Le Matin : La collaboration entre les secteurs public et libéral est nécessaire pour réussir les chantiers de la généralisation de l’AMO et la refonte du système de santé national. Quel bilan dressez-vous des actions réalisées en 2023 pour promouvoir les partenariats public-privé ?
Pr Redouane Semlali : Tout d’abord, il faut rappeler que tous les systèmes de santé qui ont atteint un niveau de performance important à travers le monde ont organisé un partenariat public-privé dans leur mode de fonctionnement. Ce partenariat devrait d’abord être fluide, rapide, bidirectionnel entre le public et le privé, à dimension régionale, et devrait intéresser tous les aspects de l’offre de soins : infrastructures, expertises humaines, technologies... La refonte du système de santé national est en phase d’installation. Certes, le bilan de 2023 est encore maigre, mais ce qui est important, c’est la prise de conscience des deux acteurs de santé, privé et public, de la nécessité de créer cette synergie et cette mutualisation de l’offre de soins afin de permettre à la population d’accéder rapidement aux soins de qualité de la manière la plus fluide.
Il est important de noter, par ailleurs, que la nouvelle stratégie adoptée par le ministère, dans le traitement des dossiers d’investissement du secteur privé dans la santé, en réponse aux Directives Royales, a permis, au cours de la période entre le 14 septembre 2022 et le 27 août 2023, d’octroyer l’autorisation pour ouvrir 76 établissements de santé privés, dont 32 cliniques multi-spécialités, 5 centres d’oncologie, 21 centres privés de filtration rénale, 13 laboratoires de radiologie médicale et d’autres établissements, dont 23 dans la région de Casablanca-Settat, 11 dans la région de Rabat-Salé-Kénitra, 10 dans la région de Fès-Meknès, 9 dans la région de Souss-Massa, 7 dans la région de Marrakech-Safi, 5 dans la région de Tanger-Tétouan-Al Hoceïma, 4 dans la région de Béni Mellal-Khénifra, et 3 dans chacune les régions de Draâ-Tafilalet, de l’Oriental et Laâyoune-Sakia El Hamra.
Est-ce que vous notez que l’État fournit plus d’efforts pour briser toutes les frontières entre les deux secteurs ?
En effet, on constate que plus d’efforts sont fournis par l’État pour le développement du partenariat public-privé et l’évolution de l’offre de soins privée au Maroc. À l’échelon central, au niveau du ministère de la Santé, il y a une prise de conscience de la nécessité de promouvoir le secteur libéral, surtout avec la généralisation de l’assurance maladie. Nous aurons besoin de plus de 30.000 lits. Si la moitié devait être réalisée dans le secteur privé, ceci veut dire qu’il faut créer 500 cliniques d’une dimension moyenne de 50 lits. Et pour ceci, on doit accélérer toutes les procédures pour asseoir cette offre de soins. La prise de conscience du ministère s’est concrétisée par la mise en place d’un secrétariat dépendant directement du ministre de la Santé qui permet de suivre avec les acteurs de santé et d’une manière pertinente, rapide et très fluide, l’installation de nouvelles structures. Il s’agit d’une initiative louable, car avant, pour ouvrir une clinique sur le plan réglementaire, c’était un parcours du combattant.
Nous voyons aussi aujourd’hui naître une dynamique au niveau des régions où du foncier est réservé pour le l’investissement dans le secteur de la santé aussi bien public que privé. Nos investisseurs privés ont bénéficié d’avantages concernant le foncier dans plusieurs régions. Maintenant, ce qui reste, c’est la mise en place d’incitations fiscales pour alléger l’investissement dans ce domaine. Il est anormal que des impôts qui ne sont pas liés à la rentabilité d’un établissement de santé existent toujours, tels que la taxe sur la valeur ajoutée et la taxe professionnelle qui sont des impôts qui pénalisent l’investissement dans ce domaine.
Y a-t-il des mesures pour assurer une meilleure répartition des cliniques privées dans les régions ?
L’investissement dans les régions est un point important à soulever. Il y a malheureusement des régions qui sont considérées comme un désert médical. Dans ces régions, il y a une population importante, il y a une couverture médicale actuellement avec la généralisation de l’assurance maladie, il y a un pouvoir d’achat, mais très peu d’établissements de santé. Si les acteurs et les investisseurs de santé n’y vont pas, c’est essentiellement en raison de l’absence d’un environnement médical – cabinets médicaux, centres de transfusion, laboratoires d’analyses médicales... – permettant d’exploiter des entités de santé.
