Menu
Search
Vendredi 05 Décembre 2025
S'abonner
close
Vendredi 05 Décembre 2025
Menu
Search

Les cas de cyberviolence ont bondi de 35% entre 2023 et 2024 (Pr Youssef Bentaleb)

Les cas de cyberviolence continuent d'augmenter au Maroc, ciblant principalement les jeunes et les femmes. Dans cet entretien, le Pr Youssef Bentaleb, président du CMRPI et directeur de l'Espace Maroc Cyberconfiance, revient sur les formes les plus fréquentes de cyberviolence, les défis rencontrés et les actions mises en place pour protéger les victimes, en particulier à travers la plateforme «EMC Helpline».

No Image
Les cas de cyberviolence continuent d'augmenter au Maroc, ciblant principalement les jeunes et les femmes. Dans cet entretien, le Pr Youssef Bentaleb, président du CMRPI et directeur de l'Espace Maroc Cyberconfiance, revient sur les formes les plus fréquentes de cyberviolence, les défis rencontrés et les actions mises en place pour protéger les victimes, en particulier à travers la plateforme «EMC Helpline».

Les cas de cyberviolence ont bondi de 35% entre 2023 et 2024 (Pr Youssef Bentaleb)



Le Matin : Pouvez-vous nous fournir les derniers chiffres concernant la cyberviolence au Maroc ? Comment ces chiffres ont-ils évolué ces dernières années ?

Pr Youssef Bentaleb : Au Maroc, les cas de cyberviolence ont connu une augmentation notable ces dernières années, portée par l’essor rapide de l’utilisation d’Internet et des réseaux sociaux. Bien qu’il n’existe pas encore de chiffres officiels ou d’études de grande envergure sur ce phénomène, les données recueillies via le portail de signalement de l’Espace Maroc Cyberconfiance (EMC) montrent une hausse de 35% des signalements entre 2023 et 2024. Une étude menée par le Centre marocain de recherches polytechniques et d’innovation (CMRPI) en 2021 avait déjà révélé que plus de 31% des enfants et des jeunes au Maroc étaient victimes de cyberviolence et de cyberharcèlement. Les jeunes et les femmes restent les principales cibles, reflétant une réalité préoccupante. Ces constats soulignent l’urgence de renforcer les efforts pour protéger les utilisateurs d’Internet au Maroc contre les différentes formes de cyberviolence et de cybercriminalité.



Quels types de cyberviolence ont été les plus fréquents au Maroc en 2024, et quels groupes de population en sont les principales victimes ?

En 2024, les formes les plus fréquentes de cyberviolence incluent le cyberharcèlement, l’usurpation d’identité, la diffusion non consensuelle de contenu de vie privé et, de manière particulièrement préoccupante, le chantage numérique impliquant des photos et vidéos intimes. Ce dernier type de cyberviolence domine les signalements, affectant principalement les femmes, les jeunes filles et les enfants. Ces groupes, souvent pris pour cible en raison de leur forte présence en ligne et d’une sensibilisation insuffisante aux risques numériques, subissent des impacts psychologiques et sociaux importants, soulignant l’urgence d’intensifier les campagnes de prévention et de sensibilisation.

Quels sont les défis spécifiques auxquels le Maroc est confronté en matière de cyberviolence, et comment le pays répond-il à ces menaces ?

Le Maroc fait face à plusieurs défis majeurs dans la lutte contre la cyberviolence. La sensibilisation reste insuffisante, les risques numériques étant encore méconnus, en particulier chez les populations vulnérables comme les enfants. Le cadre légal, bien qu’existant, demeure inadapté, notamment pour traiter les cas liés à l’intelligence artificielle. L’anonymat des auteurs complique leur traçabilité et rend difficile leur poursuite, un problème partagé par de nombreux pays. Enfin, beaucoup de victimes hésitent à signaler ou à porter plainte, souvent par peur ou par méfiance envers les procédures de protection.

Pour relever ces défis, plusieurs initiatives ont été mises en place. La plateforme «e-blagh» de la Direction générale de la Sécurité nationale (DGSN) permet de signaler les cybercrimes, offrant ainsi un moyen pratique de dénoncer les actes de cyberviolence. Par ailleurs, la ligne d’assistance EMC Helpline, lancée par le CMRPI, offre un accompagnement personnalisé aux victimes de cyberviolence, en particulier les femmes et les enfants. Cette ligne permet non seulement de supprimer rapidement les contenus de cyberviolence diffusés sur les réseaux sociaux, mais également de fournir un soutien adapté aux victimes.

