéder à une information, la comprendre avec quelques images et s’en arrêter là. En d’autres termes, éviter le phénomène collectif, ne pas relayer, et en parler à ses proches en étant critique par rapport aux images qui nous sont transmises directement dans les réseaux sociaux. Il faut éviter l’effet de saturation et de banalisation qui est recherché par les manipulateurs dans les réseaux sociaux. Pour les personnes plus intellectuelles, une recherche sur différents canaux permettra de se faire une opinion plus raisonnable de la réalité et d’obtenir des émotions atténuées.
En revanche, si je suis choqué par une image, il est important que je puisse partager mes émotions, mon impression avec d’autres personnes, et si possible des personnes sensées, capables de me faire partager leur recul.
Notons que certaines personnes ne sont pas conscientes de leurs émotions. C’est très gênant, car dans ce cas elles ne peuvent pas être verbalisées. C’est la mise en mots et le partage avec des individus sains qui va permettre la réparation. Le silence, l’isolement, le partage silencieux sur les réseaux sociaux vont avoir les effets les plus dévastateurs.
Comment parler de ce genre de sujet aux enfants, puisqu’ils y sont forcément exposés de façon directe ou indirecte ?
En effet, parler avec les enfants revient à considérer qu’ils ont vu ces images et qu’ils ont des parents ou un entourage capable de réagir à leurs émotions et d’ouvrir un dialogue afin qu’ils expriment plus profondément ces émotions. Pour avoir un effet salutaire sur les enfants, il faut que les éducateurs aient déjà pris du recul sur les contenus et réfléchi, quelques instants au moins, à leurs propres émotions et sans doute qu’ils aient procédé comme il a été indiqué dans le paragraphe précédent pour limiter les impacts. Qu’ils cherchent alors à comprendre et à entreprendre cette écoute des émotions de leurs enfants (demander qu’est-ce que ça te fait, qu’est-ce que tu ressens) et de partager des éléments de réponse (ce que j’en pense) qui contiennent des orientations positives d’amour et de bienveillance en opposition aux émotions de crainte, d’indifférence ou de haine (les enfants s’identifient facilement aux images et aux scènes qu’ils ont vues). Ce n’est pas le moment de faire la morale ni de solliciter des réactions agressives par un discours incendiaire qui rajouterait des émotions de haine aux émotions déjà contenues dans l’information !
Et comment les protéger ?
Si nous sommes désireux de protéger nos enfants, alors il convient d’anticiper et de prévenir. C’est une organisation de la prévention qu’il convient de mettre en place par une initiation. Il convient, en effet, de les initier au fait qu’ils peuvent rencontrer diverses images et scènes de violences (et les images de guerre et de cataclysme ne sont pas les seules, puisqu’il faut ajouter habituellement la pornographie et la manipulation en forme de haine stigmatisant certaines populations).
Leur expliquer avec gentillesse, bienveillance et amour qu’il existe sur les réseaux sociaux beaucoup de choses qui sont abominables et comparables aux ordures ménagères que l’on trouve dans les décharges. Que les individus qui relaient ces scènes et ces images ne sont pas des héros, mais des personnages de l’ombre. Comme dans les décharges, on trouve de tout sur Internet, et il y a beaucoup d’objets particulièrement dégoûtants qui circulent avec un objectif d’asservissement et donc d’eux-mêmes. Pour les manipulateurs il s’agit d’en faire des consommateurs et des individus, sans conscience, avec des comportements de masse, de groupes, agités par des émotions cachées et donc facilement manipulables le moment venu (un peuple manipulé peut se soulever).
Les manipulateurs ou les influenceurs, sous une apparence de solidité ou de supériorité plus ou moins imbécile, mais souvent en vogue, deviennent monstrueux, souvent à leur insu, quand ils relayent ces photos, ces images habilement montées, et ces petites phrases mortifères. Il convient donc de les délivrer de ce péril, car cela pourrait leur faire du mal dans leur cœur, dans leur sentiment dans leurs émotions et dans leurs comportements. Oui, il convient de leur expliquer tout cela avec intelligence gentillesse et amour.