Les opérateurs dans ce domaine ne sont pas motivés pour aller dans ces déserts médicaux par manque d’incitations fiscales aussi.
Certes, des groupes qui investissent dans la santé commencent à aller dans les régions où l’offre de soins est insuffisante, mais plus de facilitations sont nécessaires pour encourager les investisseurs.
Quels sont les autres défis que les cliniques privées pourraient être amenées à relever dans le cadre des partenariats public-privé ?
Il est nécessaire aujourd’hui d’asseoir la carte sanitaire pour obliger les investisseurs à développer une offre de soins dans des régions désertiques sur le plan médical. Il faut savoir que même dans les zones dites favorisées, les ratios d’investissement et d’offre de soins restent très faibles aujourd’hui : 1,3 lit par 1.000 habitants, alors que le nombre recommandé est de 3 lits par 1.000 habitants.
Pour encourager les investisseurs, il faut absolument mettre en place des incitations financières et fiscales.
Comment maintenez-vous un équilibre entre les intérêts des cliniques privées et l’objectif de fournir des services de santé accessibles à tous ?
Les intérêts des cliniques privées sont les intérêts des citoyens marocains. Notre objectif est de permettre de proposer une offre de soins accessible et suffisante selon les référentiels internationaux. Nous avons un modèle d’assurance maladie qui existe depuis 2006, et qui a permis la couverture de 30% des citoyens marocains. Et ces dernières années, tout le monde remarque qu’il est essoufflé qualitativement et quantitativement. Quantitativement, on ne peut pas espérer avoir un système de santé équitable avec seulement 30% de citoyens marocains couverts. Et qualitativement, on ne peut pas disposer d’un système de santé efficace avec une bonne partie des pratiques thérapeutiques qui ne figurent pas dans le panier des soins. Aujourd’hui, il y a une nouvelle dynamique avec la généralisation de l’Assurance maladie obligatoire (AMO). Nous avons atteint plus de 70% de Marocains assurés. L’objectif, c’est la pleine couverture. Mais il faut accompagner cette dynamique par des mesures de valorisation des actes professionnels et d’un élargissement des paniers de soins afin de permettre à tous les citoyens marocains de bénéficier d’offres de soins de qualité. Car même si le malade est porteur d’une assurance maladie, le restant à charge au Maroc est de 60%. Ce qui est anormal par rapport aux normes dans le monde qui sont autour de 20 à 25%.
Pr Redouane Semlali : Tout d’abord, il faut rappeler que tous les systèmes de santé qui ont atteint un niveau de performance important à travers le monde ont organisé un partenariat public-privé dans leur mode de fonctionnement. Ce partenariat devrait d’abord être fluide, rapide, bidirectionnel entre le public et le privé, à dimension régionale, et devrait intéresser tous les aspects de l’offre de soins : infrastructures, expertises humaines, technologies... La refonte du système de santé national est en phase d’installation. Certes, le bilan de 2023 est encore maigre, mais ce qui est important, c’est la prise de conscience des deux acteurs de santé, privé et public, de la nécessité de créer cette synergie et cette mutualisation de l’offre de soins afin de permettre à la population d’accéder rapidement aux soins de qualité de la manière la plus fluide.
Il est important de noter, par ailleurs, que la nouvelle stratégie adoptée par le ministère, dans le traitement des dossiers d’investissement du secteur privé dans la santé, en réponse aux Directives Royales, a permis, au cours de la période entre le 14 septembre 2022 et le 27 août 2023, d’octroyer l’autorisation pour ouvrir 76 établissements de santé privés, dont 32 cliniques multi-spécialités, 5 centres d’oncologie, 21 centres privés de filtration rénale, 13 laboratoires de radiologie médicale et d’autres établissements, dont 23 dans la région de Casablanca-Settat, 11 dans la région de Rabat-Salé-Kénitra, 10 dans la région de Fès-Meknès, 9 dans la région de Souss-Massa, 7 dans la région de Marrakech-Safi, 5 dans la région de Tanger-Tétouan-Al Hoceïma, 4 dans la région de Béni Mellal-Khénifra, et 3 dans chacune les régions de Draâ-Tafilalet, de l’Oriental et Laâyoune-Sakia El Hamra.
Est-ce que vous notez que l’État fournit plus d’efforts pour briser toutes les frontières entre les deux secteurs ?