En parallèle, des campagnes nationales de sensibilisation aux cyberviolences et cyberharcèlement sont organisées chaque année, depuis 2021, à l’initiative du CMRPI, en partenariat avec le Conseil de l’Europe et avec le soutien de l’ambassade de Belgique ainsi que de nombreuses institutions et organisations de la société civile, afin d’informer et d’éduquer les citoyens sur les risques numériques et les bonnes pratiques pour s’en prémunir. Enfin, des formations ciblées sont dispensées aux forces de l’ordre, aux professionnels de la justice et aux acteurs de la santé pour renforcer leurs compétences en matière de protection en ligne et de gestion des cas de cyberviolence.

Ces efforts s’inscrivent dans une démarche proactive pour garantir un environnement numérique plus sûr et inclusif.



Comment le Maroc collabore-t-il avec d’autres pays et organisations internationales pour lutter contre la cyberviolence ?

Le Maroc collabore activement avec des organisations internationales telles que le Conseil de l’Europe dans le cadre de la Convention de Budapest, ainsi qu’à travers des accords bilatéraux, notamment avec la Belgique, pour partager les bonnes pratiques. Ces partenariats facilitent l’échange d’informations sur les cybercriminels et l’application de la loi via des coopérations judiciaires. Ils contribuent, également, au renforcement des capacités et à l’échange d’expertise par le biais d’ateliers régionaux, et de projets de formation destinés aux professionnels de la justice et aux forces de l’ordre.


Quelles sont les initiatives prévues pour renforcer la coopération entre les secteurs public, privé et la société civile en matière de prévention de la cyberviolence ?

Le Maroc favorise activement la coopération entre les secteurs public et privé à travers diverses initiatives. Parmi celles-ci figurent la création de partenariats avec des entreprises technologiques, telles que les plateformes de réseaux sociaux, les opérateurs de télécommunications et les fournisseurs d’accès à Internet, afin de développer des outils de protection en ligne adaptés. Le pays organise également des campagnes de sensibilisation conjointes, comme la 4ᵉ édition de la campagne nationale de prévention contre la cyberviolence, lancée le 4 décembre 2024 par le CMRPI en partenariat avec le Conseil de l’Europe. En parallèle, il collabore avec des acteurs clés de la société civile, notamment en soutenant des initiatives telles que l’Espace Maroc Cyberconfiance Helpline (EMC Helpline). Ce projet, reposant sur des synergies entre les secteurs public, privé et associatif, vise à offrir un soutien efficace et accessible aux victimes de cyberviolence.

Quels sont les facteurs expliquant la hausse des cas cyberviolence ciblant les femmes et les jeunes filles ?

En effet, la cyberviolence ciblant les femmes et les jeunes filles a augmenté significativement, notamment avec la montée en puissance des réseaux sociaux. Les formes les plus fréquentes incluent le sextorsion, les menaces en ligne, et les campagnes de dénigrement. Ces actes sont souvent perpétrés dans un contexte d’intimidation ou de contrôle, reflétant des inégalités sociales et de genre préexistant.

Quel impact attendez-vous de la 4ᵉ campagne de lutte contre la cyberviolence, qui vise justement à protéger les femmes et les jeunes filles ?

La 4ᵉ campagne nationale est une étape cruciale pour sensibiliser davantage la population à l’importance du signalement et de la prévention. En mettant l’accent sur les femmes et les jeunes filles, cette campagne vise à réduire et à briser le silence des victimes de cyberviolence tout leur offrant un espace sûr pour chercher de l’aide, en l’occurrence EMC Helpline. Nous espérons également que cela renforcera la résilience numérique des groupes vulnérables.

Quelles actions concrètes sont mises en place pour assurer la protection des victimes de cyberviolence au Maroc, en particulier via la plateforme EMC Helpline for Women, lancée ce lundi 9 décembre ?

L’édition de la campagne est marquée par l’élargissement des services de la plateforme EMC Helpline avec le lancement d’une version dédiée aux femmes, EMC Helpline for Women, offrant un accompagnement personnalisé aux femmes et jeunes filles victimes de cyberviolence. Ces services incluent une assistance technique pour la suppression de contenus de cyberviolence publiés sur les réseaux sociaux, un soutien psychologique et une orientation juridique adaptés à leurs besoins et des conseils pratiques et des guides pour renforcer leur sécurité en ligne.

Parallèlement, des formations et des ateliers seront organisés à destination des associations afin de promouvoir une culture de prévention et de signalement. Ces actions seront renforcées par une campagne de sensibilisation diffusée sur les réseaux sociaux et les médias.
Lisez nos e-Papers