L’Organisation mondiale de la santé (OMS) vient d’approuver l’usage des médicaments de la famille GLP-1 – dont le liraglutide, le sémaglutide et le tirzépatide – pour le traitement de l’obésité. Ces thérapies, déjà utilisées contre le diabète, sont désormais recommandées chez l’adulte, hormis les femmes enceintes, dans le cadre d’un traitement au long cours. Cette décision marque un tournant majeur dans la lutte contre l’obésité, d’autant que les spécialistes y voient une «étape importante» susceptible d’aider «des millions de personnes souffrant» de surcharge pondérale.
Un tournant thérapeutique majeur
Pour analyser les implications de cette décision, le journal «Le Matin» a contacté le Dr Tayeb Hamdi, médecin-chercheur en politiques et systèmes de santé. Selon cet expert, l’arrivée des GLP-1 représente «un véritable tournant», car «l’obésité et le diabète sont très répandus, responsables d’hypertension, d’accidents vasculaires cérébraux (AVC), d’insuffisance rénale et d’hospitalisations. Les traitements classiques n’arrivent pas toujours à stabiliser les patients».Pour cette raison, explique-t-il, l’émergence de ces nouveaux médicaments ouvre une voie thérapeutique différente. Dr Hamdi souligne, en effet, que les molécules GLP-1 se distinguent par leur mode d’action: «Elles n’agissent pas seulement sur le pancréas, mais aussi sur le cerveau, en modulant l’appétit, la sensation de satiété et les comportements alimentaires». Ainsi, elles visent à la fois les mécanismes métaboliques et comportementaux.
Dr Hamdi rappelle que les premiers traitements GLP-1 agissaient surtout en ralentissant la vidange de l’estomac, ce qui donnait une sensation de satiété plus rapide. Toutefois, les molécules plus récentes vont encore plus loin: «Certaines aident aussi à mieux utiliser les graisses et le glucose», explique-t-il, précisant que grâce à ces effets combinés, les résultats observés sont particulièrement significatifs: «On a vu des pertes de poids pouvant atteindre 20% du poids corporel, soit presque autant que certaines chirurgies bariatriques».
Malgré ces avancées, Dr Hamdi insiste sur un point central: ces médicaments, bien que très efficaces, doivent être strictement administrés selon les indications médicales. «Chaque molécule possède une version conçue pour le diabète et une autre pour l’obésité. Elles ne sont pas interchangeables. Et surtout, ce ne sont pas des traitements miracles: ils s’intègrent dans une prise en charge globale, avec un suivi médical, une alimentation adaptée et une activité physique régulière», alerte-t-il. Sur ce point, le directeur général de l’OMS partage la même position, en rappelant que ces médicaments ne peuvent à eux seuls résoudre la crise mondiale de l’obésité.
Un usage à encadrer et un accès à garantir
Par ailleurs, Dr Hamdi tient à mettre en garde contre certaines dérives, notamment l’utilisation de ces traitements par des personnes souhaitant perdre seulement quelques kilos. En effet, précise-t-il, l’obésité débute à un indice de masse corporelle (IMC = poids [kg] ÷ taille² [m²]) de 30 et le surpoids à partir de 25. «En dehors de ces indications, la balance bénéfices-risques peut rapidement devenir défavorable, car les effets indésirables risquent d’être plus importants que les bénéfices réels», précise-t-il.Dans cette logique, Dr Hamdi souligne, également, que «quelqu’un qui a uniquement 5 kg de plus que son poids normal prive un diabétique ou une personne obèse de son traitement». Cette situation est d’autant plus préoccupante que l’accès à ces médicaments est limité dans de nombreux pays. L’autre enjeu majeur, ajoute-t-il, demeure justement l’accès équitable. «Aux États-Unis, le traitement dépasse les mille dollars par mois. Au Bangladesh, une version générique coûte moins de 20 dollars puisque le stylo-injection n’y coûte que 5 dollars. On ne doit pas reproduire ce qui s’est passé avec les traitements du sida», avertit-il. Selon lui, le risque est donc de voir s’accentuer les inégalités, non seulement entre les pays, mais également au sein d’un même pays, entre ceux qui peuvent financer ces traitements et ceux qui en ont réellement besoin.
Pour faire face à ces défis, l’OMS insiste sur la nécessité de mettre en place des stratégies à même d’élargir l’accès, notamment grâce à la tarification différenciée, aux achats groupés ou encore aux licences volontaires. L’organisation onusienne prévient, également, contre la prolifération de produits falsifiés, qui représente une menace croissante. Dès 2026, elle prévoit d’accompagner les États dans l’élaboration d’un cadre de priorisation destiné à garantir que les patients les plus vulnérables soient traités en premier.
D’après Dr Hamdi, l’objectif reste clair: «Assurer l’équité d’accès et replacer ces médicaments dans une approche globale: alimentation, activité physique et suivi médical. Les GLP-1 sont un outil majeur, mais un outil parmi d’autres».