En effet, on constate que plus d’efforts sont fournis par l’État pour le développement du partenariat public-privé et l’évolution de l’offre de soins privée au Maroc. À l’échelon central, au niveau du ministère de la Santé, il y a une prise de conscience de la nécessité de promouvoir le secteur libéral, surtout avec la généralisation de l’assurance maladie. Nous aurons besoin de plus de 30.000 lits. Si la moitié devait être réalisée dans le secteur privé, ceci veut dire qu’il faut créer 500 cliniques d’une dimension moyenne de 50 lits. Et pour ceci, on doit accélérer toutes les procédures pour asseoir cette offre de soins. La prise de conscience du ministère s’est concrétisée par la mise en place d’un secrétariat dépendant directement du ministre de la Santé qui permet de suivre avec les acteurs de santé et d’une manière pertinente, rapide et très fluide, l’installation de nouvelles structures. Il s’agit d’une initiative louable, car avant, pour ouvrir une clinique sur le plan réglementaire, c’était un parcours du combattant.
Nous voyons aussi aujourd’hui naître une dynamique au niveau des régions où du foncier est réservé pour le l’investissement dans le secteur de la santé aussi bien public que privé. Nos investisseurs privés ont bénéficié d’avantages concernant le foncier dans plusieurs régions. Maintenant, ce qui reste, c’est la mise en place d’incitations fiscales pour alléger l’investissement dans ce domaine. Il est anormal que des impôts qui ne sont pas liés à la rentabilité d’un établissement de santé existent toujours, tels que la taxe sur la valeur ajoutée et la taxe professionnelle qui sont des impôts qui pénalisent l’investissement dans ce domaine.
Y a-t-il des mesures pour assurer une meilleure répartition des cliniques privées dans les régions ?
L’investissement dans les régions est un point important à soulever. Il y a malheureusement des régions qui sont considérées comme un désert médical. Dans ces régions, il y a une population importante, il y a une couverture médicale actuellement avec la généralisation de l’assurance maladie, il y a un pouvoir d’achat, mais très peu d’établissements de santé. Si les acteurs et les investisseurs de santé n’y vont pas, c’est essentiellement en raison de l’absence d’un environnement médical – cabinets médicaux, centres de transfusion, laboratoires d’analyses médicales... – permettant d’exploiter des entités de santé.
Les opérateurs dans ce domaine ne sont pas motivés pour aller dans ces déserts médicaux par manque d’incitations fiscales aussi.
Certes, des groupes qui investissent dans la santé commencent à aller dans les régions où l’offre de soins est insuffisante, mais plus de facilitations sont nécessaires pour encourager les investisseurs.
Quels sont les autres défis que les cliniques privées pourraient être amenées à relever dans le cadre des partenariats public-privé ?
Il est nécessaire aujourd’hui d’asseoir la carte sanitaire pour obliger les investisseurs à développer une offre de soins dans des régions désertiques sur le plan médical. Il faut savoir que même dans les zones dites favorisées, les ratios d’investissement et d’offre de soins restent très faibles aujourd’hui : 1,3 lit par 1.000 habitants, alors que le nombre recommandé est de 3 lits par 1.000 habitants.
Pour encourager les investisseurs, il faut absolument mettre en place des incitations financières et fiscales.
Comment maintenez-vous un équilibre entre les intérêts des cliniques privées et l’objectif de fournir des services de santé accessibles à tous ?
Les intérêts des cliniques privées sont les intérêts des citoyens marocains. Notre objectif est de permettre de proposer une offre de soins accessible et suffisante selon les référentiels internationaux. Nous avons un modèle d’assurance maladie qui existe depuis 2006, et qui a permis la couverture de 30% des citoyens marocains. Et ces dernières années, tout le monde remarque qu’il est essoufflé qualitativement et quantitativement. Quantitativement, on ne peut pas espérer avoir un système de santé équitable avec seulement 30% de citoyens marocains couverts. Et qualitativement, on ne peut pas disposer d’un système de santé efficace avec une bonne partie des pratiques thérapeutiques qui ne figurent pas dans le panier des soins. Aujourd’hui, il y a une nouvelle dynamique avec la généralisation de l’Assurance maladie obligatoire (AMO). Nous avons atteint plus de 70% de Marocains assurés. L’objectif, c’est la pleine couverture. Mais il faut accompagner cette dynamique par des mesures de valorisation des actes professionnels et d’un élargissement des paniers de soins afin de permettre à tous les citoyens marocains de bénéficier d’offres de soins de qualité. Car même si le malade est porteur d’une assurance maladie, le restant à charge au Maroc est de 60%. Ce qui est anormal par rapport aux normes dans le monde qui sont autour de 20 à 25%.